La maison du chat-qui-pelote
59 pages
Français

La maison du chat-qui-pelote

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Description

1829. La Comédie humaine - Études de moeurs. Premier livre, Scènes de la vie privée - Tome I. Premier volume de l'édition Furne 1842. Drapier, monsieur Guillaume tient boutique à Paris. Il a deux filles à marier, et prévoit d'unir l'aînée, mademoiselle Virginie, à son premier commis. La cadette, mademoiselle Augustine, va s'éprendre d'un jeune artiste. Deux mariages, deux destins opposés. Dans ce roman placé en tête de La Comédie Humaine, Balzac traite plusieurs de ses thèmes favoris, les oppositions entre le passé et le présent, la vie d'artiste et la bourgeoisie, la prudence qui dure et la passion qui détruit. Extrait : Guillaume avait deux filles. L’aînée, mademoiselle Virginie, était tout le portrait de sa mère. Madame Guillaume, fille du sieur Chevrel, se tenait si droite sur la banquette de son comptoir, que plus d’une fois elle avait entendu des plaisants parier qu’elle y était empalée. Sa figure maigre et longue trahissait une dévotion outrée. Sans grâces et sans manières aimables, madame Guillaume ornait habituellement sa tête presque sexagénaire d’un bonnet dont la forme était invariable et garni de barbes comme celui d’une veuve. Tout le voisinage l’appelait la sœur tourière. Sa parole était brève, et ses gestes avaient quelque chose des mouvements saccadés d’un télégraphe. Son œil, clair comme celui d’un chat, semblait en vouloir à tout le monde de ce qu’elle était laide. Mademoiselle Virginie, élevée comme sa jeune sœur sous les lois despotiques de leur mère, avait atteint l’âge de vingt-huit ans. La jeunesse atténuait l’air disgracieux que sa ressemblance avec sa mère donnait parfois à sa figure 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 44
EAN13 9782824709901
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LA MAISON DU
CHA T -QU I-P ELO T E
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LA MAISON DU
CHA T -QU I-P ELO T E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0990-1
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.LA MAISON DU
CHA T -QU I-P ELO T E
DÉDI É A MADEMOISELLE MARI E DE MON T H EA U
   la r ue Saint-D enis, pr esque au coin de la r ue du
Petit-Lion, e xistait naguèr e une de ces maisons pré cieuses quiA donnent aux historiens la facilité de r e constr uir e p ar analogie
l’ancien Paris. Les mur s menaçants de cee bico que semblaient av oir été
bariolés d’hiér ogly phes. el autr e nom le flâneur p ouvait-il donner aux
X et aux V que traçaient sur la façade les piè ces de b ois transv er sales ou
diag onales dessiné es dans le badig e on p ar de p etites lézardes p arallèles  ?
Évidemment, au p assag e de toutes les v oitur es, chacune de ces soliv es
s’agitait dans sa mortaise . Ce vénérable é difice était sur monté d’un toit
triangulair e dont aucun mo dèle ne se v er ra bientôt plus à Paris. Cee
couv ertur e , tordue p ar les intemp éries du climat p arisien, s’avançait de
tr ois pie ds sur la r ue , autant p our g arantir des e aux pluviales le seuil de
la p orte , que p our abriter le mur d’un gr enier et sa lucar ne sans appui. Ce
der nier étag e était constr uit en planches cloué es l’une sur l’autr e comme
1La maison du chat-qui-p elote Chapitr e
des ardoises, afin sans doute de ne p as char g er cee frêle maison.
Par une matiné e pluvieuse , au mois de mar s, un jeune homme ,
soigneusement env elopp é dans son mante au, se tenait sous l’auv ent de la
b outique qui se tr ouvait en face de ce vieux logis, et p araissait l’ e x aminer
av e c un enthousiasme d’ar ché ologue . A la vérité , ce débris de la b our g e
oisie du seizième siè cle p ouvait offrir à l’ obser vateur plus d’un pr oblème à
résoudr e . Chaque étag e avait sa singularité . A u pr emier , quatr e fenêtr es
longues, étr oites, rappr o ché es l’une de l’autr e , avaient des car r e aux de
b ois dans leur p artie inférieur e , afin de pr o duir e ce jour douteux, à la
fav eur duquel un habile mar chand prête aux étoffes la couleur souhaité e
p ar ses chalands. Le jeune homme semblait plein de dé dain p our cee
p artie essentielle de la maison, ses y eux ne s’y étaient p as encor e ar rêtés.
Les fenêtr es du se cond étag e , dont les jalousies r ele vé es laissaient v oir ,
au trav er s de grands car r e aux en v er r e de Bohême , de p etits ride aux de
mousseline r ousse , ne l’intér essaient p as davantag e . Son aention se p
ortait p articulièr ement au tr oisième , sur d’humbles cr oisé es dont le b ois
travaillé gr ossièr aurait mérité d’êtr e placé au Conser vatoir e des arts
