Le chef-d’œuvre inconnu
35 pages
Français

Le chef-d’œuvre inconnu

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
35 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

La Comédie humaine - Études philosophiques - Tome I. Quatorzième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : ― Montrer mon œuvre, s’écria le vieillard tout ému. Non, non, je dois la perfectionner encore. Hier, vers le soir, dit-il, j’ai cru avoir fini. Ses yeux me semblaient humides, sa chair était agitée. Les tresses de ses cheveux remuaient. Elle respirait ! Quoique j’aie trouvé le moyen de réaliser sur une toile plate le relief et la rondeur de la nature, ce matin, au jour, j’ai reconnu mon erreur. Ah ! pour arriver à ce résultat glorieux, j’ai étudié à fond les grands maîtres du coloris, j’ai analysé et soulevé couche par couche les tableaux de Titien, ce roi de la lumière, j’ai, comme ce peintre souverain, ébauché ma figure dans un ton clair avec une pâte souple et nourrie, car l’ombre n’est qu’un accident, retiens cela, petit. Puis je suis revenu sur mon œuvre, et au moyen de demi-teintes et de glacis dont je diminuais de plus en plus la transparence, j’ai rendu les ombres les plus vigoureuses et jusqu’aux noirs les plus fouillés 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 35
EAN13 9782824709987
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LE CH EF-D’ŒU V RE
I NCON N U
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE CH EF-D’ŒU V RE
I NCON N U
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0998-7
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LE CH EF-D’ŒU V RE
I NCON N U
1Le chef-d’ œuv r e inconnu Chapitr e
A U N LORD .
1845.
2CHAP I T RE I
GI LLET T E
   de l’anné e 1612, p ar une fr oide matiné e de dé cembr e ,
un jeune homme dont le vêtement était de très-mince app a-V r ence , se pr omenait de vant la p orte d’une maison situé e r ue
des Grands- A ugustins, à Paris. Après av oir assez long-temps mar ché dans
cee r ue av e c l’ir résolution d’un amant qui n’ ose se présenter chez sa
pr emièr e maîtr esse , quelque facile qu’ elle soit, il finit p ar franchir le seuil
de cee p orte , et demanda si maîtr e François PORBUS était en son
logis. Sur la rép onse affir mativ e que lui fit une vieille femme o ccup é e à
balay er une salle basse , le jeune homme monta lentement les degrés, et
s’ar rêta de mar che en mar che , comme quelque courtisan de fraîche date ,
inquiet de l’accueil que le r oi va lui fair e . and il p ar vint en haut de la
vis, il demeura p endant un moment sur le p alier , incertain s’il pr endrait
le heurtoir gr otesque qui or nait la p orte de l’atelier où travaillait sans
doute le p eintr e de Henri I V délaissé p our Rub ens p ar Marie de Mé dicis.
Le jeune homme épr ouvait cee sensation pr ofonde qui a dû fair e vibr er
3Le chef-d’ œuv r e inconnu Chapitr e I
le cœur des grands artistes quand, au fort de la jeunesse et de leur amour
p our l’art, ils ont ab ordé un homme de g énie ou quelque chef-d’ œuv r e .
Il e xiste dans tous les sentiments humains une fleur primitiv e , eng endré e
p ar un noble enthousiasme qui va t oujour s faiblissant jusqu’à ce que le
b onheur ne soit plus qu’un souv enir et la gloir e un mensong e . Par mi ces
émotions fragiles, rien ne r essemble à l’amour comme la jeune p assion
d’un artiste commençant le délicieux supplice de sa destiné e de gloir e et
de malheur , p assion pleine d’audace et de timidité , de cr o yances vagues
et de dé courag ements certains. A celui qui lég er d’ar g ent, qui adolescent
de g énie , n’a p as viv ement p alpité en se présentant de vant un maîtr e , il
manquera toujour s une corde dans le cœur , je ne sais quelle touche de
pince au, un sentiment dans l’ œuv r e , une certaine e xpr ession de p o ésie .
Si quelques fanfar ons b ouffis d’ eux-mêmes cr oient tr op tôt à l’av enir , ils
ne sont g ens d’ esprit que p our les sots. A ce compte , le jeune inconnu
p araissait av oir un v rai mérite , si le talent doit se mesur er sur cee
timidité pr emièr e , sur cee pudeur indéfinissable que les g ens pr omis à la
gloir e sav ent p erdr e dans l’ e x er cice de leur art, comme les jolies femmes
p erdent la leur dans le manég e de la co queerie . L’habitude du triomphe
