Lettre du 14 septembre 1675 (Sévigné)

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Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Lettres de Madame de Sévigné,
de sa famille et de ses amis
Hachette, 1862 (pp. 131-134).
445. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
À Tours, samedi 14e septembre.
J’ai reçu votre lettre, ma bonne, à Orléans, un moment devant que de monter en
bateau : ce me fut une 1675grande provision et une grande consolation pour ma
navigation. Entre plusieurs choses agréables dans ce que vous m’écrivez, il y en a
une qui m’a touchée : vous me dites que je prends bien des peines pour vous, mais
qu’elles ne me coûtent guère, et que c’est le comble des obligations : c’est si bien
savoir ce que je pense, que par cela seul, ma bonne, je serois trop payée. Je veux
quelque jour vous donner le plaisir de lire quelqu’une des lettres que vous m’écrivez.
[1]Je ne sais plus que vous dire de M. de Turenne, ni de Pertuis : je crains qu’il ne
se console en mon absence. J’avois laissé Mme de Vaubrun prête à devenir folle,
Mme de Langeron prête à mourir : j’avois assez bien réussi dans tout ce que vous
[2]m’aviez recommandé ; mais je ne vous réponds plus de rien, ma chère bonne ; je
[3]ne sais plus rien : j’ai la tête dans un sac. Je sais pourtant que Trèves est pris ; je
ne crois pas qu’on y retrouve Sanzei ; je plains encore plus sa femme. Quanto gli
[4]doveva parere il dubbio buono, se dovea soffrire tanto del certo ! voilà qui doit
décider.
Il me semble que M. de la Trousse revient sur sa parole, et qu’il n’a pas perdu
beaucoup de son équipage ; ...
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Français

Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné Lettres de Madame de Sévigné, de sa famille et de ses amis Hachette, 1862(pp. 131-134).
445. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
À Tours, samedi 14e septembre.
J’ai reçu votre lettre, ma bonne, à Orléans, un moment devant que de monter en bateau : ce me fut une1675grande provision et une grande consolation pour ma navigation. Entre plusieurs choses agréables dans ce que vous m’écrivez, il y en a une qui m’a touchée : vous me dites que je prends bien des peines pour vous, mais qu’elles ne me coûtent guère, et que c’est le comble des obligations : c’est si bien savoir ce que je pense, que par cela seul, ma bonne, je serois trop payée. Je veux quelque jour vous donner le plaisir de lire quelqu’une des lettres que vous m’écrivez.
[1] Je ne sais plus que vous dire de M. de Turenne, ni de Pertuis: je crains qu’il ne se console en mon absence. J’avois laissé Mme de Vaubrun prête à devenir folle, Mme de Langeron prête à mourir : j’avois assez bien réussi dans tout ce que vous [2] m’aviez recommandé; mais je ne vous réponds plus de rien, ma chère bonne ; je [3] ne sais plus rien : j’ai la tête dans un sac. Je sais pourtant que Trèves est pris; je ne crois pas qu’on y retrouve Sanzei ; je plains encore plus sa femme.Quanto gli [4] doveva parere il dubbio buono, se dovea soffrire tanto del certo !voilà qui doit décider.
Il me semble que M. de la Trousse revient sur sa parole, et qu’il n’a pas perdu beaucoup de son équipage ; je le plaindrois s’il n’avoit point retrouvéles beaux yeux de sa cassettecette folie nous est revenue en même temps, je venois de : vous l’écrire. Je comprends aisément les douceurs que vous mande Mme de [5] Vaudemont :elle1675est très-aimable ; j’honore l’amitié que vous conservez l’une pour l’autre, malgré ce qui vous sépare : je vous loue de continuer fidèlement votre commerce.
[6] [7] J’ai couché à Veret cette nuit. M. d’Effiatsavoit ma marche ; il me vint prendre sur le bord de l’eau avec l’abbé : sa maison passe tout ce que vous avez jamais vu de beau, d’agréable, de magnifique ; c’est pays plus charmant
Qu’autre qui soit sur la terre habitable :
je ne finirois point. M. et Mme Dangeau y sont venus dîner avec moi, et s’en vont à [8] Valençay .M. d’Effiat nous vient de ramener ici : il n’y a qu’une lieue et demie de chemin semé de fleurs ; il vient de nous quitter, en vous faisant mille sortes d’amitiés. Je n’ai point de quoi vous écrire, c’est le vilain papier de l’hôtesse qui me force de finir. Nous reprenons demain notre bateau, et nous allons à Saumur.
