Il pourrait être une fois...
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Description

À tout juste 38 ans, François est le conservateur du château de Versailles, mais il travaille aussi, dans le plus grand des secrets, à l'élaboration d'une ceinture temporelle. Seule la femme de sa vie, Dominique, est au courant et François lui offre le précieux objet le jour de son anniversaire. La ceinture est opérationnelle mais ne permet que deux aller-retour, alors afin de ne pas faire prendre de risque à Dominique, il décide de partir seul pour le premier voyage.


Il se retrouve face à Louis XIV, souffrant d'une terrible rage de dents que les médecins de son époque ne parviennent pas à calmer. François impuissant face à la souffrance du Roi, prend la folle décision de le ramener au 21ème siècle afin de le conduire chez Fabienne, la soeur de Dominique, chirurgien dentiste de métier.


Malheureuse en amour et dans sa vie qu'elle juge sans saveur, Fabienne décide de faire le voyage avec sa soeur, qui doit ramener le Roi à son époque. Une fois sur place, elle prend la folle décision de tout quitter pour rester vivre au XVIIème siècle. La ceinture ayant été exploitée au maximum de ses capacités, son choix est donc définitif et irréversible, mais elle l'avait consciemment prémédité. Les soeurs se font des adieux déchirants car elles savent qu'elles ne se reverrons jamais, puis, Fabienne part vivre en province sous la protection du Roi Soleil qui la présentera à sa cour comme sa filleule.


À partir de ce jour, son existence sera tumultueuse, hors du commun, semée d'embûches, de drames et d'amours.


Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 46
EAN13 9791093889283
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ARLY BRYMO
IL POURRAIT ÊTRE UNE FOIS…
CHAPITRE 1 CHAPITRE 2 CHAPITRE 3 CHAPITRE 4 CHAPITRE 5 CHAPITRE 6 CHAPITRE 7 CHAPITRE 8 CHAPITRE 9 CHAPITRE 10 CHAPITRE 11 CHAPITRE 12 CHAPITRE 13 CHAPITRE 14 CHAPITRE 15 CHAPITRE 16 CHAPITRE 17 CHAPITRE 18
Table des matières
CHAPITRE 1 Le volant dans la main gauche, Dominique écrasa ner veusement sa quatrième cigarette de la soirée. Deux de moins qu’hier à la même heure, pensa-t-elle.Encore un effort et j’arriverai à ne plus fumer que quinze cigarettes par jour. Avec de la volonté et à grand renfort de cachous, je devrais bientôt arriver à la moitié, et pourquoi pas, à zéro… On peut toujours espérer. La circulation pour se rendre de Paris à Versailles devenait de plus en plus dense. De nouveau, sa voiture s’immobilisa. Plusieurs minu tes s’écoulèrent avant que des conducteurs excédés ne se mettent à klaxonner, sans que cela les aidât pour autant à avancer d’un pouce. Malgré le froid, la jeune fille ouvrit frileusement sa vitre et sortit son nez avec précaution. « Que se passe-t-il encore ? » Un chauffeur de taxi, très décontracté, lui répondit dans le plus pur accent parigot : « Ben ma p’tite d’moiselle, d’où qu’vous sortez, z’ avez pas lu les journaux ? C’est d’là qu’est donné le départ du Paris-Dakar ; faut p as vous “cailler le sang”, dans deux heures mini, on s’ra délivrés. On a l’temps de s’le s geler ! Si vous voulez, j’peux venir vous réchauffer, mignonne ! » Dominique haussa les épaules et referma sa vitre. E lle rageait… Être si près de la porte d’entrée et ne pas pouvoir l’atteindre. Elle alluma machinalement une autre cigarette, tout en s’en voulant de sa propre faible sse. « C’est juré… Dès demain matin je commence les restrictions. » Pour fêter sa énième bonne résolution anti-tabac, e lle tira voluptueusement une bouffée. « Qu’ils se dépêchent, ces idiots, mais qu’ils se d épêchent ! » Elle avait des raisons particulières d’être pressée aujourd’hui. Un coup de fil plein de mystères de François l’avait intriguée. « Viens vite ! J’ai quelque chose de fantastique à te montrer. Dès que tu