Bérengère DAVIN davin@marseille.inserm.fr __________________________________________________________________________________ Thèse en Sciences Economiques : JUSTICE SOCIALE ET PRISE EN CHARGE DES PERSONNES AGEES DEPENDANTES L’évolution démographique des pays occidentaux révèle un vieillissement de leurs populations, plus marqué dans les pays de l’Union Européenne qu’en Amérique du Nord (Organisation pour la Coopération et le Développement Economique, 2000). L’accélération de cette évolution contribue à l’accroissement des dépenses de santé (Zweifel et al., 1999) et altère particulièrement les relations entre populations jeunes et populations âgées (Henrard, 1996, Jefferys, 1996, von Weizsäcker, 1996), en accentuant la nécessité des réformes des systèmes de protection sociale, dont les régimes de retraite et d’assurance-maladie (Lloyd-Sherlock, 2000, Zweifel, 1990). De façon beaucoup plus large, elle conditionne les modalités mêmes de la croissance économique (Fougère et al., 1999, Futugami et al., 2001). En France, où la population s’avère en moyenne plus vieille que dans les autres pays de l’OCDE, la proportion de personnes âgées de plus de 60 ans dans la population totale ne cesse de croître. En 2000, elle était de 20,6 %, soit 12,1 millions de personnes, dont 2,3 millions de plus de 80 ans (Bontout et al., 2002). A l’horizon 2050, elle devrait être de 58,8 %, soit 37,4 millions de personnes dont 11,6 millions de 75 ans et plus et 4,8 millions ...
Brengre DAVIN davin@marseille.inserm.fr__________________________________________________________________________________ Thse en Sciences Economiques : JUSTICE SOCIALE ET PRISE EN CHARGE DES PERSONNES AGEES DEPENDANTES Lvolution dmographique des pays occidentaux rvle un vieillissement de leurs populations, plus marqu dans les pays de lUnion Europenne quen Amrique du Nord (Organisation pour la Coopration et le Dveloppement Economique, 2000). Lacclration de cette volution contribue laccroissement des dpenses de sant (Zweifelal. et, 1999) et altre particulirement les relations entre populations jeunes et populations ges (Henrard, 1996, Jefferys, 1996, von Weizscker, 1996), en accentuant la ncessit des rformes des systmes de protection sociale, dont les rgimes de retraite et dassurance-maladie (Lloyd-Sherlock, 2000, Zweifel, 1990). De faon beaucoup plus large, elle conditionne les modalits mmes de la croissance conomique (Fougre etal., 1999, Futugami etal., 2001). En France, o la population savre en moyenne plus vieille que dans les autres pays de lOCDE, la proportion de personnes ges de plus de 60 ans dans la population totale ne cesse de crotre. En 2000, elle tait de 20,6%, soit 12,1 millions de personnes, dont 2,3 millions de plus de 80 ans (Bontoutet al., 2002). A lhorizon 2050, elle devrait tre de 58,8 %,soit 37,4 millions de personnes dont 11,6 millions de 75 ans et plus et 4,8 millions de 85 ans et plus (Bontoutet al., 2002, Brutel, 2002). Lallongement de la dure de vie saccompagne dun nombre croissant de maladies chroniques et dincapacits pour raliser les activits de la vie quotidienne. Bien que ces incapacits constituent un facteur majeur dinstitutionnalisation (Branchet al., 1982, Dsesquelleset al., 2003), une trs grande partie des personnes ges dpendantes en France (95,9 %) vit domicile (Jol, 2003). Pour pallier leurs incapacits fonctionnelles, elles ont recours des aides techniques spcifiques et/ou des tierces personnes afin de raliser tout ou partie des activits de la vie quotidienne. Le «vivier »des aidants est traditionnellement constitu des proches: membres de la famille au premier rang desquels le conjoint, amis, voisins. Ces aidants informels, au sens de non-professionnels, sont les premiers acteurs de la prise
en charge des besoins daide des personnes dpendantes (Breuil-Genier, 1998). Ainsi, pour prs de la moiti des personnes ges, laide provient uniquement de lentourage et aux cts des aidants informels interviennent des aidants formels au fur et mesure que le niveau de dpendance des personnes ges augmente (Dutheil, 2001). Mais les politiques de prise en charge de la dpendance ont globalement tard reconnatre explicitement limplication des familles dans laide aux personnes ges (Wiener, 2003). Or les volutions sociales (vieillissement des aidants, accroissement de lactivit fminine, loignement des enfants du domicile des parents, sparation plus frquente des couples) font craindre une diminution de laide apporte par les proches (aide informelle) et un rationnement de la demande daide professionnelle (aide formelle) par loffre (Bontoutet al.,2002). Selon des estimations effectues aux Etats-Unis, deux tiers des personnes ges doivent sattendre vivre les annes dincapacits avec des besoins non-satisfaits (Agree, 1999). Une rponse mal dimensionne pour rpondre aux besoins des personnes ges dpendantes peut favoriser des co-morbidits comme la dpression (Allenet al., 1997), accrotre le recours aux soins (Tennstedtal. et, 1994), aboutir au placement en institution (Branchet al., 1982, Dsesquelleset al., 2003) et augmenter le risque de dcs (Alonsoet al., 1997). Lapport daide par les proches ne doit pas par ailleurs tre considr comme prenne, car il peut aussi affecter de faon trs proccupante la sant (Colvezal. et, 2002) et la qualit de vie (Markowitzal. et, 2003) des aidants informels. La moiti des aidants de personnes atteintes de la maladie dAlzheimer souffre ainsi de dpression (Schulz etal., 1995) et leur surmortalit a t estime 63% (Schulzet al., 1999). La France a pu mesurer brutalement les difficults de la prise en charge des besoins daide des personnes ges au cours de la catastrophe sanitaire de lt 2003 o un pisode de canicule a occasionn prs de 15000 dcs (Grynszpan, 2003, Hmonet al., 2003). Cet vnement a t, en France, le rvlateur de linadquation de la rponse socio-familiale, mdicale et conomique la dpendance des populations ges. Or, de la conception-mme du rle que chaque acteur est amen jouer et notamment de la place de lintervention publique (simple payeur de dernier ressort pour les personnes les plus dmunies ou organisateur et financeur du champ de laide) dpendent spcifiquement les questions portant sur les populations aider et sur le montant des aides.
