Ana l étoilée, 1
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Ana l'étoilée, 1 , livre ebook

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Description


Ana Montañez au civil, Estrellada de mon nom de sorcière, je vis à Londres où j'exerce le beau métier de praticienne occulte.
Un contrat inattendu me tombe dessus alors que je voulais justement changer d'air : un dénommé Federico Ruiz, nouveau propriétaire d'une maison hantée à Madrid, fait appel à moi pour libérer le fantôme. Un client séduisant, le soleil de mon Espagne natale... Voilà la parenthèse dont j'avais besoin.
En théorie, je ne devrais pas court-circuiter ainsi les Sœurs de Diane, le cercle magique local ; encore moins sachant que ce sont elles, à l'origine, qui ont détecté mes pouvoirs. Pour un simple exorcisme, je peux me le permettre, je suppose. Qu'est-ce que je risque après tout ? Je connais mon métier. Mais les spectres madrilènes ont parfois la peau dure. Je crois que j'avais oublié à quel point.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 21
EAN13 9791090627987
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ophélie Bruneau
Editions du Chat Noir
Calle del Carmen Dix-sept heures quinze, mon rendez-vous a un bon qu art d’heure de retard. Je joue avec l’agitateur dans mon cocktail de fruits pour ne pas en siroter une nouvelle gorgée : avec cette chaleur, j’aurais vite fait de descendre tout le verre et je devrais commander une nouvelle boisson, ce qu i n’est pas mon but. Je ne suis pas ici pour enchaîner les consommations. Par ce bel après-midi d’été, les rues piétonnes du centre-ville voient passer beaucoup de jambes, qui en short, qui en robe courte. Je n’ai même pas besoin de tendre l’oreille pour me rendre compte que la foule parle plusieurs langues et que le castillan n’est peut-être pas majoritaire. Les vrais Madrilènes entreront en scène plus tard, après la sortie des bureaux. En cette saison, ils vivent la nuit. Une voix me tire soudain de mes pensées : — Ana Montañez ? Le voilà, mon rendez-vous ! Je lui fais signe de s’asseoir à ma table. Inutile de répondre à sa question : je sais qu’il m’a recon nue. J’ai beau présenter, à première vue, un visage standard d’Espagnole blanch e à tendance méditerranéenne, avec des cheveux bruns et raides a ssortis, la dépigmentation à la commissure gauche de mes lèvres lui a permis d e m’identifier. Certaines élégantes arborent un grain de beauté pour souligne r leur jolie bouche ; moi, c’est une étoile blafarde, un petit défaut de naiss ance que par beau temps, je protège à la crème solaire indice 50. Avec un tel s igne distinctif, pas besoin de porter un chapeau vert fluo pour que mes futurs clients me reconnaissent. S’il ne m’a pas fourni une identité bidon, l’homme qui s’installe en face de moi, avec son baise-en-ville de cuir noir et sa che misette blanche tellement neuve qu’elle a gardé les plis du magasin, s’appell e Federico Ruiz Tejada. La maison familiale dont il vient d’hériter est le thé âtre de phénomènes paranormaux qu’il souhaite me faire examiner de plus près. Il est plus jeune que je ne le pensais, trente-cinq à quarante ans, à vue de nez. Un peu plus âgé que moi, mais à peine. Teint mat, épaules bien dessinées, beaux yeux bruns, cheveux châtains marqués d’un peu d’argent aux tempes, il arbore une barbe de quelques jours bien régulière, la touche indispensable pour parachever son look de séducteur. — Vous avez fait bon voyage ? me demande-t-il avec toute l’assurance d’un homme conscient de son charme. Manifestement, à ses yeux, j’ai le mot PROIE tatoué sur le front, et il y a fort à parier qu’il en est de même pour la plupart des femmes de la rue. J’acquiesce en songeant que cet aspect des pays latins ne m’avait pas manqué. — Vous savez, en général, les vols Londres-Madrid s e passent bien. — Contente d’être de retour au pays ? — Oh, ce n’est pas tout à fait mon pays. Je ne suis pas madrilène d’origine. Sa moue un brin condescendante suggère que j’ai gaffé. Il est vrai que s’il vient d’hériter d’une maison de famille à Madrid, i l est forcément originaire du