as fini de donner tes cours, arrive “roues à terre”. Je t’atte nds… Ce n’est pas la peine d’essayer de me corrompre. Je ne te dirai rien… Si… C’est pou r ton anniversaire, ma chérie… Je t’aime. » Et il avait raccroché sans qu’elle ait eu le temps de dire un mot. Être née un 12 janvier ne facilitait pas les cadeaux. Avec Noël qu i venait juste de passer, le réveillon du jour de l’an épuisant, les imaginations étaient plutôt en berne et les bourses plates. Ce n’est pas sérieux pour une jeune fille, professe ure de karaté, aérobic, yoga et autres cultes du corps… Non, ce n’est pas sérieux de congé dier ses élèves vingt minutes avant l’heure, sans prendre le temps de papoter un peu avec elles à la sortie des cours… « C’est ça les relations publiques, avait-el le expliqué un jour à sa sœur… et je n’y manque jamais ». « Désolée, les filles, j’ai trop mal aux dents. Je vous libère plus tôt, ma sœur peut me prendre entre deux clients. Le cours sera plus long la prochaine fois. » Elle s’enfuit comme une voleuse portée par l’aiguil lon de la curiosité. Sans même penser à prendre sa sacro-sainte douche, elle s’eng ouffra dans sa vieille Fiesta au bleu passé et s’infiltra dans la circulation. Elle avanç a de nouveau de quelques mètres. Quelqu’un frappa à sa vitre. « C’est vous, mademoiselle Dominique ? Il me sembla it bien avoir reconnu votre voiture. Vous rentrez au château ?
— En tout cas, j’essaie ! — C’est le Paris-Dakar… Ne vous faites pas de souci s, je vais essayer de vous dégager. Vous passerez sur le trottoir. » Le policier, un homme bien sympathique, se chargeai t de la circulation devant le château depuis plusieurs mois. Quelquefois, lorsqu’ il pleuvait, Dominique lui faisait porter un café. Il connaissait très bien son « carrosse ». La tête qu’affichait le chauffeur de taxi la fit pa rtir d’un grand éclat de rire. Un de ces francs rires dont elle avait le secret et qui sonne nt à votre oreille comme une clochette de cristal vibrant sous la bise du printemps. C’est ainsi que François les lui décrivait. Tout son visage s’éclaira, et ses dents, qui étaien t fort belles, donnèrent du soleil à son visage. Elle fit un petit signe amical à son acolyt e malchanceux et se dégagea sur le trottoir dans un concert d’avertisseurs jaloux. Les grilles du parc se refermèrent sur elle. Elle g ara sa voiture devant le perron d’honneur qui, au cours des siècles, en avait vu d’ autres… Les couloirs du château étaient glacials. Trop bien éduquée pour courir sur le parquet ciré et bruyant, elle pressa le pas. Elle avait hâte d’arriver aux appart ements privés de « monsieur le conservateur du château de Versailles », c’est-à-di re, plus simplement, les appartements de François Jouhaut, l’homme de sa vie depuis cinq ans, temps qui lui paraissait si peu en regard des années d’amour qui les attendaient ensemble. Les jours passaient si vite avec cet homme passionnant et pas sionné ! Ces dernières semaines, elle sentait confusément pl aner comme une ombre au tableau. François lui avait paru soucieux. En y réfléchissant bien, elle l’avait vu changer peu à peu à partir du moment où elle lui avait sugg éré que depuis qu’ils étaient ensemble, ils pourraient peut-être envisager de fai re couette commune et brosse à dents à demeure. Cela éviterait bien des problèmes de déplacements et des frais inutiles. « Tu imagines, François ? J’ouvrirais une école de karaté à Versailles et nous serions ensemble. J’ai toujours rêvé d’être châtela ine ! » François avait tout d’abord paru enthousiaste, puis il avait semblé préoccupé. Je dois me faire des idées, pensa Dominique un peu essoufflée. Elle poussa la porte des appartements privés. Une d ouce chaleur l’envahit. François était là, au bout du couloir, de dos. Il contemplai t un tableau qu’il venait d’accrocher. Dans la lumière du plafond, on voyait