Revue internationale de droit comparé - Année 2006 - Volume 58 - Numéro 1 - Pages 185-209 Le principe nulla poena sine lege reste un principe fondamental de tous systèmes de droit. Il accompagne le principe nullum crimen sine lege, dans un ensemble plus communément appelé le principe de légalité. Ce dernier, mis en place après la Révolution française, permet le respect des droits de la personne face à l’arbitraire possible du pouvoir exécutif et judiciaire. Le principe nulla poena sine lege a aujourd’hui une place importante au sein du noyau dur des droits de l’Homme: il est non seulement reconnu par la majorité des États, mais est aussi mentionné par les conventions internationales ou régionales relatives aux droits de l’Homme. Or, si les juridictions pénales internationales ad hoc (Tribunaux Pénaux Internationaux pour l’Ex-Yougoslavie et pour le Rwanda) ont pu valablement justifier le respect du principe nullum crimen sine lege, il n’en est pas de même pour ce qui est du principe nulla poena sine lege, dont la question de son respect reste ouverte. En effet, aucun texte international ne prévoit un quantum pour les infractions poursuivies par ces tribunaux. Le développement ci-dessous effectue un constat sur les peines prononcées par les TPI et sur les critères mis en place pour fixer le tarif de celles-ci. L’auteur en tire comme conclusion que le respect stricto sensu du principe de légalité des peines pose des problèmes au niveau international. The nulla poena sine lege principle is considered as fundamental principle in all systems of law. It is accompanied by the nullum crimen sine lege principle, which is a aspect of the legality principle. The latter came into force after the French Revolution. Its purpose is to protect an individual’s human rights against possible arbitrary decisions made by the judicial and executive authorities. The nulla poena sine lege principle is essential to ensure the respect for the successful maintenance of fundamental human rights: firstly, it is accepted by the majority of States and secondly, it is mentioned by the most important international and regional human rights conventions. The two ad hoc International Criminal Tribunals have entrenched the respect of the nullum crimen sine lege principle, however, it is not exactly the case with the principle of nulla poena sine lege. Indeed its existence in international criminal law is questionable. Furthermore, no international or regional conventions provide for a quantum of penalties. The following contribution attempts to evaluate the penalties pronounced by the ad hoc International Criminal Tribunals and the criteria used. The author concludes that the stricto sensu respect of nulla poena sine lege principle raises some problems at the international level. 25 pages Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.
CONSTAT SUR LE RESPECT DU PRINCIPE NULLA POENA SINE LEGEPAR LES TRIBUNAUX PÉNAUX INTERNATIONAUX∗Damien SCALIA∗∗Le principenulla poena sine legereste un principe fondamental de tous systèmes de droit. Il accompagne le principenullum crimen sine lege, dans un ensemble plus communément appelé le principe de légalité. Ce dernier, mis en place après la Révolution française, permet le respect des droits de la personne face à larbitraire possible du pouvoir exécutif et judiciaire. Le principenulla poena sine lege aujourdhui une place importante au sein du a noyau dur des droits de lHomme : il est non seulement reconnu par la majorité des États, mais est aussi mentionné par les conventions internationales ou régionales relatives aux droits de lHomme. Or, si les juridictions pénales internationalesad hoc (Tribunaux Pénaux Internationaux pour lEx-Yougoslavie et pour le Rwanda) ont pu valablement justifier le respect du principenullum crimen sine lege, il nen est pas de même pour ce qui est du principenulla poena sine lege, dont la question de son respect reste ouverte. En effet, aucun texte international ne prévoit unquantumpour les infractions poursuivies par ces tribunaux. Le développement ci-dessous effectue un constat sur les peines prononcées par les TPI et sur les critères mis en place pour fixer le tarif de celles-ci. Lauteur en tire comme conclusion que le respectstricto sensu du principe de légalité des peines pose des problèmes au niveau international. ∗Ce texte fait suite à une présentation effectuée en mai 2005 à Charmey (Suisse), à loccasion du Séminaire de 3èmecycle romand de droit dirigé par le Professeur Werro à lUniversité de Fribourg (Suisse). Le thème du Colloque était « Linfluence des droits de lhomme sur les autres branches du droit ». ∗∗ Doctorant en cotutelle à lUniversité de Genève et de Paris X Nanterre. E-mail : damien.scalia@free.fr Date de mise a jour : Mai 2005. Lauteur tient à remercier les Professeurs P. Poncela et C.-N. Robert, ainsi que Mme C. Durand, et M. Lounici, pour leurs relectures et leurs observations. Lauteur tient à remercier aussi Mme et M. Scalia pour leur soutien.
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The nulla poena sine lege principle is considered as fundamental principle in all systems of law. It is accompanied by the nullum crimen sine lege principle, which is a aspect of the legality principle. The latter came into force after the French Revolution. Its purpose is to protect an individuals human rights against possible arbitrary decisions made by the judicial and executive authorities. The nulla poena sine lege principle is essential to ensure the respect for the successful maintenance of fundamental human rights: firstly, it is accepted by the majority of States and secondly, it is mentioned by the most important international and regional human rights conventions. The two ad hoc International Criminal Tribunals have entrenched the respect of the nullum crimen sine lege principle, however, it is not exactly the case with the principle of nulla poena sine lege. Indeed its existence in international criminal law is questionable. Furthermore, no international or regional conventions provide for a quantum of penalties. The following contribution attempts to evaluate the penalties pronounced by the ad hoc International Criminal Tribunals and the criteria used. The author concludes that the stricto sensu respect of nulla poena sine lege principle raises some problems at the international level. «doit appliquer la loi, non la créer, niLe juge nest pas législateur. Il même linterpréter. Doù lexigence que les lois soient écrites, claires et ordonnées, pour que le juge nait pas à se fonder sur « lesprit de la loi » qui ouvre la porte à larbitraire judiciaire»1. R. BADINTER INTRODUCTION La création de juridictions internationales chargées de jugées des criminels de guerres, des criminels contre lhumanité ou des génocidaires a marqué une grande avancée dans la reconnaissance des droits de lHomme au niveau international. Cette avancée a commencé voila cinquante ans, avec la création des Tribunaux de Nuremberg et de Tokyo et se concrétise depuis une quinzaine dannées avec la mise en place des deux Tribunauxad hoc(le Tribunal Pénal International pour lEx-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR)2, et de la Cour Pénale Internationale (CPI)3. 1 BECCARIA,Traité des délits et des peines, Paris, Flammarion, 1991 préface de R. ; BADINTER. 2 Le Tribunal Pénal International pour lex-Yougoslavie (TPIY) a été établi en vertu de la Résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette Résolution fut adoptée le 25 mai 1993, en réponse à la menace pour la paix et la sécurité internationale représentées par les violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991.