coin… Je me suis toujours mal vendue, mais jamais à ce point. Décidée à me rattraper, je tends le bras pour embrasser l’espace autour de nous, les vitrines, les touristes souriants, la rue pavée qui s’ouvre a u sud sur une place inondée de soleil. — Merci quand même de m’avoir donné rendez-vous ici . Prendre un cocktail en terrasse sur la Calle del Carmen, à deu x pas de la Puerta del Sol, c’est toujours un plaisir. L’endroit est pittoresque à souhait. Il secoue la tête en passant la main droite sur la grosse montre à son poignet gauche. — Il est surtout facile d’accès. Son sourire s’estompe pendant qu’il avance le buste au-dessus de la table. Quand il reprend la parole, sa voix a baissé d’un ton et ses yeux ne quittent pas les miens. De loin, il doit avoir l’air de me susurrer des mots doux. — Dites-moi, Ana, qu’est-ce qui vous a poussée à ac cepter ce contrat ? Cette fois, je prends le temps d’avaler une gorgée avant de répondre. Je savais que la question tomberait un jour ou l’autre , mais dès mon arrivée à Madrid ? Voilà qui est rapide. L’ami Federico va droit à l’essentiel, je vois. Si les Sœurs de Diane n’étaient pas venues à ma ren contre, il y a quinze ans, je n’aurais jamais pris conscience de mes pouv oirs et je ne pratiquerais pas la magie aujourd’hui. J’ai été l’une des leurs avant de m’installer à Londres. À ce titre, je comprends tout à fait les doutes de mon client : pourquoi ai-je accepté d’intervenir ici, sur le territoire de mon ancienne sororité ? — Je vous retourne la question, dis-je en inclinant la tête sur le côté. Pourquoi faire appel à moi alors que, selon les acc ords territoriaux, les Sœurs de Diane contrôlent la magie dans le centre histori que de Madrid ? Pour bien faire, je devrais m’adresser à elles avant d’interv enir. Ce n’est pas ce que vous souhaitez, n’est-ce pas ? Federico suit du doigt le contour du cadran de sa montre. — Disons que j’ai été en contact avec elles, il y a quelque temps. Je trouve leur organisation trop rigide et je préfère m’en remettre à un mage indépendant. — Je vois ce que vous voulez dire. J’ai quitté les Sœurs, non pas parce que je m’enten dais mal avec elles d’un point de vue humain, mais parce que leurs tradition s m’enfermaient dans un cadre qui ne me convenait pas. La Diane dont elles se réclament n’est pas à propre ment parler la déesse romaine du même nom. Il s’agit plutôt d’un syncréti sme de divinités d’origines variées, liées à la nature ou au cycle de la vie. E n gros, une sorte de personnification de la Terre, plus ou moins bienvei llante suivant les circonstances. Sans surprise, les rites des Sœurs o nt un certain nombre de bases communes avec la wicca. Toute magie doit s’appuyer sur une structure et ce système de croyance en valait bien un autre. Hélas, il ne marchait pas pou r moi. J’avais besoin de
m’affranchir de cette dimension spirituelle qui m’e ntravait plus qu’elle ne me soutenait. Réaliste, la Grande Sœur Rosita m’a non seulement laissée partir, mais aussi conseillée dans le choix d’une communauté mieux adaptée à mon esprit cartésien. Un dossier Erasmus plus tard, je posais mes valises en Angleterre et je frappais à la porte du Seer’s Eye Project, dans la grande banlieue de Londres, où j’ai achevé ma formation magique en même temps q ue mes études. Depuis, je reviens en Espagne une ou deux fois par an, pour voir ma famille dans la Comunidad Valenciana, mais je n’ai plus jamais fréq uenté les lieux sacrés de la sororité. Bref, douze ans après mon départ, ce retour dans la capitale espagnole est une grande première pour moi. Federico a profité de mon silence pour commander un e Cruzcampo à la pression. — Vous avez gardé des rapports avec les Sœurs ? demande-t-il. — J’ai Blanca de Sencillo dans mes contacts Facebook, ça s’arrête là. Blanca est l’étudiante qui m’a repérée sur les banc s de l’université. Même âge, un certain nombre de points communs malgré les divergences spirituelles… Nous apprécions d’échanger des nouvel les de temps à autre. Voyant mon client