Les Franchises de l historien - Étude philosophique et judiciaire
52 pages
Français

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Les Franchises de l'historien - Étude philosophique et judiciaire , livre ebook

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Description

Notre temps a le goût des études historiques ; c’est là qu’il doit trouver, dans l’ordre des travaux intellectuels, l’un de ses titres de gloire. Chacun s’en occupe de son côté : les buts sont différents, les méthodes diverses, les pensées disparates ; tel court sur les sommités (), tel autre veut sonder les abîmes. Pour l’un, c’est un travail de recherches et d’érudition, la découverte de documents inédits ou ignorés, plus ou moins authentiques, anciens ou récents, dont la publication ne plaît presque jamais à tout le monde ; pour l’autre, moins innocent, c’est la suite d’un parti pris, le désir de faire prévaloir un système et, comme le disait déjà Montaigne (), « d’incliner l’histoire à sa fantaisie.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 8
EAN13 9782346124084
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Pierre-Aubin Paillart
Les Franchises de l'historien
Étude philosophique et judiciaire
Une première esquisse de ce travail a paru en 1861, dans le recueil publié à Nancy, sous le titre de Varia. On a pensé que plus développé et moins incomplet, il pourrait présenter quelque intérêt. La question, difficile et délicate, à tous égards, de la diffamation envers les morts, sera probablement discutée plus d’une fois et l’importance en sera de jour en jour mieux appréciée.
LES FRANCHISES DE L’HISTORIEN
Historia tantò robustior quantò verior.
QUNTIL., Inst. Orat. lib. II, C. 4.
 
