Yéniches
301 pages
Français

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Description

Venus des pays de langue germanique, où leur présence est attestée depuis plusieurs siècles, les Yéniches ou "Tsiganes blonds" constituent aujourd'hui, en France, le groupe le plus nombreux au sein de la communauté des Gens du voyage. Pour autant, ils restent très peu connus du grand public. Ils s'efforcent aujourd'hui d'en savoir davantage sur leurs origines mystérieuses et sur leur histoire, s'interrogent sur une spécificité qui les distinguerait autant des sédentaires que des Tsiganes et cherchent à rassembler les vestiges de leur langue secrète.

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Publié par
Date de parution 01 juillet 2007
Nombre de lectures 744
EAN13 9782336270470
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

9782296036758
Sommaire
Page de Copyright Page de titre INTRODUCTION IDENTITE(S) YENICHE(S)
Yéniches et autres Gens du voyage Le mode de vie nomade Les métiers itinérants L’origine géographique : toponymes et patronymes Le Yéniche est-il un Autre ? Le Yéniche : celui qui parle yéniche
NOBIS GADSCHI, JENISCH DIBERE : LA LANGUE YENICHE
L’argot des truands allemands Yéniche et yiddish Yéniches et Tsiganes Les sociolectes yéniches Le yéniche dans tous ses Etats
LIEUX ET ITINERAIRES : LA DIASPORA YENICHE
Les Yéniches en Allemagne et au Luxembourg Les Yéniches en Suisse alémanique Les Yéniches en Autriche Les Yéniches en France et en Belgique Les autres Voyageurs d’Europe
ECRIRE OU INVENTER L’HISTOIRE
Les mythes des origines Sans feu ni lieu Brigands et bandes armées Les Yéniches dans les griffes nazies Les Enfants de la Grand-Route Schäft qwant : la renaissance yéniche
CONCLUSION ANNEXE I : PAROLES DE YENICHES ANNEXE II : YENICHES CELEBRES ANNEXE III : LEXIQUE YENICHE-FRANCAIS ANNEXE IV : VOCABULAIRE FRANÇAIS-YENICHE BIBLIOGRAPHIE INDEX - Index des noms de lieux Index des noms de personnes Index thématique
Yéniches