Cest dans ce contexte que la thse cherche tudier les caractristiques des liens existant entre les diffrents membres dune famille (et particulirement entre les parents gs et leurs enfants adultes), analyser les diffrentes rponses apportes aux besoins daides exprims par les personnes ges, et dcrire comment lEtat devrait intervenir afin dtablir des politiques de prise en charge redistributives quitables et correctement dimensionnes. Comme le montre le plan de thse ci-dessous, un premier chapitre est consacr aux relations existant entre trois acteurs : les parents gs (dpendants), leurs enfants adultes et lEtat. La question est de savoir tout dabord,quelles sont les motivations qui incitent les enfants soutenir(financirement ou plus concrtement sous formes de soins, daide la ralisation dactivits de la vie quotidienne, dattention, de visites…)leurs parents gs. Deux grands courants, notamment la suite des travaux de Becker et Bernheim, sont tudis :laltruisme et lchange. Une fois ces liens explicits, lobjectif est de voir, selon deux approches desthories de la justice distributiverawlsienne (lapproche et la thorie de la responsabilit de Dworkin), si le secteur public doit intgrer ces relations daides avant doprer une redistribution, et comment il doit le faire afin dassurer au mieuxlquit inter et intra gnrationnelle. Ce chapitre permettra de dfinir une grille de lecture laquelle seront confrontes, dans le second chapitre, lespolitiques effectives de prise en charge de la dpendance en France, savoir la mise en œuvre de la Prestation Spcifique Dpendance en 1997, remplace en 2002 par le dispositif dAllocation Personnalise dAutonomie. Le troisime chapitre dtaillera llaboration dunmodle de microsimulation cherchant mesurer, au niveau macroconomiques, les cots de diffrentes stratgies publiques de prise en charge de la dpendance, tudier les effets redistributifs verticaux (en fonction des revenus) et horizontaux (en fonction des risques sociaux), et anticiper les cots futurs de telles stratgies dans une perspective dynamique. Enfin, le dernier chapitre prsente lesrsultats destimations empiriques obtenus partir des donnes de lenqute Handicaps-Incapacits-Dpendance. Dans un premier temps, on sest intress aux facteurs lis aux situations de besoin daide des personnes ges. Puis, la faon dont une rponse (et en loccurrence, labsence de rponse) est apporte ces besoins est analyse en fonction de diffrents facteurs (mdicaux, sociodmographiques, conomiques, environnementaux).
PLAN DE THESE Chap. 1: Approche thoriquede la justice distributive et des relations enfants-parents 1.1: que sait-on des relations enfants-parentsApproche positive? quest-ce qui pousse les enfants apporter de laide leurs parents ? -laltruisme -lchange (ventuellement diffr dans le temps) 1.2 Approche normative : comment les thories de la justice distributive intgrent-elles les relations enfants-parents? compte tenu de ces relations daide, dans quels cas est-il justifi que lEtat intervienne et que devrait-il prendre en compte ? -la thorie de la responsabilit (Dworkin) prconise dintgrer les prfrences des agents et lEtat ne devrait intervenir que lorsque les individus ne sont pas responsables. -la thorie rawlsienne, en se plaant derrire le voile dignorance, nglige les prfrences des agents, et lEtat doit intervenir pour permettre lgalit des ressources. Chap. 2: Confrontation des politiques franaises pass et prsente de prise en charge de la dpendance la grille de lecture thorique 2.1 Le cas de la Prestation Spcifique Dpendance (PSD – 1997 2001) 2.2 Le cas de lAllocation Personnalise dAutonomie (APA – depuis 2002) Chap. 3 : Modle de microsimulation comptable Chap. 4: Les ingalits dans la prise en charge de la dpendance: estimation partir des donnes de lenqute Handicaps-Incapacits-Dpendance. 4.1 Facteurs associs aux besoins daide des personnes ges 4.2 Facteurs associs aux besoins daide non satisfaits des personnes ges