L’Anneau de Polycrate
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Friedrich Schiller ― B a l l a d e sL’Anneau de Polycrate / Der Ring des PolykratesTraductions de ce poème :L’Anneau de Polycrate par Xavier Marmier (1854) L’Anneau de Polycrate par Adolphe Régnier (1868)L’Anneau de Polycrate (tr. Marmier)L’ANNEAU DE POLYCRATE.Debout sur la terrasse de sa maison, il promenait ses regards satisfaits sur sa ville de Samos. « Tout ce que tu vois est soumis àmon pouvoir, disait-il au roi d’Égypte : avoue que je suis heureux.— Tu as éprouvé la faveur des Dieux : elle a assujetti à la puissance de ton sceptre ceux qui naguère étaient tes égaux : mais il en estun encore qui peut les venger ; je ne puis te proclamer heureux aussi longtemps que veille l’œil de ton ennemi. »À peine le roi avait-il parlé, qu’on voit venir un messager envoyé de Milet : « Fais flotter, ô seigneur, la fumée des sacrifices, etcouronne d’une riante branche de laurier ta chevelure divine.« Ton ennemi est tombé, frappé d’un trait mortel ; ton fidèle général Polydore m’a dépêché vers toi avec cette joyeuse nouvelle. » Et,en parlant ainsi, il tire d’un vase noir et présente aux regards stupéfaits des deux souverains une tête bien connue et encoresanglante. Le roi effrayé fait un pas en arrière : « Garde-toi, dit-il, de te fier au bonheur. Pense à la mer inconstante, à l’orage qui peut s’élever etanéantir la fortune incertaine de ta flotte. »Avant qu’il ait achevé de parler, il est interrompu par les cris de joie qui retentissent sur la rade. Une forêt de ...

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Friedrich Schiller ―Ballades
L’Anneau de Polycrate /des PolykratesDer Ring
Traductions de ce poème :
L’Anneau de Polycratepar Xavier Marmier (1854) L’Anneau de Polycratepar Adolphe Régnier (1868)
L’Anneau de Polycrate (tr. Marmier)
L’ANNEAU DE POLYCRATE.
Debout sur la terrasse de sa maison, il promenait ses regards satisfaits sur sa ville de Samos. « Tout ce que tu vois est soumis à mon pouvoir, disait-il au roi d’Égypte : avoue que je suis heureux. — Tu as éprouvé la faveur des Dieux : elle a assujetti à la puissance de ton sceptre ceux qui naguère étaient tes égaux : mais il en est un encore qui peut les venger ; je ne puis te proclamer heureux aussi longtemps que veille l’œil de ton ennemi. » À peine le roi avait-il parlé, qu’on voit venir un messager envoyé de Milet : « Fais flotter, ô seigneur, la fumée des sacrifices, et couronne d’une riante branche de laurier ta chevelure divine. « Ton ennemi est tombé, frappé d’un trait mortel ; ton fidèle général Polydore m’a dépêché vers toi avec cette joyeuse nouvelle. » Et, en parlant ainsi, il tire d’un vase noir et présente aux regards stupéfaits des deux souverains une tête bien connue et encore sanglante. Le roi effrayé fait un pas en arrière : « Garde-toi, dit-il, de te fier au bonheur. Pense à la mer inconstante, à l’orage qui peut s’élever et anéantir la fortune incertaine de ta flotte. » Avant qu’il ait achevé de parler, il est interrompu par les cris de joie qui retentissent sur la rade. Une forêt de navires apparaît dans le port, ils reviennent remplis de trésors étrangers. L’hôte royal s’étonne : « Ton bonheur est grand aujourd’hui ; mais redoute son inconstance. Les troupes crétoises te menacent d’un péril imminent : elles sont déjà près de la côte. » Avant qu’il ait achevé de parler, on voit des navires dispersés et des milliers de voix s’écrient : « Victoire ! Nous sommes délivrés de nos ennemis. L’orage a détruit la flotte crétoise, et la guerre est finie. » Alors l’hôte royal dit avec terreur : « En vérité, je tremble pour toi : la jalousie des Dieux m’épouvante. Nul mortel en ce monde n’a connu la joie sans mélange. « La fortune aussi m’a souri, la faveur du ciel m’a soutenu dans mes entreprises ; mais j’avais un héritier chéri : les Dieux me l’enlevèrent. Je le vis mourir, et je payai ainsi ma dette à la fortune. « Si tu veux éviter quelque catastrophe, invoque les Génies invisibles pour qu’ils mêlent la souffrance à ton bonheur. Je n’ai vu encore aucun mortel arriver joyeusement au terme de sa vie, quand les Dieux l’avaient comblé de leurs dons. « Et si les Dieux n’exaucent pas ta prière, écoute le conseil d’un ami. Appelle toi-même la souffrance, choisis parmi tous tes trésors celui auquel ton cœur attache le plus grand prix, et jette-le dans la mer. » Polycrate, ému par la crainte, répond : « Dans toute cette île, rien ne m’est plus précieux que cet anneau : je veux le consacrer aux Euménides pour qu’elles me pardonnent ma fortune ; » et il jette l’anneau dans les ondes. Le lendemain matin un pêcheur au visage joyeux se présente devant le prince : « Seigneur, dit-il, j’ai pris un poisson tel que je n’en avais jamais vu de semblable dans mes filets, et je viens te l’offrir. » Lorsque le cuisinier ouvrit le poisson, il accourut tout étonné auprès du prince et lui dit : « Vois, seigneur ; l’anneau que tu portais, je viens de le trouver dans les entrailles de ce poisson. Oh ! ton bonheur est sans bornes. » Le roi d’Égypte se détournant alors avec horreur, s’écrie : « Je ne puis rester ici plus longtemps et tu ne peux plus être mon ami. Les Dieux veulent taerte em’éloi neà la hâteour neas ériravec toi. » Il ditet à l’instant même il s’embarua.