froncer les sourcils, je précise : — Une ancienne amie, pas plus proche que ça. Ne vou s inquiétez pas, je n’ai pas claironné partout que j’allais à Madrid, s urtout pas sur les réseaux sociaux. Son visage se détend un peu. — Il n’empêche que vous ne m’avez toujours pas répo ndu. Pourquoi êtes-vous venue ? — Parce que les Sœurs de Diane libèrent les fantôme s un peu trop vite à mon goût. Je trouve ma méthode plus… comment dire ? Judicieuse. L’exorcisme lui-même diffère peu : il n’y a pas cin quante façons d’accorder le repos à une âme. En revanche, là où la sororité met en place son rituel le plus vite possible, je prends le temps de connaître le d éfunt, l’équivalent d’une tasse de thé partagée pour échanger des confidences. À ce petit jeu, on a parfois des surprises. L’an dernier, par exemple, une vieille d ame hantait la maison de ses voisins depuis plusieurs semaines dans un effort dé sespéré pour les avertir de son décès, et sans mon intervention, on n’aurait pe ut-être pas retrouvé son corps. Je bascule vers un point plus technique : — Je vous rappelle mes conditions : vous m’accompag nez sur les lieux, et en cas d’intervention d’une tierce personne, famille, police, je compte sur vous pour expliquer ma présence. — Bien entendu.
Nous interrompons la conversation un court instant pendant que le serveur apporte la bière commandée. — Avant de vous remettre votre acompte, reprend mon client dès que nous sommes à nouveau seuls, je veux m’assurer que vous n’êtes pas un charlatan. Vous comprenez, j’espère. Je hausse les épaules. — C’est légitime. Voyons, de quoi est-ce que je dis pose pour une démonstration discrète ? Prouver la réalité de mes pouvoirs n’est jamais une mince affaire dans une rue piétonne noire de monde. Cependant, j’ai ma petite idée. Je tends l’index vers le verre fraîchement servi, l’effleure du bout de l’ongle et me concentre sur la structure moléculaire de la boisson. Tant d’agit ation, jolies bulles… Je m’efforce de devenir le liquide, puis de me conteni r, de ralentir mon activité. Toute sensation de chaleur disparaît de ma peau tan dis que je concentre mon immobilité au bout de mon doigt. Un peu de givre se dépose sur le verre. — Je vous laisse admirer le résultat, dis-je en rompant le lien. Un glaçon monte du point de contact et oscille douc ement à la surface. Je frissonne un peu, le temps de réintégrer le monde r éel. Merci, soleil d’août… Voyant mon client très occupé à inspecter sa bière, je m’autorise un petit tour sur mon smartphone. Tiens, un message privé sur Facebook. Avec un peu d e chance, c’est celui que j’attendais… Je clique en m’efforçant de garder une parfaitepoker face. Voilà une réponse qui tombe à point nommé, sachant que j’ai posé la question le week-end dernier : je voulais savoir si le nom « Federico Ruiz Tejada » parlait à Blanca. J’apprends donc qu’il y a trois ans, il est sorti quelques mois avec une Sœur de Diane prénommée Clar a, mais que ce fieffé séducteur n’a pas su se retenir d’aller fricoter ailleurs. Je vois d’ici la réaction de sa chère et tendre quand elle a compris quel genre d’homme elle fréquentait. Après une telle aventure, pas étonnant qu’il ait préféré se tourner vers moi plutôt que vers la sororité ! J’éteins l’écran avant qu’il n’ait l’idée de lire le message à l’envers. — Convaincu, monsieur Ruiz ? — Federico, coupe-t-il. Évidemment. Il lui manquait encore cette case dans ma liste à cocher du parfait dragueur latin. Bienvenue au pays, Ana ! En tout cas, il acquiesce, les yeux grands ouverts dans une expression qui ressemb le à de l’admiration sincère. — Je ne sais pas comment vous vous y êtes prise, mais vous êtes douée. D’une main, il porte son verre à ses lèvres. De l’a utre, il extirpe un chéquier de son baise-en-ville, puis un stylo. Je le laisse griffonner des mots et des nombres, détacher le chèque et me le tendre. Montan t, ordre, signature, tout est bon. Je glisse l’acompte dans une pochette intérieu re de mon sac. Il faudra que je pense à passer à ma banque espagnole avant de re ntrer à Londres.