Christian Bader
Ouvrages du même auteur :
Lexique des parlers sundgauviens, éd. du Rhin, 1997
La Namibie, éd. Karthala, 1997
Le Sang et le Lait. Brève histoire des clans somali, éd. Maisonneuve & Larose, 1999
Les Yibro, mages somali. Les Juifs oubliés de la Corne de l’Afrique, éd. l’Harmattan, 2000
Mythes et Légendes de la Corne de l’Afrique, éd. Karthala, 2002
Les Guerriers nus, éd. Payot Rivages, 2002
Les noms de personnes chez les Somali, éd. l’Harmattan, 2004
Parlons Oromo, une langue de la Corne de l’Afrique, éd. l’Harmattan, 2007
INTRODUCTION
Lorsque, dans les années soixante-dix, je me mis à rédiger un «lexique des parlers sundgauviens » et à faire l’inventaire des mots utilisés dans le dialecte haut-alémanique parlé au sud de Mulhouse, dans une région qu’on appelle le Sundgau, le mot « Jäne » ou « Jänischi » me posa quelques problèmes. Je le traduisis par « Yéniche », qui désigne dans les pays de langue allemande une population nomade ou itinérante 1 d’origine apparemment européenne, mais il me parut nécessaire d’expliciter le terme, à peu près inconnu en français. Je fis quelques recherches pour tenter d’en savoir plus sur ces « Tsiganes blonds », également désignés en dialecte par les termes, d’ailleurs éminemment dépréciatifs, de Schàreschliffer , « affûteurs de ciseaux », ou de Zeineflicker, « réparateurs de paniers », mais les rares documents auxquels je pus avoir accès ne me furent d’aucun secours notable.
Ce que je savais déjà des Yéniches relevait pour l’essentiel des préjugés et des idées reçues. Etant enfant, alors que j’habitais dans un village non loin de Mulhouse, nous recevions ainsi deux ou trois fois l’an la visite d’une femme qui faisait du porte-à-porte pour collecter des vêtements. Ma mère ne manquait pas de lui remettre quelques paquets, qui allaient rejoindre d’autres colis que notre visiteuse transportait dans une petite carriole attelée à son vélo. Puis elles parlaient longuement de choses et d’autres, en alsacien. J’avais entendu dire qu’elle était « yéniche ». La consonnance étrange de ce terme m’avait frappé d’autant plus vivement que je ne parvenais pas à comprendre en quoi l’on pouvait distinguer un Yéniche ne n’importe quel autre Alsacien.
A cette époque circulaient sur les Yéniches quelques généralités. Ils venaient, disait-on, d’Allemagne et de Suisse, et portaient toujours des noms allemands ; la plupart d’entre eux étaient blonds ou roux et avaient les yeux bleus. Ils exerçaient de petits métiers et vivaient d’activités plutôt précaires : les rémouleurs, rétameurs, vanniers, colporteurs et chiffonniers de jadis avaient peu à peu disparu pour faire place aux ferrailleurs, brocanteurs, forains et marchands de voitures d’occasion. Les Yéniches avaient la réputation d’être aussi querelleurs -mais, précisait-on, « presque toujours entre eux »- que prompts à se réconcilier. Certains d’entre eux vivaient dans les quartiers pauvres des villes, où ils s’étaient d’ailleurs souvent mêlés aux non Yéniches, quelques autres dans des abris mobiles ; ils n’avaient toutefois « rien de commun avec les Tsiganes », auxquels ils ne se mélangeaient jamais.
La plupart des auteurs d’ouvrages consacrés aux Tsiganes évoquent très brièvement les Yéniches, dont le nombre, à travers toute l’Europe, pourrait varier entre 350.000 et 750.000 personnes, dont une grande majorité de sédentaires et de Yéniches intégrés ou assimilés. Les Yéniches sont systématiquement distingués des Sinti et des Roma, dont ils ne parlaient pas la langue ; leurs origines sont cependant à peu près inconnues. Les théories les plus répandues font d’eux les descendants de paysans que les destructions occasionnées par la Guerre de Trente Ans (1618-48), de sinistre mémoire, avaient jeté sur les routes à travers tout le sud du monde germanique, depuis la vallée du Rhin jusqu’aux plaines de la Basse-Autriche.
Les Yéniches m’apparurent alors si peu « différents », et leur identité si étroitement liée à de simples activités, qui ne comportaient du reste aucun caractère réellement spécifique et pouvaient être exercées par n’importe qui, que je pensai qu’il ne resteraient bientôt plus de cette communauté qu’un nom sorti de l’usage et quelques individus isolés, essentiellement préoccupés de faire oublier leurs origines. Je me trompais.
Certes, beaucoup de Yéniches furent contraints ou firent le choix, librement consenti, de ne plus transmettre à leurs enfants une tradition identitaire qui, d’ailleurs entourée de mystères et de secrets, leur avait toujours valu, au pire de violentes persécutions, au mieux une réputation peu flatteuse de marginaux et de voyous. Cette démarche fut évidemment facilitée, depuis la fin du deuxième conflit mondial, par de nombreux mariages avec des non Yéniches et par un accès, beaucoup plus aisé que dans le passé, à toutes sortes de professions sans rapport avec les activités traditionnellement exercées par les Yéniches.
On assiste cependant, depuis un peu plus d’une décennie, à une véritable renaissance de l’identité yéniche. Ce phénomène a été favorisée par plusieurs facteurs concomitants : la valorisation de la culture nomade des Tsiganes et des Gitans, qui a enfin cessé d’être systématiquement stigmatisée et se trouve fréquemment associée aujourd’hui à une image de liberté et d’indépendance ; la mobilisation, en Suisse, des Yéniches victimes d’internements d’enfants mis en oeuvre par une association subventionnée jusqu’en 1967 par le gouvernement de Berne (association dont il sera bien entendu question dans ce livre) et la création consécutive, notamment en Suisse, en Allemagne et en Autriche, de plusieurs associations de défenses des intérêts et de la culture yéniches ; la diffusion, enfin, des technologies de l’information, qui permettent à un nombre croissant de Yéniches d’accéder à des sources écrites concernant leur communauté, d’entrer en contact avec d’autres Yéniches, de s’interroger sur leurs origines communes et de faire connaître leur culture à un public semble-t-il de plus en plus nombreux.
Pourtant, en France, la communauté yéniche n’est encore identifiée, de manière d’ailleurs marginale, que par les milieux professionnels amenés à gérer les communautés de « Gens du voyage », pour reprendre le terme officiel qui désigne à la fois les Sinti, les Roma et les Yéniches : préfectures, mairies, autorités de la police et de la gendarmerie, associations d’aide aux populations nomades. Partout ailleurs, y compris dans des milieux qui se targuent d’être bien informés, les Yéniches restent mal connus, voire inconnus. Un journaliste du « Monde diplomatique » ne se contentait-il pas de noter, dans un récent article consacré à l’écrivain suisse Mariella Mehr, que celle-ci était « yéniche, c’est-à-dire tzigane ( sic ) » 2  ?
Beaucoup de Yéniches se sont retrouvés avec plaisir dans les romans ou les poèmes écrits par des écrivains issus de leur communauté comme les Allemands Engelbert Wittich ou Günter Danzer, les Suisses Albert Minder, Peter Paul Moser et Mariella Mehr, les Autrichiens Romedius Mungenast et Simone Schönett ; ils ont également découvert, avec un intérêt souvent teinté de circonspection, les ouvrages consacrés à leur culture, à leurs origines et à

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