Au-delà de la critique communautarienne du libéralisme? D Alasdair Maclntyre à Stanley Hauerwas - article ; n°81 ; vol.89, pg 129-143
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Au-delà de la critique communautarienne du libéralisme? D'Alasdair Maclntyre à Stanley Hauerwas - article ; n°81 ; vol.89, pg 129-143

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Revue Philosophique de Louvain - Année 1991 - Volume 89 - Numéro 81 - Pages 129-143
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Publié le 01 janvier 1991
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Langue Français
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Jef Van Gerwen
Au-delà de la critique communautarienne du libéralisme?
D'Alasdair Maclntyre à Stanley Hauerwas
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 89, N°81, 1991. pp. 129-143.
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Van Gerwen Jef. Au-delà de la critique communautarienne du libéralisme? D'Alasdair Maclntyre à Stanley Hauerwas. In: Revue
Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 89, N°81, 1991. pp. 129-143.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1991_num_89_81_6675Au-delà de la critique
communautarienne du libéralisme?
D'Alasdair Maclntyre à Stanley Hauerwas
I. Une interprétation culturelle du libéralisme
Qu'est-ce que le libéralisme? D'aucuns l'associeront spontanément
à un système économique, celui du libre marché; d'autres mettront
l'accent sur le régime politique, celui de la démocratie pluraliste, où
chaque mesure est le résultat provisoire de combats et de compromis
entre des groupes d'intérêt. Pour les philosophes anglo-saxons qu'on
appelle les «communitarians», la notion de libéralisme comme implique
tous ces aspects, et davantage. Avant tout, ils comprennent le libéra
lisme un courant culturel, comme la conception dominante de l'homme
et de la société moderne, conception qu'ils opposent à d'autres plus
anciennes, telles les traditions chrétiennes et républicaines 1 .
Du point de vue socio-culturel, le libéralisme se définit en premier
lieu par ce qu'il nie. Ce qui est défendu comme valeur suprême, c'est
une liberté négative: l'indépendance de l'individu soi-disant autonome
de toute contrainte sociale. En effet, le libéralisme est né dans une
société traditionnelle qui manquait sévèrement de tolérance face à ses
citoyens. L'essor commercial, technologique et intellectuel du Tiers État
allait de pair avec les exigences de libre circulation, de liberté d'expres
sion et d'initiative, que l'Ancien Régime n'avait pu offrir à ses sujets, ni
même concevoir. Les révolutions culturelles et politiques de l'Occident
s'ensuivirent, avec les dates magiques de 1688, 1776, 1789, 1830, 1848:
les dates de naissance du libéralisme comme conception dominante de
la société moderne. Désormais la société serait fondée sur les seuls
principes rationnels de liberté, d'égalité et de tolérance.
1 Comme philosophes communautariens je considère surtout Alasdair Maclntyre,
Michael Sandel, et Charles Taylor; à ce groupe j'ajouterai un théologien comme Stanley
Hauerwas, et des sociologues comme Robert Bellah et ses collaborateurs Richard
Madsen, William Sullivan, Ann Swidler et Steven Tipton. 1 30 Jef Van Gerwen
Mais cette réaction massive contre l'Ancien Régime entraînait,
selon les communautariens, un effet négatif majeur. Dans un esprit de
méfiance généralisée envers tous les buts supra-individuels de la société
traditionnelle, les libéraux étaient tentés de rejeter toute notion d'un
bien commun. Ainsi, la révolution moderne laissait-elle les individus
libres bien démunis pour construire une société conviviale. Citons S.
Hauerwas: «(Nous avons accepté la supposition libérale selon laquelle)
une société juste est possible sans que les gens soient justes. Nous avons
supposé que la politique s'occupe seulement de la distribution des biens
désirés, sans tenir compte du contenu de ces désirs, parce que tout souci
de l'éducation morale du peuple en tant qu'objectif de la politique
apparaît comme une intrusion inexcusable dans le domaine de la liberté
personnelle»2.