L’Anneau de Polycrate (tr. Régnier)
Debout sur la terrasse de son palais, Il promenait avec satisfaction ses regards Sur Samos soumise à ses lois. « Tout cela m’appartient, » Dit-il au roi d’Egypte, « Avoue que je suis heureux ! » —
« Tu as éprouvé la faveur des dieux ! Ceux qui jadis furent tes égaux, Maintenant plient sous la puissance de ton sceptre. L’un d’eux cependant vit encore pour les venger ; Ma bouche ne peut te proclamer heureux, Tant que l’œil de l’ennemi veille. »
Et avant même que le roi eût fini, Se présente, envoyé de Milet, Un messager devant le tyran : « Seigneur, fais monter au ciel la fumée du sacrifice, Et que le riant feuillage du laurier Couronne tes cheveux en signe d’allégresse !
« Ton ennemi est tombé, percé d’un javelot, Polydore, ton fidèle général, M’envoie vers toi avec cette joyeuse nouvelle. » — Et il tire d’un noir bassin, Encore sanglante, à l’effroi des deux princes, Une tête bien connue.
Le roi recule avec horreur. « Crois-moi pourtant, ne te fie pas a ton bonheur, » Reprend-il avec un regard inquiet. « Songes-y, c’est sur les flots perfides — Qu’aisément l’orage la pourrait briser ! — Que vogue la fortune incertaine de ta flotte. »
Et avant qu’il ait achevé ces mots, L’interrompent les joyeuses acclamations Qui s’élèvent de la rade. Richement chargés des trésors de l’étranger, Reviennent aux rivages de la patrie Ses navires, épaisse forêt de mâts,
L’hôte royal est stupéfait : « Ta Fortune aujourd’hui est de bonne humeur, Mais crains son inconstance. Les bandes aguerries des Crétois Te menacent des dangers de la guerre ; Déjà elles approchent de ces bords. »
Et cette parole n’était pas échappée de ses lèvres, Qu’on voit des flots d’hommes affluer des vaisseaux, Et mille voix crient : « Victoire ! Nous sommes délivrés de la crainte de l’ennemi, La tempête a dispersé les Cretois, La guerre est loin, la guerre est finie ! »
L’hôte entend ces cris avec terreur. « En vérité, il faut que je t’estime heureux ! Pourtant, » dit-il, « je tremble pour ton salut. La jalousie des dieux m’épouvante ; Jamais les joies de la vie N’échurent sans mélange à aucun mortel. »
« À moi aussi tout a réussi,
Dans tous les actes de mon régne La faveur du ciel m’accompagne ; Cependant, j’avais un héritier chéri, Dieu me l’a pris, je l’ai vu mourir, À la Fortune j’ai payé ma dette.
« Ainsi, veux-tu te garantir de l’adversité, Supplie les maîtres invisibles De mêler la souffrance au bonheur. Jamais encore je n’ai vu finir dans la joie l’homme, Sur qui toujours à pleines mains Les dieux répandent leurs dons.
« Et si les dieux refusent de l’exaucer, Ne méprise pas le conseil d’un ami, Et appelle toi-même le malheur ; Et prends dans tes riches trésors Ce qui charme le plus ton âme, Et jette-le dans cette mer ! »
Et il lui répond, ému de crainte : « Dans tout ce que mon île enserre, Cet anneau est mon bien le plus précieux. Je veux le consacrer aux Furies, Peut-être alors me pardonneront-elles mon bonheur. » Et il lance le joyau dans les flots.
Aux premières lueurs de la prochaine aurore, Se présente, le visage radieux, Un pécheur devant le prince : « Seigneur, dit-il, j’ai pris un poisson, Comme jamais encore il n’en est entré dans mes filets, Je te l’apporte en présent. »
Et quand le cuisinier eut dépecé le poisson, Il accourt tout hors de lui, Et s’écrie, le regard stupéfait : « Vois, seigneur, l’anneau que tu portais, Je l’ai trouvé dans le ventre du poisson, Oh ! ton bonheur est sans bornes ! »
Alors l’hôte se détourne avec horreur : « Je ne puis donc séjourner ici plus longtemps, Tu ne peux être désormais mon ami. Les dieux veulent ta perte ; Je fuis, pour ne pas périr avec toi. » Il dit et s’embarque au plus vite.
Traduit par ADOLPHERÉGNIER.
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