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Le « printemps arabe » fut une surprise pour tous : les gouvernements des pays concernés, les observateurs étrangers, mais aussi les intellectuels arabes. Néanmoins, nombre d’entre eux avaient déjà inclus dans leurs œuvres des scènes de révolte populaire, qu’elles soient fictives ou réelles, depuis l’époque coloniale jusqu’à cette fin d’année 2010, marquée par la révolution du jasmin à Tunis. Depuis, d’autres poètes, nouvellistes et romanciers ont pris la plume pour décrire à leur manière les différentes révoltes qui constituent ce fameux printemps, affrontant la difficulté de s’emparer d’un événement en cours, aux contours encore mal définis, qui par nature demanderait un temps de réflexion et de maturité pour en parler de la meilleure façon. Nous proposons ici une analyse de quelques-uns de ces textes, dus à des auteurs connus et moins connus, qu’ils soient d’Égypte, de Syrie, de Libye, du Qatar ou du Maroc.
Xavier Luffin enseigne la langue et la littérature arabes à l’Université libre de Bruxelles. Il a traduit une douzaine de livres (romans, nouvelles, théâtre, poésie), essentiellement d’auteurs du monde arabe (Égypte, Liban, Soudan, Maroc, Tunisie, Palestine), mais aussi de Turquie et du Libéria. Il est également l’auteur de Religion et littérature arabe contemporaine. Quelques aspects critiques (2012).
PRINTEMPS ARABE ET LITTÉRATURE. DE LA RÉALITÉ À LA FICTION, DE LA FICTION À LA RÉALITÉ
Xavier Luffin
Printemps arabe et littérature. De la réalité à la fiction, de la fiction à la réalité
Préface de Valérie André
Académie royale de Belgique
rue Ducale, 1 - 1000 Bruxelles, Belgique
www.academieroyale.be
Informations concernant la version numérique
ISBN : 978-2-8031-0345-4
© 2012, Académie royale de Belgique
Collection L’Académie en poche
Sous la responsabilité académique de Véronique Dehant
Volume 15
Diffusion
Académie royale de Belgique
www.academie-editions.be
Crédits
Photo de couverture : Académie royale de Belgique – © sateda – Fotolia.com.
Conception et réalisation : Grégory Van Aelbrouck, Laurent Hansen, Académie royale de Belgique
Publié en collaboration avec
bebooks - Editions numériques
quai bonaparte, 1 (boite 11) - 4020 Liège (Belgique)
info@bebooks.be
www.bebooks.be
Informations concernant la version numérique
ISBN 978-2-87569-068-5
A propos
Bebooks est une maison d’édition contemporaine, intégrant l’ensemble des supports et canaux dans ses projets éditoriaux. Exclusivement numérique, elle propose des ouvrages pour la plupart des liseuses, ainsi que des versions imprimées à la demande.
Chronologie
2010
17 décembre
Immolation de Mohammed Bouazizi à Sidi Bouzid (Tunisie)
27 décembre
Manifestations à Tunis
2011
14 janvier
Départ du président Zine el-Abidine Ben Ali et de ses proches pour l’Arabie saoudite
18 janvier
Début de la contestation au Yémen
25 janvier
Occupation par les manifestants de la place Tahrir, au Caire (Égypte)
1 février
Deux millions de manifestants dans les rues du Caire
10 février
Moubarak transfère son pouvoir au vice-président Omar Sulayman
13 février
Le Parlement égyptien est dissout, le Premier ministre remplacé
14 février
Reprise des manifestations à Bahreïn
15 février
Premières manifestations en Libye
17 février
Journée de la colère en Libye
20 février
Benghazi est aux mains des opposants à Kadhafi
22 février
Discours de Kadhafi promettant une sévère répression
24 février
Misrata est aux mains des opposants à Kadhafi
14 mars
Répression sanglante des manifestations à Bahreïn
15 mars
Premières manifestations pacifiques en Syrie
16 mars
Couvre-feu à Bahreïn
17 mars
Le Conseil de sécurité des Nations unies autorise les frappes aériennes contre les troupes de Kadhafi
18 mars
Sanglante répression à Deraa en Syrie
19 mars
Référendum approuvant la réforme de la Constitution égyptienne
25 mars
Extension de la contestation en Syrie
25 mars
Extension de la contestation en Syrie
25 avril
Début du siège de Deraa (Syrie)
20 août
Chute de de Tripoli (Libye)
20 octobre
Mort de Kadhafi
2012
3 février
Massacre de Homs (Syrie)
26 mai
Massacre de Houla
Préface
Rien n’appelait Mohamed Bouazizi, jeune marchand ambulant de Sidi Bouzid, à entrer dans l’Histoire. Rien ne le destinait à rompre définitivement avec l’anonymat qu’imposait sa condition d’ouvrier agricole devenu vendeur de rue. L’homme ne connaîtra jamais les incidences de ce moment de désespoir qui le poussa à s’immoler publiquement, le 17 décembre 2010, ultime protestation d’un citoyen lambda qui, comme tant d’autres, éprouvait au quotidien la rigueur du régime tunisien. Pourtant, ce geste, dans sa désarmante banalité – qui pourrait s’émouvoir d’un suicide, fût-il spectaculaire, dans un pays où règne la dictature ? – allait changer la face du monde arabe et bouleverser l’opinion internationale. « Effet papillon » de cet acte isolé, que tout désormais désignait comme le catalyseur d’une contestation populaire étourdissante, e printemps arabe était né, ressuscitant l’espoir des défenseurs des libertés individuelles et de la démocratie.