Dans la société libérale on accepte une séparation stricte entre le
domaine public et privé. Le domaine privé est celui de la définition des
valeurs, des choix moraux, et de la satisfaction des désirs. Il est clair
que les valeurs sont l'objet d'un choix privé, et que les désirs s'expr
iment dans des préférences supposées autonomes, non-communes: de là
vient l'analogie entre la préférence économique, que le consommateur
exprime sur le marché, le vote secret du citoyen dans les élections, et
l'expression culturelle de goûts et de styles de vie dans la vie familiale,
dite «la vie privée». D'autre part les personnes et leurs associations
libres se manifestent dans le domaine public, qui est l'agora des
échanges mutuels et contractuels, gouverné exclusivement par les règles
de la justice formelle. En effet, la justice ne peut se mêler de la définition
des désirs individuels; elle se limite à la définition de procédures
équitables. Ainsi la société moderne ne possède ni convictions commun
es ni buts communs, si ce n'est qu'elle garantit une liberté maximale à
tous ses citoyens. Ce but formel et négatif serait une base insuffisante
pour formuler une conception substantielle de la justice et pour fonder
une vraie communauté.
Si tout cela est vrai, pourquoi la société libérale n'a-t-elle pas
succombé à ses propres faiblesses? Selon les communautariens, ce
paradoxe s'explique par la persistance d'habitudes morales traditionnell
es dans la vie quotidienne des hommes modernes. Comme le dit
Maclntyre: «Dans toutes nos pensées et dans toute notre vie au sein de
2 Stanley Hauerwas, A Community of Character Toward A Constructive Christian
Social Ethic. Notre Dame University Press, Notre Dame, 1981, p. 73: «The Church and
Liberal Democracy: the Moral Limits of a Secular Polity». Au-delà de la critique communautarienne du libéralisme? 131
la société politique, nous adoptons deux attitudes contradictoires: d'un
côté, nous concevons la société politique comme un réseau de commun
autés — des familles, des écoles, des entreprises, des hôpitaux, des
quartiers locaux — dans lesquelles nous réalisons des biens humains qui
ne peuvent être réalisés que par l'action commune et dans la vie
commune. Par ces expériences, nous apprenons qu'il n'existe guère de
bien personnel qui ne soit en même temps un bien pour la communauté.
Dans cette perspective, nous considérons les fins de la morale comme
des buts positifs. Nous avons certes besoin de règles négatives, d'in
terdits, pour exclure tout comportement intolérable dans notre vie
commune. Mais nous comprenons la vie politique et morale principal
ement en termes positifs comme une poursuite de certains biens pour
l'homme. Mais, d'autre part, nous sommes habitués en même temps à
concevoir la société comme une arène, dans laquelle les individus et les
groupes, avec leurs désirs rivaux, poursuivent tous leurs buts privés, de
telle sorte que chacun a besoin de protection contre les autres. Et nous
ne possédons pas de méthode systématique pour réconcilier ces deux
approches contradictoires»3. Maclntyre trouve maints exemples de
cette contradiction dans les débats éthiques contemporains : — le débat
sur le statut de l'embryon: l'embryon doit-il être respecté comme une
personne humaine ou être considéré comme un tissu organique, objet
soumis à la libre disposition de la mère?; — la question de la légitima
tion de la violence, avec les positions du pacifisme, de la doctrine de la
guerre juste, de la révolution libératrice, ou du réalisme politique; — la
discussion sur les critères de la justice distributive : distribution selon les
besoins? selon le mérite? selon les titres de propriété? sur base d'une
rationalité impartiale?4.
Dans chacun de ces débats, plusieurs positions sont possibles,
chacune justifiée par une argumentation rationnelle à partir de prémiss
es différentes et irréconciliables. Le discours rationnel en soi ne suffit
pas à surmonter ces différences, parce qu'il manque aux parties oppos
ées un fondement commun, c'est-à-dire une conception substantielle
des buts communs de leur société, qui fait qu'ils soient portés à accepter
telle définition de la vie humaine plutôt que telle autre. A cause de ce
manque, les débats éthiques sont interminables et la morale se mani-
3 Alasdair Maclntyre, «Regulation. A Substitute for Morality», Hastings Center
Report, 12, 1982, p. 31-33.
4 A. MacIntyre, After Virtue. A Study in Moral Theory, Notre Dame University
Press, Notre Dame, 1981, p. 6-7, 143, 227-23

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