briller ses t empes argentées qui, lorsqu’elle se moquait de lui, lui faisait dire malicieusement : « Mais non ! Ils ne sont pas blancs tes cheveux, il s sont blond clair… très clair… Qui dit qu’ils sont blancs ? » Souvent, cela se terminait par une empoignade dont Dominique sortait vainqueur sans problème, d’abord parce qu’elle était ceinture noire de karaté, mais surtout parce que François renonçait d’emblée à la bagarre, pensa nt à tout autre chose qui se finirait par des embrassades. Quand ils ne se retrouvaient p as comme deux adolescents en train de faire l’amour à même le sol sur la moquette qui leur râpait dos et fesses. « Que dirait Louis XIV, s’il nous voyait ! — Là où il est, il s’en fout ! » rétorquait François en l’embrassant de plus belle. À trente-huit ans, être conservateur d’un château c omme Versailles n’était pas donné à tout le monde. Un autre que François Jouhaut en e ût tiré orgueil, mais rien de tout cela ne le troublait. Il était né avec la modestie des hommes brillants qui savent, sans qu’on le leur dise, qu’ils sont destinés à de haute s fonctions, et qui attendent le moment où l’heure sonnera de prouver au monde leur valeur. Il aimait sans restriction le siècle du Roi-Soleil et connaissait par cœur les moindres
détails de sa vie. Plus encore… Ses recherches secr ètes sur les possibilités de voyager dans le temps le passionnaient. Depuis plus ieurs années, il mettait au point une ceinture temporelle, et ces derniers mois, il p assait son temps libre à parfaire son invention. Dominique était la seule dans la confide nce. Elle avait bien essayé de l’aider, mais devant la complexité de l’entreprise, elle y a vait renoncé. Pendant que François était penché sur son ordinateur pour déchiffrer ces hiéroglyphes modernes, elle écoutait de la musique. C’est drôle, avait-il pensé un jour,toutes les bonnes choses de ma vie sont arrivées en même temps que ma rencontre avec Domi… Il avait à l’époque trente-trois ans et sortait d’u ne rupture orageuse avec une femme riche, mariée à un homme qui voyageait beaucoup. L’ arrivée inopinée de son époux lui procura un prétexte pour rompre. Il n’était pas fai t pour ce genre d’amour catastrophe qui, s’il avait persisté, l’aurait rendu cardiaque avant l’heure ! Peu de temps après, il avait été invité par le conservateur en titre, dont il était l’assistant, à participer à l’inauguration de la Foire du Trône à Vincennes. So n patron l’y avait fortement encouragé. « Allez-y, mon cher. Même si vous n’aimez pas la fê te foraine et ses attractions, vous y rencontrerez des personnalités intéressantes ainsi que le ministre de la Culture. Un ministre, c’est toujours bon à connaître. Celui de la culture ne vous engage pas politiquement. Même s’il a une étiquette, il travai lle avant tout pour l’Art. Il peut être le tremplin dont vous avez besoin un jour pour prendre ma place. Comme François protestait, le vieil homme sourit. Je ne suis pas é ternel, mon ami. J’arrive bientôt au bout du chemin. Qui sait si cette simple connaissan ce ne vous sera pas précieuse et ne vous aidera pas dans votre future carrière. Je suis bien près de la retraite. Vous êtes jeune et j’apprécie votre compétence, votre honnête té et votre rigueur. Je ne pourrai jouir d’un repos heureux, que si je sais que mon fi ls spirituel prend la relève. » François avait eu ce jour-là bien du mal à retenir son émotion. Cet homme était, d’habitude, plutôt avare de compliments… Il s’en était allé pour l’inauguration, sous un sol eil printanier, pas très convaincu. Après les discours d’usage et la chaleur aidant, il était parti seul musarder le long des stands et manèges ouverts au public depuis la veill e. Une immense chenille, semblable en beaucoup plus grand à celle de son enfance, tour nait à une vitesse qui lui parut vertigineuse. Des jeunes gens