Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné
Lettres de Madame de Sévigné,
de sa famille et de ses amis
Hachette, 1862 (pp. 201-205).
462. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
À MADAME DE GRIGNAN.
eAux Rochers, dimanche 27 octobre.
Je n’ai point reçu de vos lettres, ma très-chère et très-belle : c’est une grande
tristesse pour moi. Il ne me tombe jamais dans l’esprit que ce soit votre faute : je
connois votre soin ; mais je comprends que votre débarquement de Grignan a
causé ce désordre. Mme de Chaulnes et la petite personne sont venues voir la
princesse de Tarente à 1675Vitré. D’abord cette duchesse m’envoie un compliment
fort honnête, disant qu’elle me viendroit voir. J’y fus dîner le lendemain ; elle me
reçut avec joie, et m’entretint deux heures avec affectation et empressement, pour
me conter toute leur conduite depuis six mois, et tout ce qu’elle a souffert, et les
horribles périls où elle s’est trouvée. Elle sait que je trafique en plusieurs endroits, et
que je pouvois avoir été instruite par des gens qui m’auroient dit le contraire : je la
remerciai fort de sa confiance, et de l’honneur qu’elle me faisoit de me vouloir
instruire. En un mot, cette province a grand tort ; mais elle est rudement punie, et au
[1]point de ne s’en remettre jamais. Il y a cinq mille hommes à Rennes , dont plus de
la moitié y passera l’hiver : ce sera assez pour y faire des petits, comme dit le
[2]maréchal de Gramont . MM. de Fourbin et de Vins s’ennuient fort de leur emploi ;
ce dernier m’a ...
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