Venin sous enveloppe
38 pages
Français

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Description

Un corbeau lâche son fiel sous forme de missives dans l’entourage des employés d’une importante firme parisienne.


En soit, l’affaire n’aurait pas de quoi séduire le commissaire Odilon QUENTIN. Mais, le suicide d’une jeune dactylo dû au harcèlement épistolaire enrage le gros policier qui va lancer toutes ses forces et ses hommes à la recherche de la personne qui sème son « venin sous enveloppe ».


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 1
EAN13 9782373473421
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Odilon QUENTIN
* 33 *
VENIN SOUS ENVELOPPE
Roman policier
par Charles RICHEBOURG
CHAPITRE PREMIER
Effondrée dans le vieux fauteuil Voltaire qui const ituait le plus bel ornement me de sa loge, M Séraphine Rougnat contemplait d'un œil morne le me ssage qui matérialisait la faillite de ses illusions en lui d évoilant son infortune conjugale.
Le texte du billet était certes dénué d'élégance li ttéraire, mais sa concision le rendait redoutable, car il apportait à l'accusat ion un tel faisceau de précisions que toute autre preuve devenait superflue.
Il faut arriver à cinquante ans pour apprendre des choses pareilles ! Pourtant, il y a une heure à peine, la mère Rougnat se considérait encore comme la plus heureuse des femmes. Elle était conci erge chez Juste Delicourt, la grosse firme de secrétariat privé établie sur la rive gauche ; elle ne devait se préoccuper ni du terme, ni du chauffage, ni de l'él ectricité ; et en plus de ses émoluments personnels, son mari lui remettait chaqu e semaine son salaire de mécanicien, car il travaillait depuis douze ans au garage Victor, à la place d'Italie.
Et voilà que tout ce bonheur modeste fait de labeur quotidien, de confiance réciproque, de petites peines et d'humbles joies s' écroulait comme un château de cartes...
Pas un instant la pipelette ne songea à l'éventuali té d'un bourrage de crâne. Dépense-t-on vingt francs de timbre pour le seul pl aisir de raconter des mensonges ?... Non, bien sûr ! Alors, une fois de p lus, la bonne femme reprit sa lettre et elle la relut phrase par phrase, à haute voix, comme si elle voulait convaincre ses oreilles des monstruosités que décou vrait son regard.
« Vieille imbécile,
« Pendant que tu t'esquintes à trimer comme une bêt e de somme pour amasser quelques sous, ton mari dépense la galette du ménage en joyeuse compagnie.
« Il est l'amant de Ninie la Rouquine, une fille pu blique qui fait le trottoir au Sébasto ; mais cette liaison quasi officielle ne l'empêche pas de s'amuser ailleurs, notamment avec la grande Marcell e qui travaille à Barbès-Rochechouart.
« Es-tu une taupe aveugle ou une épouse complaisante ? Tout le monde se pose la question dans le quartier ; et si je me donne la peine de te révéler le secret de Polichinelle, c'est uniquement pour t'aider à résoudre le dilemme qui préoccupe l'opinion publique. »
Cette aimable perfidie ne portait ni paraphe ni sig nature ; c'était la lettre anonyme dans toute sa splendeur ; cependant, la con cierge n'y songeait même pas, quelques mots résonnaient dans sa cervelle, fu nèbres comme le glas :le dilemme qui préoccupe l'opinion publique...
Séraphine ignorait évidemment ce qu'était un dilemm e, mais dans son entendement de primaire, ce petit mot bizarre devai t inclure toutes sortes de menaces imprécises et d'obscures calamités. Quoi qu 'il en soit la pauvre femme était pour le moment le centre de l'intérêt général , et cette certitude suffisait à noyer son cœur dans un flot d'amertume.
Dans le voisinage, les commères parlaient d'elle en esquissant des sourires entendus ; on se chuchotait ses malheurs en affecta nt des mines faussement apitoyées... Dieu sait si ce Don Juan d'Eugène ne f aisait pas les doux yeux à M'ame Louise, l'entretenue de la rue du Bac, qui jo uissait d'une réputation solidement établie de Messaline de faubourg ?...
Il faudrait tirer tout cela au clair ; dès demain, la concierge irait consulter lle M Rosita, la voyante de la rue de Tolbiac ; et satis faite d'avoir pris une décision, elle commença par poser le rouleau à pâti sserie bien en évidence, au milieu de la table.
Eugène rentra sur le coup de huit heures du soir, r igolard selon son habitude, son bleu de mécano maculé de cambouis ; m ais son « salut, beauté » resta sans écho. Bien plus : ces deux mots qui étai ent devenus une tradition dans le ménage prenaient tout à coup une significat ion lourde d'ironie, méprisante.
Séraphine Bougnat n'avait rien de commun avec la Vé nus de Milo ; et elle considéra l'hommage rendu à ses charmes trop abonda nts comme une insulte supplémentaire.
— Sardanapale !... rugit-elle, en attribuant à cet inconnu toutes les iniquités de la terre.
Cette allusion historique plongea l'homme du garage dans un océan de stupéfaction :
— De quoi ?... bégaya-t-il.
Puis, comme son épouse le foudroyait du regard, il haussa les épaules pour ajouter, retombant sur le terrain solide des matéri alités :
— Faudrait voir à te grouiller pour le casse-graine , je dois retourner à la boîte, rapport à un pont arrière.
Ce détail technique d'ordre strictement professionn el constitua en quelque sorte la goutte d'eau qui fit déborder le vase :
— Le pont arrière de Ninie la Rouquine, sans doute !
— De qui que tu parles ?
— Fais pas l'innocent ! explosa l'outragée, écarlat e de fureur. Je sais tout, entends-tu ? Pendant que je me crève à turbiner com me une esclave, môssieu se livre à de basses débauches et il se roule dans la fange de la lubricité ! Avoue que tu ne dois pas travailler cette nuit ! Av oue que tu vas retrouver ta poule ! Avoue, galapiat !...
— Ma poule ?... bafouilla Eugène, visiblement abaso urdi par la violence de l'apostrophe. Quelle poule ?...
— Enfin ! Tu reconnais que tu en as plusieurs, que tu possèdes un harem... comme un pacha d'Arabie !
— Tu me casses les pieds ; beugla...
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