criaient tandis que l ’engin prenait de plus en plus de vitesse dans un grondement de train passant sur les aiguillages. Une grande bâche les recouvrait et ils riaient et criaient de plus belle . Il ne fallait pas être devin pour se douter que lorsqu’on aurait enlevé la toile, de nombreux p remiers baisers auraient été donnés ce jour-là. Il continua sa promenade tranquille, co mme un badaud ordinaire. « Mais non ! Pas comme ça, tu la tiens mal. Ce n’es t pas un bazooka ! » La voix forte et riante qui prononçait ces paroles le fit se retourner. Deux jeunes filles en jean, l’une à côté de l’autre, étaient accoudées au comptoir, face à la cible. L’une d’elles tenait une carabine dans la main et s’apprê tait à tirer. François s’approcha pour voir de plus près. Simultanément, l’autre jeune fil le se baissa pour ramasser le jeton qu’elle venait de faire tomber. Le flash claqua dan s les yeux de François, ébloui, qui attendit encore un instant, puis tourna les talons. « Dans le mille, ma petite demoiselle ! Et voilà le travail ! » Il lui tendit une photo. « Eh bien, qu’est-ce que tu as changé en quelques s econdes ! » Les deux jeunes filles s’écroulèrent d’un rire qui rattrapa François. « Monsieur ! Monsieur ! Ne partez pas ! Vous n’avez pas envie de voir votre portrait
sur la photo ? » Deux paires d’yeux bleus, d’un bleu clair comme il n’en avait jamais vu, des yeux rieurs sur des jeunes filles d’une vingtaine d’anné es… Ces quatre yeux le regardaient. François prit la photo que celle qui semblait être l’aînée lui tendait. Il apparaissait juste à côté de la tireuse, sur le même plan. « Eh bien, quelle surprise ! J’aurais voulu le fair e exprès, je ne m’y serais pas pris autrement ! — On vous voit très bien. » L’homme qui tenait le stand se pencha sur la photo et innocemment, jeta cette phrase qui les fit s’exclamer tous les trois. « Quel beau couple ! On voit tout de suite que vous êtes amoureux ! » Pour ne pas vexer le pauvre homme qui ne comprenait pas pourquoi une phrase si simple déchaînait tant d’hilarité, François entraîn a les jeunes filles à l’écart. Décidément, elles étaient très belles, et la plus â gée paraissait avoir tout au plus vingt ans. Il s’entendit dire sans réfléchir : « J’aimerais, moi aussi, avoir cette photo. Après t out, je serais presque en droit de vous réclamer des droits d’auteur. Mon incommensura ble mansuétude vous demande d’accepter en mesure de représailles − amplement ju stifiées − de prendre un rafraîchissement avec moi, et sur-le-champ. Nous ve rrons autour de cette collation, comment faire pour échanger nos adresses avec l’éti quette qui s’impose. » La verve pseudo distinguée de François leur avait p lu, et sans plus de façons, la joyeuse troupe s’était dirigée vers le bar le plus près. Tout avait été simple. Ils avaient pris une glace, et quand ils s’étaient quittés, Fra nçois savait confusément qu’il voulait revoir l’aînée, celle qui s’appelait Dominique. Déj à, elle lui manquait. Ils s’étaient revus tous les trois, puis très vite tous les deux. Cet a mour qui s’épanouissait à la vitesse d’un supersonique le rendait merveilleusement heure ux. Depuis ce jour, la vie était belle pour eux. François, toujours perdu dans la contemplation de s on tableau, sentait que quelqu’un le regardait. Il prit encore quelques secondes de r épit pour faire durer le plaisir, puis se retournant, il se trouva nez à nez avec Dominique q ui approchait à pas de loup pour le surprendre. Ses longues mains blanches se perdirent dans les bouclettes de sa chevelure. Il l’embrassait toujours de la même mani ère, ses doigts sous ses cheveux légèrement parfumés, le visage de Dominique posé da ns l’écrin de ses paumes. Il approchait ses lèvres pour prendre les siennes. Bai sers passionnés quand ils faisaient l’amour, ou baisers amoureux de la tendresse. Ils