Le Nuage (Shelley)

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— Percy Bysshe ShelleyLe Nuage – The CloudLe Nuage. I. Des ruisseaux et des mersJ’apporte un bain de pleurs à la fleur embaumée ; De mes hauts belvédersJe porte une ombre douce à la feuille pâmée. J’éveille le bouton Quand dans le molletonSur le sein de sa mère il berce sa pensée,En tombant goutte à goutte en humide rosée.Je fouette la grêle et par monts et par vaux, Et soudain je blanchis la terre,Et puis me ravisant, j’en forme des ruisseauxEt lui rends sa verdure…… en dépit du tonnerre. II. Bien au-dessus de moiJe tamise la neige, et les hauts pins gémissent ; Et la nuit, comme un RoiSur cet oreiller blanc mes membres s’assoupissent. Dans les castels de l’air Mon pilote, l’éclair,Se tient, muet sublime, observant le tonnerreQui s’agite en dessous comme un foudre de guerre ;Lors à travers la terre, à travers l’océan Bien doucement mon pilote me guide, Prenant quelquefois son élan,Soit vers les rocs aigus, soit vers quelqu’Atlantide,En quête où les Esprits assemblent leur divan, Où plane leur fluide ;Jusqu’à ce qu’il soit sûr, sous un torrent, un mont, D’avoir trouvé l’Esprit qu’il aime ;Et moi, pendant ce temps, je me chauffe au ...
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Français

 I.
Percy Bysshe Shelley
Le Nuage –The Cloud
Le Nuage.
 Desruisseaux et des mers J’apporte un bain de pleurs à la fleur embaumée ;  Demes hauts belvéders Je porte une ombre douce à la feuille pâmée.  J’éveillele bouton  Quanddans le molleton Sur le sein de sa mère il berce sa pensée, En tombant goutte à goutte en humide rosée. Je fouette la grêle et par monts et par vaux,  Etsoudain je blanchis la terre, Et puis me ravisant, j’en forme des ruisseaux Et lui rends sa verdure…… en dépit du tonnerre.
 II.
 Bienau-dessus de moi Je tamise la neige, et les hauts pins gémissent ;  Etla nuit, comme un Roi Sur cet oreiller blanc mes membres s’assoupissent.  Dansles castels de l’air  Monpilote, l’éclair, Se tient, muet sublime, observant le tonnerre Qui s’agite en dessous comme un foudre de guerre ; Lors à travers la terre, à travers l’océan  Biendoucement mon pilote me guide,  Prenantquelquefois son élan, Soit vers les rocs aigus, soit vers quelqu’Atlantide, En quête où les Esprits assemblent leur divan,  Oùplane leur fluide ; Jusqu’à ce qu’il soit sûr, sous un torrent, un mont,  D’avoirtrouvé l’Esprit qu’il aime ; Et moi, pendant ce temps, je me chauffe au plafond Du ciel bleu ; – cependant qu’il se dissout lui-même !
 III.
 Lelever du soleil Avec ses réseaux d’or, ses yeux de météore,  M’arracheà mon sommeil, Quand l’étoile au matin dans l’azur s’évapore.  Telsans craindre aucun choc  L’aiglepeut sur un roc Ébranlé par la terre, asseoir son envergure, Et de son œil de feu visager la nature. Et lorsque fatigué de sa course du jour Le soleil radieux dans l’océan se plonge, Exhalant ses ardeurs de repos et d’amour,  Etque le soir vient et s’allonge, Moi, faisant de mon aile un suave abat-jour, Je dors comme un oiseau bercé par un doux songe.
 IV.
 Cettevierge aux feux blancs
Que l’homme, en son jargon, appelle ainsi – la lune,  Seglissant sur mes flancs En tapinois, parcourt ma transparente dune ;  Etpartout où bruït  Deses pas le doux bruit, De mon toit de vapeurs brisant la contexture Les étoiles soudain de montrer leur figure ; Et je ris de les voir chacune cligner l’œil  Commeferaient franches coquettes, Et pour les exciter j’élargis mon linceuil,  Etlaisse passer les pauvrettes, Jusqu’ à ce que les lacs, et la mer, et l’écueil, Tout soit enfin pavé de brillantes facettes.
 V.
 Avecchaînons d’or pur J’attache le soleil à la zone brûlante,  Etla lune à l’azur En roulant en anneaux la perle éblouissante ;  Lesvolcans sont blafards,  Lesétoiles brouillards, Lorsque les tourbillons déployant ma bannière, Comme un soudain typhon je voile l’atmosphère. Oh ! quand je marche ainsi, j’ai pour char triomphal Les Puissances de l’air, Neige, Grêle, Tonnerre, De mon fougueux coursier l’univers est vassal ;  Maisbientôt renaît la lumière, L’arc aux mille couleurs allumant son fanal Vient éblouir le ciel et rajeunir la terre.
 VI.
 Dela terre et de l’eau Je suis fils ; – mais au ciel j’ai fixé ma demeure ;  Etsemblable à l’oiseau Dans les couches de l’air je me baigne à toute heure.  Jechange à chaque instant  Etsans mourir pourtant, Car alors que, brillant, le ciel après la pluie S’empresse de sécher mes larmes qu’il essuie, Et qu’il bâtit soudain le dôme bleu de l’air,  Soudainaussi comme un vampire Je sors de mon tombeau. – Puis plus prompt que l’éclair, Je jette à bas le dôme… au milieu d’un fou rire !
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