Hermine et le vieux jeune homme
262 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Hermine et le vieux jeune homme , livre ebook

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262 pages
Français

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Description

Un cinéaste exilé qui, le temps d'un seul film, connut le succès, regagne Paris pour organiser un casting auquel se présente la déroutante Hermine. Cette rencontre transforme le cours de leurs vies et fait ressurgir les fantômes, les ombres et les marques de leurs passés. Qui sont ces actrices déchues et oubliées qui soudain réapparaissent ? Que cache l'enfance d'Hermine et celle de ce "fils blessé" ? À la solitude érudite de celui qui place le cinéma plus haut que tout, succèdent les rêves et les visions hallucinées d'un "vieux jeune homme" d'une exigence obsessive qui trouve en Hermine son double et l'amour qu'il n'attendait plus.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 janvier 2015
Nombre de lectures 215
EAN13 9782336366470
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Jay A LANSKY







H ERMINE ET LE VIEUX JEUNE HOMME

roman












































© L’Harmattan, 2014
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-71658-9
Dédicace


Pour A.
Citation


Every book is blood.
Clarice Lispector
C’est comme si nous nous enfoncions dans la forêt, la voiture file entre les arbres parfaitement alignés. Ma cousine et sa mère parlent avec animation, le bruit du moteur de l’ Aronde couvre en partie leurs voix. Je n’identifie que quelques mots ; il est question d’une fête, d’une cave où tout le monde doit se retrouver.
La nuit tombe à mesure que nous avançons sur la route déserte. Je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà pris ce chemin ; Vallée de Chevreuse indique soudain un panneau.
Un filet d’air venant de la portière avant dont la fenêtre est légèrement entrouverte rafraîchit mon front. Cela me fait du bien car la Nautamine que j’ai prise contre le mal de cœur m’endort un peu.
Élise n’a pas voulu me laisser monter devant, prétextant des choses à discuter avec ma tante. Je vois son ombre s’agiter, se découper sur le pare-brise.
Je me demande pourquoi mes sœurs, mon frère ou ma mère ne sont pas là avec moi. Cette pensée après m’avoir inquiété un moment finit par sortir de ma tête et me procure finalement un sentiment de soulagement et de liberté.
En quelle année sommes-nous ? Si j’ai onze ans, ma cousine en a quinze. Il fait doux. Est-ce le début du printemps ?
Maintenant je lutte contre le sommeil. Élise se retourne et avec un grand sourire me dit qu’on arrive bientôt.
J’aime beaucoup ma cousine. Tout est joli en elle, son visage de souris, la pâleur de sa peau. Même sa blondeur un peu fade me plaît. Quand nous allons chez mes grands-parents à Pâques ou en juillet, nous dormons ensemble. J’ai passé tant de nuits, blotti contre elle, je connais son corps et, par exemple, je saurais entre mille distinguer ses jambes qu’elle colle contre le radiateur en ayant pris soin d’enlever ses chaussons, découvrant ainsi ses pieds de danseuse.
Une photo d’elle en tutu blanc est accrochée au mur de sa chambre à Enghien, à côté d’un portrait de David Hamilton au-dessus du piano droit.
Il fait complètement noir à présent, je ne me souviens pas de la fin du voyage. Nous entrons dans la cuisine de la rue des Astres, les trois chiens nous accueillent en faisant les fous. Je les déteste, ils me passent entre les jambes, essaient de poser leurs pattes sur moi en grimpant.
Tout à l’heure nous serons avec Élise dans le lit du salon, l’un contre l’autre, c’est la seule chose qui compte.
Nous nous installons pour dîner, ma grand-mère a envoyé les chiens dehors, je suis soulagé un moment. Mon grand-père surgit de la chambre en maillot de corps, son pantalon bleu attaché avec des bretelles. Je ne comprends pas un mot de ce qu’il nous dit. Qui sont ces gens ? Même très jeune, je me suis toujours interrogé sur mon lien de parenté avec eux.
Ma tante veut que ma cousine essaie des hauts qu’elle a trouvés pour elle, nous passons dans la pièce à côté. Élise est maintenant torse nu devant moi, sa mère lui tend un pull et des chemisiers en faisant des commentaires. Je vois bien qu’elle est un peu gênée, je détourne la tête mais j’ai malgré tout le temps d’apercevoir sa poitrine, petite et ravissante. Je suis bouleversé, je n’ai jamais expérimenté quelque chose d’aussi troublant que la proximité de ce corps, là à deux mètres de moi. Élise ne porte plus qu’une jupe à présent essayant différentes paires de chaussures censées aller avec ce qu’elles ont choisi. Elle veut mon avis.
