Histoire de l Algérie contemporaine
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Histoire de l'Algérie contemporaine , livre ebook

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Description

Voici une histoire de l’Algérie d’Abdelkader à Bouteflika (sur deux siècles), qui précède, enjambe et fait suite à l’histoire coloniale française de ce pays  (1830-1962).Il ne s’agit pas d'oublier la colonisation française, mais au contraire de la réinsérer dans l’histoire longue de l’Algérie, de montrer en quoi et comment elle s’insère (par exemple dans la culture de la violence politique et de la gouvernance militaire de la société) dans l’histoire ottomane, puis débouche sur la République militaire.La République militaire instaurée avec le FLN est un mixte entre la culture militaire turque et tribale communautaire de la force; la culture jacobine centralisée inculquée par la France; le socialisme égalitaire mâtiné d’islam politique; et la culture militaire d’une armée moderne, qui est peut-être le principal legs de la France à l’Algérie - le tout communiant dans un nationalisme unanimiste et populiste.L’auteur insiste particulièrement sur l’histoire et les cultures politiques, doublés par les enjeux économiques et sociaux qui se succèdent et varient selon les conjonctures historiques.Les travaux sont nombreux sur l’Algérie, mais l’articulation d’un récit unifié sur la longue durée telle qu’elle sera ici traitée n’a pas d’équivalent. Ni en Algérie ni en France, ou la plupart des travaux séquencent une période courte, ou additionnent de nombreuses contributions qui ne permettent pas de saisir un récit unifié et qui fasse sens.Pierre Vermeren, normalien et agrégé d'histoire, est professeur d'histoire du monde arabe contemporain à l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne et membre du laboratoire SIRICE. Il est notamment l'auteur du Choc des décolonisations (O. Jacob, 2015), Histoire du Maroc (La Découverte, 2016) et La France en terre d'islam: Empire colonial et religions, XIXe-XXe siècles (Tallandier, 2020).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2022
Nombre de lectures 5
EAN13 9782380943085
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Avec ma reconnaissance aux professeurs passionnés qui m’ont initié à l’Algérie, et fait aimer son histoire : Jean-Pierre Pister, René Gallissot, Monique Gadant (†), Benjamin Stora, Omar Carlier (†).
 