[9] J’ai vu à Veret des lettres de Paris. On croit que le prince d’Orange veut [10] reprendre Liége; je crains que1675M. de Luxembourg ne veuille l’empêcher, ou ne fasse un siège : cela me trouble pour mon pauvre Sévigné. On dit aussi que Monsieur le Prince ne veut pas attendre l’hiver en Allemagne, et qu’on y enverra M. de Schomberg. Ma bonne, ce n’est plus pour vous apprendre des nouvelles que je vous écris ; c’est pour en causer avec vous. Je me ressouvins l’autre jour, à Blois, d’un endroit si beau où nous nous promenions avec ce pauvre petit comte des [11] [12] Chapelles ,où il vouloit retourner ce sonnet:
Je veux finir mes jours dans l’amour de ma mie.
Mon Dieu ! ma chère bonne, que je suis fâchée de vous quitter, et que je vous aime chèrement ! Je vous embrasse d’un cœur qui n’a point son pareil. Si j’offense M. de Grignan, j’en suis fâchée, et je le baise pour l’apaiser. Si vous avez M. de Vardes et notre Corbinelli, je ne vous plains point avec cette bonne compagnie. L’histoire des [13] Croisades est fort belle; mais le style du P. Maimbourg me déplaît fort : il a [14] ramassé le délicat des mauvaises ruelles.
Faites grâce à son style en faveur de l’histoire
je le veux bien.
1. ↑LETTRE 445. Voyez ci-dessus, p. 103, note 14. 2. ↑Voyez la lettre du 26 juillet et la lettre du 4 septembre. (Note de Perrin.) Voyez encore celle du 12 août, p. 46. 3. ↑Trèves capitula le 6 septembre. Voyez plus loin la lettre du 20 septembre, p. 140, note 13. 4. ↑Combien le doute lui devait sembler bon, puisqu’il devait tant souffrir de la certitude ! 5. ↑Anne-Élisabeth de Lorraine, mariée en 1669 à Charles-Henri de Lorraine, prince de Vaudemont. Voyez tome II, p. 166, note 7. 6. ↑« Elle débarqua à deux lieues de Tours, à Mont-Louis ; et de là, traversant par terre l’espace de quatre kilomètres qui sépare la Loire et le Cher, elle alla coucher le 13 septembre à Veretz, dans le château originairement bâti par Jean de la Barre, comte d’Étampes. » (Walckenaer, tome V, p. 259.) Le duc d’Aiguillon, père du ministre, acheta cette terre, et le ministre y fut exilé. Le château a été abattu. 7. ↑L’abbé d’Effiat. Voyez tomes I, p. 440, note 5, et II, p. 401, note 5. — Il semble qu’il était alors exilé. Voyez les lettres du 17 septembre, et des 9 et 19 octobre suivants. 8. ↑ Dangeau était gouverneur de Touraine. — Valençay est entre Blois et Châteauroux, au sud-est de Tours. 9. ↑Dans les éditions de 1726 : « J’ai reçu à Veret des lettres de Saumur. » 10. ↑LaGazettedu 21 septembre annonce que dans la prévision d’une attaque, le maréchal d’Estrades fit entrer un renfort d’hommes et de vivres dans la citadelle de Liège ; dans le numéro du 28, elle dit que « le duc de Luxembourg est campé avec toute son armée, à une heure et demie de Charleroi, pour être à portée de Liége, en cas que les ennemis y marchent, ce qu’on ne croit pas. » 11. ↑Voyez tome II, p. 319, note 7. 12. ↑Le fameux sonnet de Voiture, qui commence par ce vers :
Il faut finir mes jours dans l’amour d’Uranie.
— Nous avons suivi pour le vers cité le texte de la Haye (1726) ; au lieu dema mie, il y a dans l’édition de 1734 :Uranie, comme chez Voiture ; dans celles de Rouen et de 1754 :Marie. 13. ↑ L’Histoire des Croisades duP. Maimbourg parut en 1675. L’achevé d’imprimer est du 10 mars. 14. ↑« Il sent l’auteur qui a ramassé, etc. » (Édition de1754.)
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