f ermaient ensemble les yeux dans un même plaisir et un même délicieux frisson. « Juste un piou. Tu n’auras pas plus si tu ne me di s pas la surprise ! » Un petit baiser rapide sur les lèvres. C’était un « piou » et cela avait bien amusé François la première fois qu’elle avait employé ce mot. « Dis vite, Fran, dis vite ! » Il l’appelait Domi, alors pour faire pareil, parfoi s, elle l’appelait « Fran » ; c’était de bonne guerre. « Ne sois pas si pressée, ma chérie, assieds-toi, j ’arrive ! » Il pénétra dans la pièce qui lui servait de bureau et de chambre d’ami lorsqu’ils recevaient Fabienne, la sœur de Dominique, qui n’ai mait pas conduire tard, surtout après avoir trop arrosé les soirées à refaire le mo nde avec les amis de François. Il réapparut, une caissette deux fois grande comme une boîte de chaussures à la main. « Tiens, c’est pour toi ! Le cadeau du siècle… » La boîte sur les genoux, Dominique regardait Franço is d’un air incrédule, dans un
silence religieux. « C’est… c’est… tu as réussi ? — Mais, ouvre donc ! » Dominique, avec respect, ouvrit la boîte. Plongeant une main enfin décidée. Elle en sortit une large ceinture, longue d’environ un mètre cinquante, munie de boutons sur un cadran. « La ceinture temporelle…, murmura-t-elle. — Elle n’est pas tout à fait au point. On ne peut s ’en servir que quatre fois pour la même époque. Cela veut dire que nous ne pourrons, p our le moment, faire que deux allers-retours. La date non plus n’est pas très fia ble, à un ou deux jours près… — Sur des siècles, on peut se tromper de quelques j ours. — Tu as raison. J’espère pallier cet inconvénient b ientôt. Je n’ai pas eu la patience d’attendre. J’avais tellement hâte de te l’offrir ! » Dominique buvait ses paroles. Il lui arrivait souve nt d’imaginer ce que serait leur couple le jour où ils décideraient de vivre complèt ement ensemble. Pour elle, le mot « couple » était synonyme de « donner et partager » . Il était aussi symbole de remise en question perpétuelle. Rien n’est jamais acquis e t l’exemple de sa sœur, perpétuellement insatisfaite, était là pour le lui rappeler. L’amour, c’est comme l’entretien d’une maison. Si on veut qu’il soit sol ide, il ne faut pas attendre qu’il se lézarde, mais colmater aussitôt la première fissure avant qu’elle ne soit irréparable. Ils aimaient se faire des petits cadeaux, comme ça, san s aucune raison particulière, pour le plaisir, mais jamais elle n’aurait imaginé qu’il lui offrirait un tel présent. Elle en fondait de bonheur. « Fran, c’est… c’est merveilleux. Le fruit de tant d’années de travail et de recherches… Un voyage dans le temps, ensemble, c’es t… c’est… — C’est formidable, et Monsieur Louis le Quatorzièm e, tenez-vous bien, nous arrivons bientôt ! Ma chérie, nous ne partirons pas ensemble pour le premier voyage. Ne m’en veux pas, mais je t’aime trop pour te laiss er courir un tel risque. Je partirai seul. — Mais François, c’est mon cadeau ! — L’autre voyage, nous le ferons tous les deux… si tout fonctionne bien. » Dominique connaissait suffisamment François pour sa voir qu’une longue lignée de Bretons, têtus et obstinés, à laquelle il n’avait p as échappé, rendait inutile toute discussion. Il n’en démordrait pas… Ils parlèrent t oute la soirée, puis, tard dans la nuit, ils se couchèrent, l’un contre l’autre, perdus ense mble dans l’inconnu fantastique de l’espace-temps. Ils s’étaient levés de bon matin, avaient expédié l e petit déjeuner, puis s’étaient rendus dans la chambre du roi, pas encore ouverte a ux visiteurs. François avait bouclé sa ceinture, le long morceau inutilisé pendant le l ong de sa cuisse. Dominique ne le vit même pas appuyer sur les boutons. Il s’effaça d’un seul coup à ses yeux. Le temps – son temps à elle –, allait être long car difficile à supporter quand on attend l’homme qu’on aime.
CHAPITRE2 Ce matin-là, Louis le Quatorzième était de fort méc hante humeur et déambulait de long en large en costume de nuit, dans sa chambre d éserte. Il avait renvoyé ses courtisans trop pressés d’assister au « lever du ro i ». Il avait enfin pu rester seul un moment. Depuis plusieurs jours, ses dents le tourmentaient, mais cette nuit, une douleur intolérable lui vrillait la bouche, remontant le lo ng de sa joue jusqu’à l’oreille. Il lui eût été impossible de désigner la dent malade, tant la souffrance envahissait sa royale bouche. Sa joue droite avait doublé de volume, lui fermant à moitié l’œil. L’antichambre de Sa Majesté bourdonnait. Les médeci ns-barbiers royaux et autres apothicaires avaient été, dès la veille, appelés à son chevet. Ils avaient passé plus d’une heure à le triturer pour voir les « humeurs » , et s’étaient retirés en grande pompe, d’un air suffisant. Ils avaient discuté toute la jo urnée des mesures à prendre et venaient en rendre compte au Roi. Ils continuaient à se disp uter sur le sort à réserver à la bouche meurtrie. « Il faut lui arracher tout le côté droit, en haut… — Mais non, mon cher confrère, il faut le saigner p our les humeurs… — Moi, je pense que ça vient d’en bas ! Si vous vou s en souvenez, il nous a fallu lui ôter deux dents l’an dernier… — Ça ne l’a pas empêché de souffrir encore après… C ’était la dent d’à côté, et j’ai eu l’honneur de la lui enlever, trois mois plus tard… — Parce que je n’étais pas là ! — Allons, messieurs, ne nous disputons pas, il nous faut informer le Roi de notre décision. — Sa Majesté a demandé que son lever soit retardé d ’une heure. » Celui qui venait de parler semblait plus jeune que les autres. Sa longue robe noire accentuait la maigreur de ses traits. Il arborait l ’air prétentieux de sa corporation. À chaque mot qu’il prononçait, il s’écoutait avec le plaisir évident de ceux qui sont sûrs d’eux et de leur savoir. Sa modestie ne l’encombrai t pas. Être Roi de France oblige à être courageux, à donne r l’exemple, même si l’on a envie de crier, de pleurer et d’implorer. Il faut r ésister au mal sans se plaindre. Voilà ce qui dénotait la vraie noblesse. Alors, quand on est Roi, impossible de hurler comme n’importe qui… Louis se souvenait de la boucherie de la dernière « intervention » de ces praticiens, de leur ignorance et de leur bêtise. Ils s’étaient mis à quatre pour l’opération. Une foule de courtisans, davantage intéressés par le sang qui coulait que compatissants à la douleur de celui qui n’était plus qu’un homme comme les autres, se pressaient pour mieux voir la pauvre bouche torturée. On l’avait ch arcuté pendant un temps qui lui avait paru une éternité. Deux hommes de « l’Art » lui tenaient la tête renve rsée, un autre tirait avec une pince. Il avait dû s’y reprendre à plusieurs fois, passant l’instrument à un compère qui prenait le relais pour que l’autre se repose le bra s. La dent résistait, le sang coulait le long de sa bo uche. Dans un dernier effort, elle céda enfin. La foule applaudit comme au spectacle. Quelqu’un proposa une saignée. Louis retrouva l’usage de la parole pour refuser én ergiquement. On recommença la même opération sur la seconde dent qui lui fit la g râce de s’arracher plus vite. Des morceaux de gencive pendaient. Sans plus de façons on les coupa. À quoi pense-t-on
quand on est Roi de France et qu’on vous arrache de s dents ? Eh bien, on ne pense qu’à une chose : Aucune plainte ne doit sortir de moi. Mon Dieu, don nez-moi la force… Il resta couché trois jours. La fièvre le tenaillai t ; les cauchemars hantaient ses nuits. On le poursuivait dans les couloirs. Des pinces san glantes le rattrapaient, et il entendait des voix prononcer le mot « saignée, saignée… » Il se réveillait en sueur ; la douleur elle, était toujours présente, la même qu’avant. Il avait fallu se rendre à l’évidence… on n’avait pas arraché les bonnes dents. On avait reco mmencé l’opération avec celles d’à côté. La peur qu’il avait ressentie lorsqu’on lui a vait annoncé la nouvelle avait laissé place à la résignation. Il avait subi avec autant d e douleur, mais plus de hargne, ce nouveau tourment. Il fallait recommencer ! Louis se retourna pour arpenter une nouvelle fois s a chambre. Il faisait toujours froid dans ce château pas encore terminé. Il lui faudrait encore quelques années avant de l’habiter définitivement. Il aimait y venir pour de s périodes plus ou moins longues. Des fêtes y étaient données tous les jours et la vie y était joyeuse malgré les intrigues de la cour qui, après tout, ajoutaient du piment à la vie parfois ennuyeuse de certains séjours. Ce palais était son orgueil. Il faisait pâlir d’env ie tous les grands du royaume et de ce monde. Il me faudra faire venir Le Nôtre, pensa-t-il subitement.C’est lui qui a dessiné la terrasse du château de Saint-Germain-en-Laye où je suis né. Quand j’irai mieux, il me faudra y penser. Il se dirigea de la fenêtre vers le lit, la main à la joue, gémissant… Le baldaquin dessinait une ombre qui dansait, se mêlant à la lum ière chaleureuse de la cheminée où crépitait un feu qui n’arrivait pas à réchauffer ce tte grande pièce richement décorée, mais si haute de plafond. Ils se devinèrent plutôt qu’ils ne se virent. François, depuis plusieurs minutes, observait les allées et venues d u Roi. « Qui êtes-vous ? Que faites-vous là ? » Prenant tout à coup conscience de la tenue vestimen taire de François, Louis le toisa d’un regard incrédule. « Majesté, n’ayez pas peur, je ne vous veux pas de mal… Je… » Il s’approchait. Louis ne bougeait pas. Royal dans son habit de dentelles. Qui était cet homme singulièrement vêtu, une ceinture autour de la taille dont un grand morceau pendait, lui conférant un air inquiétant.C’est étrange, pensa Louis. La porte n’a pas été ouverte. Il se surprit pendant un court instant à n e plus ressentir aucune souffrance. « Sire, accordez-moi votre attention. Je sais que c e que je vais vous dire va vous e paraître incroyable… Je viens d’un autre temps… duXXIj’ai inventé cette siècle… ceinture qui peut me transporter dans une autre épo que et j’ai choisi la vôtre. C’est la première fois que je l’essaie et… » Louis n’écoutait plus. Une nouvelle douleur lui arracha une plainte. Il prit un mouchoir en dentelles qui sortait d’une manche de son habit, puis l’appliqua sur sa joue. Son costume était incroyable par la quantité de rubans et de dentelles qui le composaient. Il y en avait partout : sur le col, sur les manches, s ur sa culotte qui s’arrêtait au-dessus des genoux. Même son pourpoint broché bouillonnait de dentelles.Je ne sais pas si c’est chaud, mais qu’est-ce que ce doit être encomb rant !pensa François. « Qui que vous soyez, monsieur, sortez ! Vous n’ave z pas à être là. J’appelle la garde ! » François arrêta le geste qui allait tirer le cordon . « Vous souffrez, et je peux vous aider si vous me faites confiance… »
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