— Eh bien, Federico, me voilà prête à vous accompag ner dans la maison hantée. Il pince la bouche, faisant jouer la lumière sur sa lèvre supérieure humectée de bière. Cet effet-là, au moins, n’est pas voulu, ou alors, le séducteur est plus fin qu’il n’en a l’air. — Tout de suite ? Je hausse les épaules. En général, quand un fantôme les empêche de prendre possession de leur héritage, mes clients so nt pressés d’en finir. Lui semble plutôt ennuyé à l’idée de ne pas pouvoir sav ourer sa bière. — Pas forcément, lui dis-je. Si vous préférez fixer un nouveau rendez-vous, demain par exemple, ça ne me pose aucun problème. J ’ajouterai simplement la nuit d’hôtel à ma note de frais. La mention financière allume une lueur dans ses yeu x bruns. Le contraire m’aurait étonnée : mes services coûtent déjà bien a ssez cher sans ce genre d’extra. — Laissez-moi juste terminer mon verre ! s’exclame-t-il en agitant une main. La maison est à deux stations de métro d’ici… à moi ns que vous ne préfériez marcher ? Amusée, je regarde les pans de tissu tendus au-dess us de la rue pour protéger les passants du soleil. On aperçoit des fr agments de ciel dans les interstices, tous d’un bleu immaculé. — Allons-y à pied. Je m’en voudrais de ne pas profiter de ce beau temps.
La chambre rose À Madrid, comme à peu près partout en Espagne, on n e se vouvoie jamais bien longtemps. Avant même d’avoir quitté la Calle del Carmen, l’affaire est entendue : il n’y a plus deustedentre nous. À la suite de Federico, je traverse la Puerta del Sol en passant devant la célèbre statue de l’ours à l’arbousier, le symbole de la ville. Nous descendons ensuite toute la Calle de Carretas jusqu’à la place Benavente, où le calvaire des pèlerins de Compostelle côtoie un balayeur de bronze inauguré pendant mes études : ch oc des époques, mélange des genres entre l’humble et le sacré… Je n’y avais jamais pris garde avant de m’installer à Londres, mais il y a dans cette juxta position comme un délicieux parfum d’humour anglais. — Tu as l’air détendue, observe Federico. Pour quel qu’un qui s’apprête à rencontrer un fantôme, je veux dire. — Le surnaturel ne m’angoisse plus. C’est mon métier. Quelques pas plus loin, je crois comprendre que la remarque avait surtout pour but de relancer la conversation et je trouve une question à poser : — Qu’est-ce que tu peux me dire à son sujet ? Quand le père Felipe Nguyen t’a mis en contact avec moi, il m’a juste ex pliqué que la présence était forte et que tu n’arrivais même pas à entrer dans l a pièce hantée. Est-ce que c’est récent ? — Non. Federico secoue la tête. — Je suis à peu près sûr qu’il repoussait déjà mon père, parce que je ne l’ai jamais vu dans cette chambre, qui ne servait pas so uvent, de toute façon. En revanche, ma mère y est toujours allée sans problèm e, et moi aussi, quand j’étais enfant. Après le décès, j’ai voulu y retour ner pour ranger des papiers, et c’est là que le fantôme s’en est pris à moi. Il fait un écart pour éviter une famille de touristes qui photographie les lieux à l’aide d’une énorme tablette. — La sensation est très désagréable. On dirait deux mains posées sur mes épaules, qui me repoussent violemment. De ses paumes croisées sur ses propres clavicules, il mime le phénomène. Impressionnant. Federico aurait-il des dons de médium ? Tandis qu’il adresse un sourire assorti d’un regard de braise à une inco nnue en robe courte, je songe que le plus simple est encore de le lui demander. — C’était la première fois que tu ressentais quelque chose de semblable ? — Oui, bien sûr. Si je n’avais pas… Il reprend vivement son souffle avant de reformuler : — Si je ne connaissais pas les Sœurs de Diane, je n ’aurais jamais compris qu’il y avait quelque chose de surnaturel là-dessou s. J’ai demandé de l’aide au père Nguyen… Tu connais la suite. Mais le paranorma l, ce n’est pas du tout mon domaine.
Il bifurque sur la droite au bout de la place, me l aissant cogiter sur ses talons : il me reste deux explications possibles. S oit le fantôme est d’une puissance exceptionnelle, soit il existe un lien fo rt entre lui et mon client. Je penche pour la seconde hypothèse, puisque notre défunt hante les lieux depuis longtemps sans avoir attiré l’attention de la soror ité, bien que l’une d’elles ait fréquenté Federico de très près à une époque. J’acc élère un peu pour remonter au même niveau que lui sur le trottoir : je n’aime pas parler dans le dos de quelqu’un. — Tu penses qu’il s’agit d’un membre de ta famille ? Il hoche la tête. — J’en suis presque sûr. Sans doute mon arrière-grand-père. — Et pourquoi est-ce qu’il empêcherait ses descenda nts d’entrer dans la chambre ? — J’aimerais bien le savoir. Il m’adresse un petit sourire triste, sourcils haus sés comme pour s’excuser. — Je ne serais qu’à moitié étonné s’il voulait protéger un ou deux secrets honteux. On n’en parle pas beaucoup dans la famille , mais j’ai cru comprendre qu’il avait des casseroles datant de la guerre civile. Rien que du classique, hélas. Je dois admettre que sa théorie se tient. Je le suis donc vers l’ouest du centre-ville et les vieilles ruelles de La Latina. Il ne me reste aucune question à poser : d’après mon expérie nce, les profanes n’ont pas beaucoup à apprendre aux habitués du paranormal. La meilleure source d’information reste la maison hantée elle-même. Nous marchons encore une petite vingtaine de minute s, le long de rues de plus en plus étroites. La Latina reste avant tout un quartier populaire malgré son retour en grâce auprès de la classe moyenne-supérie ure, aussi les appartements à l’ancienne, exigus et mal agencés, n ’ont-ils pas encore cédé la place aux espaces réaménagés en fonction du monde m oderne. Je commence à me demander à quel gourbi ressemble la maison des Ruiz quand Federico pointe du doigt un immeuble plus bas que les autres . Deux étages seulement, des portes d’entrée qui s’al ignent le long du rez-de-chaussée et des couleurs de crépi qui alternent par bandes verticales. Je mets deux secondes à comprendre qu’il s’agit en fait d’une bande de maisons accolées, comme on en trouve dans les quartiers vic toriens de toutes les grandes villes britanniques. Certaines, à commencer par celle où je vis à Londres, ont été découpées en appartements, mais pas toutes. Mon client s’est arrêté devant une des portes, dont la peinture blanche écaillée laisse entendre que des travaux de rénovation ne seraient pas du luxe. Une sculpture érodée orne le linteau, sans doute de s armoiries effacées par le temps. Je plisse les yeux : si la patatoïde dressée à l’assaut d’un blob a autrefois été, comme je le pense, un ours debout contre un arbousier, il s’agit du blason de Madrid. Federico fouille dans son sac, fronce les sourcils, sort quelques papiers et
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