– Entre les bottines et les ballerines, qu’est-ce que tu préfères ? me demande-t-elle en clignant de l’œil.
Je lui dis de réessayer les boots. Elle s’exécute, assise sur une chaise. Ses pieds nus se tordent et font des petits plis puis elle les pose un instant sur le sol, immaculés. J’aime ses ongles, comme des petits cailloux polis, brillants.
Combien de fois ai-je suivi ces veines bleues avec mon doigt, de ses orteils à sa cheville ? Combien de fois ai-je pris ces pieds entre mes mains pour les réchauffer ?
Comme nous adorons Ronnie Bird et les Stones, nous décidons qu’elle portera les boots.
Nous traversons le village, Élise marche vite, elle est pressée d’arriver. La cave est humide, éclairée par trois spots, dont un braqué sur l’électrophone et la pile de quarante-cinq tours.
Il n’y a pas grand monde mais il paraît qu’il est encore trop tôt. Un type debout dans un coin ne bouge pas et ne parle à personne, son ombre projetée sur le mur me fait un peu peur.
De vagues cousins doivent passer ; je mange du Pithiviers et bois du Vittel Délices au citron en enchaînant les disques. Depuis au moins une demi-heure, Élise embrasse à pleine bouche un garçon qui a le nez en trompette. J’adore les Animals alors je mets trois fois de suite Bring It On Home To Me, les « yeah YEAH yeah YEAH ! » en écho à la fin du refrain me rendent fou. J’enchaîne avec I Can’t Control Myself et je me demande si Reg Presley le chanteur des Troggs est le frère d’Elvis.
On finit par rentrer en hurlant « Oh no ! Oh no ! I can’t control myself ! » dans les rues du village. Il est trois heures vingt du matin, je ne me suis jamais couché aussi tard.
Élise me regarde un long moment dans les yeux en ouvrant le lourd portail de la rue des Astres mais elle sait bien que je ne dirai rien pour le garçon au nez en trompette.
Nous nous couchons vite et nous parlons un peu dans le lit en chuchotant. Nos pieds se touchent, les siens sont glacés, je les attrape et les frotte avec mes paumes.
Je lui demande si elle aime ce Michel ou Jean-Pierre, je ne sais plus. Elle répond : « Bien sûr que non ! » en rigolant. Alors je murmure : « Pourquoi tu l’as embrassé toute la soirée ? » Elle répète mon prénom plusieurs fois, son souffle mentholé atterrissant sur ma bouche à chaque syllabe. Je suis aux anges.
Le haut de son pyjama remonte un peu, je repense aux essayages de tout à l’heure, à ses seins minuscules et je pose une main sur son ventre. Je lui demande où elle a mal en commençant à la tâter un peu partout ; je suis docteur et je vais la soigner, elle n’a rien à craindre. Cette fois pourtant elle ne joue pas et ne répond rien. Je descends un peu et sens que plus bas la peau est moins lisse, quelque chose picote mes doigts. Élise me pousse et me colle un baiser dans le cou, ses cheveux chatouillent mes yeux. Et puis elle se retourne et s’endort.
Le lendemain nous repartons, il y a beaucoup d’embouteillages aux portes de Paris. Il fait beau, les fenêtres de l’ Aronde sont grandes ouvertes et ma tante, de bonne humeur a mis la radio très fort. Je chante à tue-tête avec Romuald « c’est pas une vie, c’est pas une vie d’avoir autant d’amis ». Élise ne peut plus s’arrêter de rire, on est heureux.
C’est seulement un an plus tard que je la reverrai, chez elle à Enghien pour son anniversaire. Alain aura remplacé Michel ou Jean-Pierre, nous ne dormirons plus jamais ensemble et je ne prendrai plus jamais ses pieds entre mes mains.
Je me souviens être allé dans la salle de bains, avoir attrapé ses chaussons et les avoir portés à mon visage. En renifler l’odeur m’a un bon moment fait tourner la tête.
I
Plus les autres se détournent de nous, plus ils travaillent à notre perfection : ils nous sauvent en nous abandonnant.
Emil Cioran


J’ai rencontré Hermine sur le casting d’un film que finalement je n’ai jamais tourné, rejoignant ainsi une longue liste de projets abandonnés.
Le sujet en était compliqué selon les acteurs et les producteurs, impossible pour les distributeurs et les chaînes de télévision. Personne n’en voulait, il n’entrait pas, semblait-il, dans les préoccupations de mes contemporains. Il y était question de pouvoir, d’amour et de solitude. De sexe aussi.
Mais je crois que ce qui dérangeait le plus c’était que l’on puisse mélanger tout cela en une seule et même fiction. J’avais remarqué &

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