 
Introduction Du territoire impérial à l’État-nation algérien
L’histoire récente de l’Algérie est un domaine aussi fécond que complexe. Son historiographie est déséquilibrée. Quatre séquences historiques – qui parfois se chevauchent – ressortent de son passé moderne et contemporain : la période ottomane, oubliée par les historiens ; la période coloniale française, labourée ; celle de la guerre d’Algérie, surinvestie ; l’Algérie indépendante depuis 1962, presque ignorée.
Commençons par une injonction et un paradoxe : le président de la République française demande aux historiens d’écrire l’histoire de l’Algérie coloniale. C’est ce que font beaucoup d’entre eux depuis soixante ans. Mais la République n’ose pas enseigner cette séquence, pourtant nationale, dans ses lycées.
Qui écrit l’histoire de l’Algérie, et dans quel objectif scientifique, politique ou idéologique ? L’histoire de l’Algérie est-elle un champ libre ? Qui est légitime pour l’écrire ? Universitaires algériens, acteurs et témoins, spécialistes français de droite et de gauche, chercheurs anglo-saxons, armée algérienne, anciens moudjahidine , islamistes, berbéristes, tous ont des biais. Sur quels supports écrire cette histoire, dans quelle langue, et dans quel pays ? En Algérie, en Turquie, en France, en Amérique, sur Internet-Wikipédia ? Les archives sont-elles accessibles, et en quels lieux ? À Istanbul, Alger, Paris, Aix, Vincennes… Deux exemples de nos difficultés d’historien : les archives ottomanes de la régence d’Alger ont été brûlées par les Français à leur arrivée à Alger en 1830. Mais s’il en reste à Constantine, et surtout à Istanbul, combien d’historiens travaillant sur ce pays lisent l’osmanli, la langue ottomane impériale ? Ou encore : l’histoire officielle de l’Algérie depuis 1962 est écrite par l’État algérien, corrigée par la presse algérienne, mais elle est interdite d’enseignement à l’Université, et ses archives sont inaccessibles. Wikipédia est ainsi devenu en quelques années le lieu où s’écrit anonymement l’histoire immédiate de ce pays.
L’histoire de l’Algérie a mis en contact durable, prolongé et conflictuel plusieurs mondes : l’administration et l’armée ottomane ; les savants arabes musulmans des villes ; la paysannerie et les chefferies berbères et arabes ; l’armée et le colonisateur français ; les savants et scientifiques de la métropole ; les Pères blancs et l’Église catholique ; les historiens nationalistes algériens, qu’ils soient réformistes musulmans, laïcs ou marxistes ; la gauche anticolonialiste française ; la droite postcoloniale ; les groupes mémoriels post-Algérie française que sont, selon Benjamin Stora, les pieds-noirs, les juifs d’Algérie, les harkis, les officiers et les appelés français, les immigrés, les militants, etc. Tous ont un point de vue fragmenté sur l’histoire de l’Algérie, et ils écrivent maintenant leur histoire.
L’originalité majeure de l’histoire de l’Algérie contemporaine tient à ce qu’elle est partagée entre plusieurs pays et civilisations, courants idéologiques antagonistes, ce qui rend les choses à la fois difficiles et passionnantes. Aucun pays asiatique et africain n’a été aussi bouleversé par la colonisation que l’Algérie depuis le XIX e siècle. Français et Algériens sont sortis transformés par cette histoire d’amour-haine. Il paraît à tout le moins difficile d’écrire, comme le réclame le rapport Stora publié en janvier 2021, une histoire franco-algérienne commune des XIX e et XX e siècles. Le précédent franco-allemand est invoqué depuis qu’a été rédigé un manuel d’histoire franco-allemand. Mais outre le caractère confidentiel de cette histoire, celle-ci s’inscrit dans le cadre d’une construction politique commune, la CEE-UE, entre deux riches démocraties apaisées à la suite de tragédies effroyables, dans le cadre d’un traité d’amitié signé entre les deux États à l’Élysée en janvier 1963, il y a plus de soixante ans. La France et l’Algérie n’en sont pas là.
Cet essai porte donc mon interprétation de l’histoire de l’Algérie depuis deux siècles, pour partie franco-algérienne. S’il tente de respecter les faits et les conjonctures portés à ma connaissance, il propose des analyses et des interprétations assumées, qui intègrent des connaissances établies par d’autres, et il sait que cette histoire sera réécrite, contestée et complétée. L’histoire est un travail collectif jamais abouti, mais chaque historien est en droit de proposer sa libre interprétation d’un fait d’histoire à ses contemporains. L’essentiel est d’éviter les modèles et les schémas explicatifs, car l’histoire n’est pas une science dure. Elle est humaine, aléatoire, unique dans ses manifestations et ses conjonctures, multiple par ses acteurs et ses manifestations. L’histoire est une polyphonie. L’historien part des faits et des témoignages, il emploie les mots et les catégories des acteurs, il analyse les documents d’époque au lieu de projeter ses attendus, a fortiori dans une histoire sur-idéologisée telle que celle-là. Partir des faits et des acteurs, c’est tenter de tenir à distance les passions et les souvenirs, toujours sélectifs, souvent partiels. Dans cette histoire jonchée de concepts et de modèles, tels que la colonisation, l’islam, la civilisation, l’impérialisme, la domination, la religion, la révolution, la dépersonnalisation, la colonisabilité, la politique, l’idéologie, le nationalisme, l’indépendantisme, la guerre civile, etc., tentons de nous frayer un chemin.
Avant d’entamer le récit de cette histoire bi-séculaire, balisée par deux acteurs qui ont pesé de tout leur poids sur l’histoire de l’Algérie, l’un au début du XIX e siècle, l’émir Abdelkader, l’autre au tournant et au début du XXI e siècle, le président Abdelaziz Bouteflika, commençons par une réflexion sur l’emboîtement des groupes humains, des peuples, des nations et des États qui, depuis deux siècles, ont tissé la trame de l’histoire de l’Algérie. Ce sera une manière de préciser des concepts et le sens que nous leur donnerons par la suite, puisqu’on ne fait pas d’histoire sans s’arrimer à quelques idées générales.
 
