Voyage dans le monde de l adolescence
165 pages
Français

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Voyage dans le monde de l'adolescence , livre ebook

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165 pages
Français

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Description

Etant à la fois clinicien et anthropologue, parlant la langue et soucieux de déceler les étapes des cheminements thérapeutiques de ses patients, particulièrement des adolescents, l'auteur dresse un tableau des diverses pratiques qui coexistent à Mayotte et des systèmes étiologiques auxquels elles se réfèrent. Qui sont ces adolescents, comment conçoivent-ils leur vie, quel est leur monde ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2010
Nombre de lectures 307
EAN13 9782296930674
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Voyage dans le monde de l’adolescence

Parcours mahorais d’un médecin devenu anthropologue
JEAN MICHEL VIDAL


Voyage dans le monde de l’adolescence

Parcours mahorais d’un médecin devenu anthropologue


L’Harmattan
Remerciements

À mes enfants Tristan et Valéria, qui m’ont accompagné tout au long ce parcours mahorais de six années. Parcours parfois un peu chaotique pour eux mais dont ils gardent aujourd’hui un souvenir ébloui.
À mes amis et collègues : Martine et son olivette qui m’ont permis d’écrire ce livre ; Gilles et Ellen qui ont su me conseiller et me guider dans mon parcours d’anthropologue médical et m’ont vivement encouragé à écrire de ce livre. ; A mes tendres amis québécois…
Et enfin; aux différents directeurs de la DASS de Mayotte pour leur soutien dans ce projet et tout particulièrement aux Drs Jean Julvez et Martial Henry.
Aux adolescents du monde entier…


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanado.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-10467-9
EAN : 9782296104679

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Préface
« Du mythe à la réalité. Les jeunes d’une île de l’Océan indien entre soleil et ombre ».

Gilles Bibeau, Département d’anthropologie, Université de Montréal

Les ouvrages écrits par les Occidentaux, fussent-ils anthropologues, sur les sociétés insulaires de l’Océan Indien ont porté, jusqu’à récemment, la marque du vieil impérialisme issu de l’exploration du monde et des empires coloniaux. Ni Louis-Antoine de Bougainville ni James Cook ni les autres grands navigateurs qui ont visité, autrefois, les îles des mers orientales ne savaient que le récit de leurs voyages allait donner naissance à un véritable mythe, celui d’îles paradisiaques peuplées de bons et dociles « sauvages », mythe qui a habité pendant longtemps l’imaginaire des touristes et des écrivains. Cocotiers, plages et lagons, poissons colorés et danses lascives, liberté sexuelle et beauté des corps ont ainsi donné lieu à de tenaces représentations auxquelles il a été difficile à quiconque d’échapper.

L’anthropologue spécialiste de ces peuples insulaires a essayé de se libérer, et il y a réussi parfois, de ces vieux mythes qui encombrent l’histoire des relations des Occidentaux avec les Comores, Madagascar et tant d’autres îles dispersées entre la côte de l’Afrique et Tahiti et Hawaï. Bien plus et autrement que les voyageurs d’autrefois, l’anthropologue « se laisse déplacer » dans sa rencontre avec les autres peuples, ce qu’il fait à travers sa capacité à parler la langue des autochtones et son écoute de ce que l’autre a à dire au sujet de lui-même. Le métier de l’anthropologue consiste à recueillir des témoignages, à enregistrer des récits et à recenser des signes qui forment un ensemble complexe, souvent exubérant, d’idées, de conduites et de pratiques organisé en des systèmes de sens. Dans son exploration de la logique inscrite au cœur du monde de l’autre, il arrive souvent à l’étranger, y compris à l’anthropologue, de se morfondre face au mur du silence qu’on lui oppose sous prétexte que l’Occidental ne comprendra pas, et de se heurter à des secrets, voire à des mensonges, sans doute parce qu’il y a des choses à ne pas dire, autant de barrières qui doivent être traversées pour entrer dans le monde de l’autre.