amoindrit le doute , et la pudeur est un doute p eut-êtr e .
A ccablé de misèr e et sur pris en ce moment de son outr e cuidance , le
p auv r e né ophyte ne serait p as entré chez le p eintr e auquel nous de v ons
l’admirable p ortrait de Henri I V , sans un se cour s e xtraordinair e que lui
env o ya le hasard. Un vieillard vint à monter l’ escalier . A la bizar r erie de
son costume , à la magnificence de son rabat de dentelle , à la prép
ondérante sé curité de sa démar che , le jeune homme de vina dans ce p er sonnag e
ou le pr ote cteur ou l’ami du p eintr e  ; il se r e cula sur le p alier p our lui fair e
place , et l’ e x amina curieusement, esp érant tr ouv er en lui la b onne natur e
d’un artiste ou le caractèr e ser viable des g ens qui aiment les arts  ; mais
il ap er çut quelque chose de diab olique dans cee figur e , et surtout ce je
ne sais quoi qui affriande les artistes. Imaginez un fr ont chauv e , b ombé ,
pr o éminent, r etombant en saillie sur un p etit nez é crasé , r etr oussé du
b out comme celui de Rab elais ou de So crate  ; une b ouche rieuse et
ridé e , un menton court, fièr ement r ele vé , g ar ni d’une barb e grise taillé e
en p ointe , des y eux v ert de mer ter nis en app ar ence p ar l’âg e , mais qui
p ar le contraste du blanc nacré dans le quel floait la pr unelle de vaient
4Le chef-d’ œuv r e inconnu Chapitr e I
p arfois jeter des r eg ards magnétiques au fort de la colèr e ou de l’
enthousiasme . Le visag e était d’ailleur s singulièr ement flétri p ar les fatigues de
l’âg e , et plus encor e p ar ces p ensé es qui cr eusent ég alement l’âme et le
cor ps. Les y eux n’avaient plus de cils, et à p eine v o yait-on quelques traces
de sour cils au-dessus de leur s ar cades saillantes. Meez cee tête sur un
cor ps fluet et débile , entour ez-la d’une dentelle étincelante de blancheur
et travaillé e comme une tr uelle à p oisson, jetez sur le p our p oint noir du
vieillard une lourde chaîne d’ or , et v ous aur ez une imag e imp arfaite de ce
p er sonnag e auquel le jour faible de l’ escalier prêtait encor e une couleur
fantastique . V ous eussiez dit d’une toile de Rembrandt mar chant
silencieusement et sans cadr e dans la noir e atmosphèr e que s’ est appr oprié e
ce grand p eintr e . Le vieillard jeta sur le jeune homme un r eg ard empr eint
de sag acité , frapp a tr ois coups à la p orte , et dit à un homme valétudinair e ,
âg é de quarante ans envir on, qui vint ouv rir  : ― Bonjour , maîtr e .
Porbus s’inclina r esp e ctueusement, il laissa entr er le jeune homme en
le cr o yant amené p ar le vieillard et s’inquiéta d’autant moins de lui que le
né ophyte demeura sous le char me que doiv ent épr ouv er les p eintr es-nés
à l’asp e ct du pr emier atelier qu’ils v oient et où se ré vèlent quelques-uns
des pr o cé dés matériels de l’art. Un vitrag e ouv ert dans la v oûte é clairait
l’atelier de maîtr e Porbus. Concentré sur une toile accr o ché e au che valet,
et qui n’était encor e touché e que de tr ois ou quatr e traits blancs, le jour
n’aeignait p as jusqu’aux noir es pr ofondeur s des angles de cee vaste
piè ce  ; mais quelques r eflets ég arés allumaient dans cee ombr e r ousse
une p aillee ar g enté e au v entr e d’une cuirasse de r eîtr e susp endue à la
muraille , rayaient d’un br usque sillon de lumièr e la cor niche sculpté e et
ciré e d’un antique dr essoir char g é de vaisselles curieuses, où piquaient
de p oints é clatants la trame gr enue de quelques vieux ride aux de br
ocart d’ or aux grands plis cassés, jetés là comme mo dèles. D es é cor chés de
plâtr e , des fragments et des tor ses de dé esses antiques, amour eusement
p olis p ar les baiser s des siè cles, jonchaient les tablees et les consoles.
D’innombrables ébauches, des études aux tr ois cray ons, à la sanguine ou
à la plume , couv raient les mur s jusqu’au plafond. D es b oîtes à couleur s,
des b outeilles d’huile et d’ essence , des escab e aux r env er sés ne l aissaient
qu’un étr oit chemin p our ar riv er sous l’auré ole que pr ojetait la haute v
errièr e dont les ray ons tombaient à plein sur la pâle figur e de Porbus et sur
5Le chef-d’ œuv r e inconnu Chapitr e I
le crâne d’iv oir e de l’homme singulier . L’aention du jeune homme fut

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents