Les Émotifs Anonymes

Philippe Blasband, Jean-Pierre Améris

Description

Jean-René, patron d'une fabrique de chocolat, et Angélique, chocolatière de talent, sont deux grands émotifs. C'est leur passion commune pour le chocolat qui les rapproche. Ils tombent amoureux l'un de l'autre sans oser se l'avouer. Hélas, leur timidité maladive tend à les éloigner. Mais ils surmonteront leur manque de confiance en eux, au risque de dévoiler leurs sentiments.

Sujets

• Comédie romantique
• Cinéma français
• Comédie

Informations

• Publié par: Presses électronique de France - L'avant-scène cinéma
• Date de parution: 15 octobre 2013
• Nombre de lectures: 40
• EAN13: 9791022000314
• Langue: Français

Extrait

LES ÉMOTIFS ANONYMES

Scénario : Jean-Pierre Améris, Philippe Blasband Réalisation : Jean-Pierre Améris

© Presses Électroniques de France - L'Avant-Scène Cinéma, 2013

Le numérotage des séquences correspond à l'ordre prévu dans le scénario, ordre quelquefois bouleversé au montage définitif.

Générique

Chanson voix off Angélique

À chaque pas je suis plus sûre

Que tout va bien se passer…

Je suis sûre : le monde m'appartient

Ils le reconnaîtront

Car j'ai quand même confiance en moi

J'ai confiance car il fait beau

J'ai confiance car il pleut

Je crois ferme que l'printemps reviendra

Et par-dessus le marché

J'ai quand même confiance en moi

La force vient pas du nombre

Pas plus que de la richesse

Mais bien de nuits de sommeil paisible

Et quand on se réveille, on chante

C'est mon cœur qui a de la force

Ma confiance lui appartient

J'ai confiance dans ma confiance en moi

Et d'ailleurs voyez-vous j'ai quand même confiance en…

1. Int. nuit. Appartement Angélique (Générique)

Angélique, jolie trentenaire, se trouve dans son appartement qu'elle a transformé en véritable petite chocolaterie : une table avec un marbre, des moules, des échelles, etc.

Angélique pose un disque 33 tours sur la platine… Un standard de jazz entraînant démarre…

Elle s'attache les cheveux, enfile son tablier. Elle se lave les mains et avant-bras jusqu'aux coudes, essuie ses mains au torchon qu'elle porte à la taille.

Ses gestes sont rapides et précis, elle est concentrée. On ne voit d'elle que ses mains ou bien son visage de trois quarts dos.

Elle essuie sa table en marbre au papier kraft. Elle dépose délicatement sa paume puis le dos de sa main sur le marbre.

Elle verse les pistoles noires dans une bassine en inox.

Elle allume le gaz.

Elle verse des amandes émondées dans un petit récipient.

Elle déverse dans un bol une poignée de raisins secs.

Une râpe à la main, elle détaille finement le gingembre confit.

Elle remue avec une spatule en bois le chocolat en fonte sur le gaz.

La bassine dans les mains, elle déverse les trois quarts du chocolat fondu sur son marbre de travail.

Elle étale la masse fondue au grattoir.

Elle travaille et rassemble la masse au grattoir et à la palette coudée.

Elle trempe la spatule en bois dans le chocolat étalé sur le marbre et la porte à sa lèvre inférieure.

Elle retravaille le chocolat fondu encore trop chaud.

Elle fait glisser la masse cristallisée dans sa bassine inox.

Elle fait chauffer son chocolat cristallisé sur le gaz.

Sur sa table en marbre désormais propre se trouve une planche en bois. Elle dispose sur la planche un papier autocollant. Les bols avec les amandes, les noisettes, les raisins, les pistaches et les copeaux de gingembre sont disposés tout autour de la planche.

Elle remue à la spatule en bois le chocolat dans la bassine posée sur un torchon plié.

Elle prépare sa poche, elle la tient avec la main gauche et retrousse l'embouchure avec sa main droite.

Avec la louche, elle remplit la poche à moitié.

Elle rassemble l'embouchure de la poche avec sa main droite et la tourne avec la gauche jusqu'à la fermeture.

Elle découpe l'embout de la poche aux ciseaux, une grosse goutte de chocolat coule sur la table.

Elle presse la poche à deux mains pour obtenir de petits cercles de chocolat alignés sur une largeur de planche.

Elle tapote la planche en bois sur le marbre pour étaler les cercles trop épais.

Elle saisit des poignées des différents ingrédients disposés tout autour et les dépose soigneusement mais rapidement sur chaque cercle de chocolat.

Elle termine avec les copeaux de gingembre en guise de finition, le chocolat est presque totalement figé.

Elle glisse sa planche couverte de mendiants au réfrigérateur.

Plus tard, elle décolle les mendiants un à un pour les présenter dans des coupelles plates, à côté d'autres coupelles où l'on découvre d'autres variétés de chocolat.

Angélique en prend un, le goûte et, fermant les yeux, fond de plaisir.

Fin générique.

9 et 10. Ext. / Int. jour. Rue immeuble Émotifs anonymes

On suit Angélique, de dos, qui marche dans une rue. Elle arrive devant un immeuble de style anglais.

Elle vérifie sur un bout de papier qu'elle est bien à la bonne adresse... Elle monte les marches du perron et entre…

Son papier à la main, Angélique est perdue dans le grand hall de l'immeuble... Elle monte un escalier, arrive à l'étage…

On entend un cours de danse, des notes de piano…

Angélique croise un homme fin soixantaine qui monte l'escalier. Elle lève le doigt comme une petite fille en classe...

Angélique

Euh, pardon... Excusez-moi de vous déranger...

L'homme a soudain l'air très inquiet...

L'homme

Oui ?...

Angélique

Je cherche les... Les Émotifs anonymes ?...

L'homme rougit. Il détourne le regard vers le sol.

L'homme

Je... Je ne sais pas...

Il part en marchant d'un pas rapide.

Elle le regarde s'éloigner dans un couloir...

11. Int.jour. Local Émotifs anonymes

On retrouve cet homme rencontré dans l'escalier, assis dans une pièce. Il parle à des gens que l'on ne voit pas encore...

L'homme

Bonjour... Rémi, émotif...

Les autres

(Off)

Bonjour, Rémi !

Un long silence se passe avant qu'il n'arrive à parler...

Rémi

Je ne supporte pas d'écrire devant quelqu'un... Mes doigts se crispent, mon cerveau se vide... Je ne peux plus respirer, je commence à transpirer... Je sens qu'on me juge, qu'on m'observe, qu'on m'attend au tournant...

On découvre huit personnes, assises en cercle au milieu d'une grande pièce...

Angélique entre et vient s'asseoir parmi eux, le plus discrètement possible... Les autres la regardent…

Rémi

Je suis à la retraite mais avant, je travaillais à la mairie… Mon bureau était dans une sorte de couloir, où les gens devaient passer pour aller au cadastre... Et chaque fois, ils ne pouvaient pas s'empêcher de ralentir et de jeter un coup d'œil sur ce que je faisais... J'étais... J'étais...

(Il ne trouve pas le mot)

C'était terrible...

Angélique participe à un groupe d'échanges entre grands timides. Une douzaine d'hommes et de femmes de tous âges sont assis en cercle.

Mimi, une femme plantureuse et souriante, prend la parole.

Mimi

Bonjour ! Mimi, émotive !

Les autres

Bonjour Mimi !

Mimi

Alors, en ce moment, je vais bien. Oui…

(Elle s'assombrit, les mots peinent à sortir)

Tout va bien, tout va bien.

Un silence. Puis son visage se décompose en une seconde. Des larmes lui montent aux yeux.

Mimi

(Elle se lève)

Excusez-moi…

Elle prend brutalement son sac et son manteau et s'en va en courant. Tous les autres restent médusés...

C'est au tour de Julien, un garçon dans la trentaine, qui explique en faisant de grands gestes:

Julien

... l'overclocking, c'est quand même un processus dangereux, surtout quand on change la fréquence de base, celle de la carte mère, risky buisseness, parce qu'alors, si on a une carte PCI, on...

Julien s'arrête de parler. Il regarde les autres Émotifs qui n'y comprennent rien... Il leur fait un sourire désolé :

Julien

Excusez-moi, j'ai de nouveau dévié. Je fais ça tout le temps... Quand je parle à quelqu'un, surtout à une femme, je me sens tellement mal à l'aise que je me lance dans une grande explication informatique. Bon, j'essaye de rester simple, de parler des notions de classe croisée en programmation C++, ce genre de choses… Mais c'est typiquement le genre de sujet qui n'intéresse pas les femmes – même les informaticiennes– j'ai essayé ! Et plus je sens que ça ne les intéresse pas, plus ça me met mal à l'aise, et plus j'en remets une couche – the all chabang...

Maxime

(42 ans)

... Je suis médecin et je suis affreusement gêné quand je dois prendre la tension artérielle d'un patient, ou pire : palper la poitrine d'une femme... Je me mets à trembler, je perds tous mes moyens... Et les patients pensent qu'ils ont quelque chose de grave, quand ils me voient comme ça...

Adèle

(22 ans)

Je sais pas dire non. Même aux sondages téléphoniques. Ça me terrorise, dire non... Au bureau, les autres en profitent. Ils me refilent tout le boulot, je reste tard le soir... Et puis les hommes ! Ben, j'ose jamais dire non. Alors forcément, ben je couche avec tout le monde.

Autres Émotifs

(En chœur)

Merci, Adèle !

Angélique

Merci, Adèle !

Tout le monde se tourne vers elle. Ils attendent qu'elle se lance...

Elle sourit, rougit, réalise que c'est son tour...

Pas un son ne sort de sa bouche, elle a l'air de suffoquer...

Tous la regardent... Souriants... Pleins de compassion...

Angélique prend son courage à deux mains. Et c'est d'une toute petite voix qu'elle dit:

Angélique

Bonjour. Angélique, émotive.

Autres Émotifs

Bonjour, Angélique !

Et Angélique s'évanouit !...

Elle tombe de sa chaise et s'écroule au sol !...

Tous les Émotifs restent figés sur place.

Rémi

Docteur ! Qu'est-ce qu'il faut faire ?

Maxime

(Angoissé)

Je ne sais pas…

Tous sont terrifiés, se tiennent immobiles comme des statues sur leurs chaises...