L’anthropologue participe aussi à des événements étonnants, témoin qu’il est, par exemple, de crises de possession par les esprits en pleine terre d’Islam, comme ce fut si souvent le cas pour le docteur Jean-Michel Vidal, médecin et anthropologue, l’auteur du livre que vous tenez entre vos mains. Discours, pratiques et événements viennent souvent ébranler ses certitudes comme s’il fallait, en le déstabilisant, rendre l’anthropologue disponible pour la découverte d’une autre version de l’humanité. C’est le plus souvent dans des mots approximatifs, incertains, et dans la recomposition de fragments de mythes que l’anthropologue essaie de reconstruire le monde rencontré ailleurs sans qu’il ne soit jamais sûr de rejoindre ce qui est au cœur du vécu de l’autre. Les bribes de récits racontés par les jeunes gens et jeunes filles de Mayotte ont permis au docteur Vidal de composer le méta-mythe de l’adolescence mahoraise : ce mythe « ne cache rien » mais il « n’affiche rien » non plus, et il n’est « ni un mensonge », « ni un aveu », comme l’écrit Roland Barthes (1957). Ce mythe fournit les grands repères à partir desquels les jeunes de Mayotte cherchent à faire sens de leur vie et à construire leur identité. Le récit mythique agit comme une inflexion face à la réalité hybride rencontrée par les jeunes dans leur vie de tous les jours, réalité à laquelle ils s’ajustent sans jamais s’y soumettre.

L’anthropologue pratique son métier de chroniqueur du temps présent dans un monde étranger à travers une participation, dans la proximité, à la vie quotidienne d’une autre société, par le biais d’une observation continue qui est complicité avec l’autre, dans une parole qui est adressée autant que reçue grâce à la connaissance de la langue locale, et dans un partage fait de continuels échanges avec les autres. La modestie dont l’auteur de ce livre fait la démonstration prolonge à la fois l’écoute du clinicien et le désir d’appréhender, c’est là le projet anthropologique, la différence dont l’autre est porteur. Malgré la connaissance de la langue (dans ce cas-ci le shimahoré) et le constant souci de rejoindre l’autre là où l’autre est, l’anthropologue ne peut jamais accéder que de biais au monde intérieur de cet autre, même lorsque l’anthropologue se redouble en médecin, comme c’est le cas pour l’auteur de ce livre, et qu’il rencontre l’autre, dans ce cas-ci le jeune qui souffre, dans un espace clinique qui permet de donner accès à ce que l’adolescente ou l’adolescent vit au plus intime.

Les philosophes et voyageurs européens ont été confrontés, déjà au temps du Siècle des Lumières, à l’extraordinaire diversité culturelle de l’humanité. C’était au temps où l’Occident entrait en contact avec des sociétés appartenant à des historicités et à des cosmologies étrangères à celles de l’Europe, sociétés de l’ailleurs qui contestaient, d’une manière radicale, la prétendue universalité de la civilisation européenne. Dans le Supplément au Voyage de Bougainville (1772) paru peu après le Voyage autour du monde (1771) de Bougainville, l’encyclopédiste Denis Diderot ironisait au sujet de la possibilité, pour un Occidental, de comprendre, du dedans et en profondeur, les manières de penser et de vivre des habitants des îles des mers du Sud. S’appuyant sur les données du Journal de bord du capitaine James Cook, l’anthropologue Marshall Sahlins défendait dans Îles dans l’histoire (l985), il n’y a pas si longtemps de cela, une position somme toute encore assez proche de celle de Diderot, à savoir que les insulaires ont partout démontré leur capacité à superposer le nouveau à de l’ancien, à intégrer des éléments étrangers dans la culture autochtone, et à établir des équivalences, des calques, comme si les insulaires cherchaient à tout prix, comme toutes les sociétés le font, à domestiquer l’inquiétante étrangeté de la rencontre avec l’altérité.

Gananath Obeyesekere, un anthropologue d’origine sri-lankaise, pense que les Hawaïens n’ont sans doute jamais reconnu, comme l’ont pensé les marins anglais, une incarnation de leur dieu Lono dans le personnage du capitaine Cook. Le meurtre de Cook aux mains des Hawaïens représente plutôt, selon Obeyesekere, la rencontre tragique de ce peuple avec le plus grand dieu européen, celui de la puissance, de la conquête et de l’impérialisme, un dieu dont la présence a profondément changé l’histoire des peuples colonisés. Il a fallu du temps avant que les anthropologues ne comprennent la formidable capacité des non-Oc

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