On le sait, le mouvement est polymorphe et on parlerait à bon droit des printemps arabes. Xavier Luffin y insiste à dessein dans l’introduction de cet essai : il n’y a rien de commun entre la Tunisie ou l’Égypte et la Lybie ou la Syrie, où la révolution s’est rapidement muée en véritable guerre civile. La complexité du phénomène bouscule les certitudes rassurantes du manichéisme, l’opinion a du mal à se positionner pro et contra , ballotée entre les bouffées d’espoir et les amères désillusions. Difficile, en effet, d’avoir un avis tranché lorsqu’on bascule de Charybde en Scylla. Se réjouit-on de l’éviction d’un président Ben Ali ou d’un Hosni Moubarak, aussitôt est-on rattrapé par la crainte légitime suscitée par l’ascension irrépressible des fondamentalismes religieux et le recul de la laïcité. À peine applaudit-on à la fin du règne sanguinaire de Kadhafi ou à l’effritement de la dictature syrienne, la guerre civile et les combats meurtriers endeuillent l’actualité… La peste ou le choléra. Ainsi semble se résumer l’alternative à laquelle les peuples arabes sont aujourd’hui confrontés, entraînant avec eux l’Occident impuissant, théâtre d’affrontements exportés sur son propre territoire.
L’histoire nous a montré, hélas, d’autres exemples similaires de choix cornélien entre le maintien d’un gouvernement laïque mais totalitaire, qui musèle la religion dominante et tous les extrémismes, confondus sans nuance avec toute forme de dissidence, et la reprise du pouvoir par le « peuple », au prix d’une radicalisation incontrôlable et dangereuse des idéaux religieux, le plus souvent préludes à de nouvelles théocraties. Rappelons-nous le passé récent… Les conflits opposants l’Iran de Khomeiny à l’Irak de Saddam Hussein ont eux aussi divisé l’opinion occidentale et parfois même amené les démocraties à soutenir le régime du Raïs par crainte du règne des mollahs. Comparaison n’est pas raison, certes. Une question s’impose toutefois : aurait-on élu un pape polonais en 1978, si le catholicisme ne s’était trouvé en position de résistance politique par rapport au soviétisme triomphant, affichant lui aussi une laïcité constitutive ? Voire…
La situation est plus complexe aujourd’hui. N’en déplaise à George W. Bush, on ne saurait définir le printemps arabe en termes de croisade du Bien contre le Mal, de la démocratie contre le totalitarisme. Les intellectuels arabes en sont conscients et s’affrontent à travers les tribunes de la modernité. Aujourd’hui, les émissions télévisées, comme celles de la chaîne Al Jazeerah, ou les forums qui envahissent la blogosphère ont autant de poids que les articles de journaux ou les essais politiques. Pour autant, le livre n’a pas perdu sa place dominante et la littérature assume toujours sa fonction de révélateur historique, sans jamais abandonner sa dimension émancipatrice. « Une fiction réussie incarne la subjectivité d’une époque », écrit fort justement Mario Vargas Llosa à l’occasion d’une réflexion sur la délicate relation entre littérature et histoire 1 . La littérature a le devoir de se démarquer de la vérité officielle et d’incarner sa propre vérité, au risque parfois de passer pour dangereusement iconoclaste. C’est pourtant là son inaliénable privilège. Les débats polémiques autour des Bienveillantes de Jonathan Litell, il y a quelques années à peine, suffiraient à le prouver. Carlo Ginzburg l’a bien compris, « il y a […] un défi réciproque, un va-et-vient entre fiction et histoire 2 ». Défi d’autant plus considérable lorsqu’il se situe dans l’immédiateté. Traditionnellement, l’histoire a besoin d’un temps plus ou moins long pour se faire littérature, l’événement doit être décanté avant de se muer en épisode romanesque. L’accélération fulgurante des technologies et des moyens de co