On conte qu’un ſerpent voiſin d’un Horloger, (C’ eſtoit pour l’Horloger un mauvais voiſinage) Entra dans ſa boutique, & cherchant à manger
N’yrencontra pour tout potage Qu’une Lime d’acier qu’il ſe mit à ronger. Cette Lime luy dit, ſans ſe mettre en colere, Pauvre ignorant ! & que pretends-tu faire ? Tute prends à plus dur que toy, PetitSerpent à teſte folle, Plutoſtque d’emporter de moy Seulementle quart d’une obole, Tute romprois toutes les dents. Jene crains que celles du temps.
Cecy s’adreſſe à vous, eſprits du dernier ordre, Qui n’eſtant bons à rien cherchez ſur tout à mordre, Vousvous tourmentez vainement.
Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages Surtant de beaux ouvrages ? Ils ſont pour vous d’airain, d’acier, de diamant.
XVI. Le Serpent & la Lime.
Fables de La Fontaine: Barbin & Thierry | Georges Couton