et métier s p our y indiquer les pr emier s efforts de la menuiserie française .
Ces cr oisé es avaient de p etites vitr es d’une couleur si v erte , que , sans son
e x cellente v ue , le jeune homme n’aurait pu ap er ce v oir les ride aux de toile
à car r e aux bleus qui cachaient les my stèr es de cet app artement aux y eux
des pr ofanes. Parfois, cet obser vateur , ennuyé de sa contemplation sans
résultat, ou du silence dans le quel la maison était ense v elie , ainsi que tout
le quartier , abaissait ses r eg ards v er s les régions inférieur es. Un sourir e
inv olontair e se dessinait alor s sur ses lè vr es, quand il r e v o yait la b
outique où se r encontraient en effet des choses assez risibles. Une for midable
piè ce de b ois, horizontalement appuyé e sur quatr e pilier s qui p araissaient
courbés p ar le p oids de cee maison dé crépite , avait été r e champie
d’autant de couches de div er ses p eintur es que la joue d’une vieille duchesse en
a r e çu de r oug e . A u milieu de cee lar g e p outr e mignardement sculpté e se
tr ouvait un antique table au r eprésentant un chat qui p elotait. Cee toile
causait la g aieté du jeune homme . Mais il faut dir e que le plus spirituel
des p eintr es mo der nes n’inv enterait p as de char g e si comique . L’animal
tenait dans une de ses p aes de de vant une raquee aussi grande que
lui, et se dr essait sur ses p aes de der rièr e p our mir er une énor me balle
2La maison du chat-qui-p elote Chapitr e
que lui r env o yait un g entilhomme en habit br o dé . D essin, couleur s,
accessoir es, tout était traité de manièr e à fair e cr oir e que l’artiste avait v oulu se
mo quer du mar chand et des p assants. En altérant cee p eintur e naïv e , le
temps l’avait r endue encor e plus gr otesque p ar quelques incertitudes qui
de vaient inquiéter de consciencieux flâneur s. Ainsi la queue moucheté e
du chat était dé coup é e de telle sorte qu’ on p ouvait la pr endr e p our un
sp e ctateur , tant la queue des chats de nos ancêtr es était gr osse , haute et
four nie . A dr oite du table au, sur un champ d’azur qui déguisait imp
arfaitement la p our ritur e du b ois, les p assants lisaient GU I LLA UME  ; et à
g auche , SUCCESSEU R DU SI EU R CH EV REL. Le soleil et la pluie avaient
r ong é la plus grande p artie de l’ or moulu p ar cimonieusement appliqué
sur les ler es de cee inscription, dans laquelle les U r emplaçaient les V
et ré cipr o quement, selon les lois de notr e ancienne orthographe . Afin de
rabar e l’ or gueil de ceux qui cr oient que le monde de vient de jour en jour
plus spirituel, et que le mo der ne charlatanisme sur p asse tout, il convient
de fair e obser v er ici que ces enseignes, dont l’éty mologie semble bizar r e à
plus d’un nég o ciant p arisien, sont les table aux morts de vivants table aux
à l’aide desquels nos espiègles ancêtr es avaient réussi à amener les
chalands dans leur s maisons. Ainsi la T r uie-qui-file , le Sing e-v ert, etc., fur ent
des animaux en cag e dont l’adr esse émer v eillait les p assants, et dont
l’éducation pr ouvait la p atience de l’industriel au quinzième siè cle . D e
semblables curiosités enrichissaient plus vite leur s heur eux p ossesseur s que
les Pr o vidence , les Bonne-foi, les Grâce-de-Dieu et les D é collation de saint
Je an-Baptiste qui se v oient encor e r ue Saint-D enis. Cep endant l’inconnu
ne r estait certes p as là p our admir er ce chat, qu’un moment d’aention
suffisait à grav er dans la mémoir e . Ce jeune homme avait aussi ses
singularités. Son mante au, plissé dans le g oût des drap eries antiques, laissait
v oir une élég ante chaussur e , d’autant plus r emar quable au milieu de la
b oue p arisienne , qu’il p ortait des bas de soie blancs dont les mouchetur es
aestaient son imp atience . Il sortait sans doute d’une no ce ou d’un bal car
à cee heur e matinale il tenait à la main des g ants blancs et les b oucles
de ses che v eux noir s défrisés ép ar pillé es sur ses ép aules indiquaient une
coiffur e à la Caracalla, mise à la mo de autant p ar l’École de D avid que
p ar cet eng ouement p our les for mes gr e cques et r omaines qui mar qua
les pr emièr es anné es de ce siè cle . Malgré le br uit que faisaient quelques
3La maison du chat-qui-p elote Chapitr e
maraîcher s aardés p assant au g alop p our se r endr e à la grande halle ,
cee r ue si agité e avait alor s un calme dont la magie n’ est connue que
de ceux qui ont er ré dans Paris désert, à ces heur es où son tap ag e , un
moment ap aisé , r enaît et s’ entend dans le lointain comme la grande v oix
de la mer .

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