Les héritages : empire, nation, tribus
 
L’histoire de l’Algérie contemporaine se déploie dans trois lieux essentiels de la société politique d’Afrique du Nord : l’empire, la nation et la tribu.
La cellule de base de la société nord-africaine et des sociétés berbères précoloniales est la tribu. Cellule politique et sociale, mais aussi économique et militaire, elle constitue le substrat organisationnel de la société d’Afrique du Nord, Sahara compris, depuis au moins le Moyen Âge. Cette structure sociale et territoriale est mouvante dans le temps, et dans l’espace – on dira alors nomade –, mais aussi parfois fixe – elle est villageoise en Kabylie ou à Djerba. Elle se déploie dans des espaces de tailles différentes, parfois sur des longues distances, comme ces tribus possédant un territoire de plaine et des alpages. Dans son article historique, « Qu’est-ce qu’une tribu nord-africaine ? » 1 , le grand anthropologue du Maghreb Jacques Berque a montré que cette forme politique est une réalité vivante, mouvante, pérenne et résistante. Une tribu naît, vit et meurt ; et, dans le temps historique, elle peut agrandir ou réduire sa population et son territoire, voire se déplacer et changer de région. Elle peut aussi disparaître en cas de guerre, de famine ou d’absorption.
La tribu est très contestée par les africanistes en tant que forme d’organisation sociale et territoriale en Afrique subsaharienne. Il est vrai qu’elle y a été plaquée depuis la Méditerranée et le Moyen-Orient par les colonisateurs français et britanniques. Laissons ce débat aux spécialistes. Mais en Méditerranée berbère et arabe, ce fait social n’est pas contesté. La tribu, en arabe qabilat , au pluriel qabaïl , manière dont les Ottomans ont désigné les régions de peuplement tribal insoumises – et par extension la Kabylie moderne –, et en berbère arch , pluriel arouch , est une unité politique préexistante à la colonisation, précisément attestée au moins depuis Ibn Khaldoun au XIV e siècle.
Cette forme politique est incroyablement stable sur la longue durée, résiliente et résistante. Elle caractérise des sociétés sans État central fort, voire sans État central. La tribu a en principe la capacité d’être autonome économiquement, politiquement, militairement et fiscalement. Quand un État parvient à la soumettre durablement à sa fiscalité, ou à prélever un tribut militaire en hommes, en chevaux ou en armes, la tribu est considérée comme makhzen , dépendante, soumise, liée ou alliée à l’État central – le makhzen d’Alger, de Tunis ou de Fès étant le Trésor fiscal, et par extension l’État. Des tribus makhzen sont alliées au sultan, aux Ottomans, puis aux Français dès la conquête du pays. Mais les tribus essayent de se libérer de cette charge pour renouer avec leur autonomie quand l’État est faible. Un État qui se renforce ou veut élargir ses revenus doit tenter des expéditions fiscales meurtrières.
La forme politique de la tribu a été le cadre de vie des Berbères sur la très longue durée. Depuis la conquête arabe du Maghreb (l’Occident arabe), des tribus arabes arrivées du Moyen-Orient, ou des tribus berbères arabisées, par effet de contamination, se sont insérées dans le tissu tribal de l’Afrique du Nord à l’image d’une peau de léopard. Des régions sont devenues arabophones, d’autres sont demeurées berbérophones, certaines étant mixtes. Seules les villes sont émancipées de ce maillage politique. L’Algérie compte environ 300 à 350 tribus au début du XIX e siècle. Les militaires français ont cartographié à maintes reprises cette réalité qui change au gré des guerres et des famines ou épidémies. Les tribus d’alors, en Algérie, comptent en général entre 7 000-8 000 et 10 000-12 

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