Notre temps a le goût des études historiques ; c’est là qu’il doit trouver, dans l’ordre des travaux intellectuels, l’un de ses titres de gloire. Chacun s’en occupe de son côté : les buts sont différents, les méthodes diverses, les pensées disparates ; tel court sur les sommités ( 1 ), tel autre veut sonder les abîmes. Pour l’un, c’est un travail de recherches et d’érudition, la découverte de documents inédits ou ignorés, plus ou moins authentiques, anciens ou récents, dont la publication ne plaît presque jamais à tout le monde ; pour l’autre, moins innocent, c’est la suite d’un parti pris, le désir de faire prévaloir un système et, comme le disait déjà Montaigne ( 2 ), « d’incliner l’histoire à sa fantaisie. » Pour un troisième, c’est la révélation peu discrète de son propre cœur, le compte rendu de ses impressions extérieures ou intimes, sa confession toujours adoucie, et, par circonstance, celle du prochain souvent aggravée. On écrit l’histoire pour raconter, selon le précepte de Quintilien ( 3 ) ; on l’écrit pour discuter et prouver, selon les vues d’Aulu-Gelle ( 4 ) ; tantôt c’est l’histoire générale ou particulière ; tantôt c’est la Biographie, avec les réflexions naïves de Plutarque, la biographie anecdotique, les menus faits et gestes d’un homme, les détails de sa vie, chose plus essentielle qu’on ne veut le croire, même pour un résumé général ( 5 ). Ceux-ci présentent un catalogue de librairie ou un inventaire en style notarial ; ceux-là se traînent dans les curiosités oisives et minutieuses, ainsi que l’écrivait un homme qui n’a pas toujours su s’en préserver lui-même ( 6 ), et qui donne aujourd’hui trop de place dans le jugement des faits, aux petites choses, aux incidents vulgaires. Nous pourrions ajouter que le roman s’est inspiré de l’histoire ; et même à ce titre, le roman historique, si propre à charmer les esprits et à fausser les souvenirs, est devenu justiciable des tribunaux ( 7 ). Des critiques éclairées, un examen sévère, de libres discussions nous diront, mieux que tous les arrêts, si l’histoire n’a rien emprunté au roman, et si les historiens, comme l’a dit M. de Châteaubriand, ne mentent pas un peu plus que les poètes, en dépit de Cicéron qui a appelé l’histoire « la lumière de la vérité ( 8 ). » On aurait tort, pour bien des raisons, de laisser le vraisemblable usurper la place du vrai. Sur cette route si longue dont nul ne connaît le terme, le progrès même des choses a marqué, pour ainsi dire, les étapes de l’esprit humain selon le développement de ses facultés : à l’imagination des peuples enfants, à la mémoire et au jugement de ceux qui avancent dans la carrière, à l’esprit critique des peuples mûrs, répondent la légende, la chronique et l’histoire. Ces documents si divers occupent indistinctement la curiosité des esprits. Les uns bercent, par cette lecture, les loisirs inquiets et blasés d’une existence aléatoire. Les autres, ceux auxquels appartiendra l’avenir, y trouvent des lumières, des avertissements, des prophéties même, quand on sait les comprendre. Au fond, l’idée de la justice a peut-être, de nos jours, grandi théoriquement dans les esprits ; mais, dans la conduite, la prudence et le calcul ont pris une place, je n’ose dire plus grande, je dirai seulement mieux déterminée, mieux connue par les observations et les interprétations malignes du voisin.
On peut écrire l’histoire en témoin impartial ; on peut l’écrire en témoin passionné jusqu’à la violence comme Saint-Simon ( 9 ), se lâchant à parler en bien ou en mal, sans ménager personne, définissant la charité « une sage, une nécessaire liberté de vie et de lumière » et ne permettant pas qu’on apporte aux rudes devoirs de la vie « un esprit de séminariste. » Nous savons, d’ailleurs, que par scrupule de conscience, il avait consulté l’austère abbé de Rancé ( 10 ). On peut l’écrire en narrateur prolixe, comme Tite-Live (Lactea ubertas, disait de lui Scaliger) ; en juge parfois indulgent, comme M. Thiers, ou toujours sévère comme Tacite, désormais jugé et condamné en dernier ressort, sauf recours à la postérité, ou comme ces esprits ingénieux et subtils, déjà signalés par Montaigne ( 11 ), « cherchant à obscurcir par des interprétations viles la gloire des belles actions. »
Dans cette immense série de compositions, d’une valeur inégale, mais d’une utilité certaine, que Pline le jeune aurait indistinctement goûtées ( 12 ) et pour lesquelles nous venons aujourd’hui réclamer des franchises nécessaires, il convient de considérer d’une manière toute particulière les réhabilitations imprévues, les paradoxes et les fantaisies historiques ; à ce terrible jeu des paradoxes, en quelque genre que ce soit, la conscience humaine, publique ou privée, est toujours exposée à perdre quelque chose ; le danger n’est jamais plus grand que dans ces travestissements inexplicables, dans ces lugubres caprices, dans ces apothéoses à contre-sens dont chacun peut facilement citer des exemples trop nombreux depuis un certain nombre d’années. Ce scandale et ce fléau ne sont justiciables que de l’opinion : laissons donc à l’opinion toute son indépendance. On devait croire que des faits odieux, inhumains, avaient été définitivement condamnés par elle ; des hommes, que le malheur de leur destinée avait mêlés à de terribles événements, soulevaient une répulsion unanime. On ne parlait des uns et des autres que pour les maudire. Qui voudrait donc supporter désormais ou l’intolérance armée ou la liberté sanglante ? Et pourtant, il a paru ou juste ou habile, et en tout cas opportun, d’entreprendre une œuvre de réhabilitation. Ces faits qui se présentaient à nos souvenirs, environnés de carnage et de deuil, ces exécuteurs implacables d’une justice mystérieuse et suspecte, ont changé tout à coup dans certaines appréciations ; leur aspect n’est plus resté le même ; les éloges ont remplacé les malédictions. Nous étions accoutumés à déplorer des massacres, à flétrir des hommes qui avaient versé le sang, à reconnaître en eux des passions monstrueuses ou des goûts ignobles, rien de grand, rien d’honnête ; tout à coup, des jugements contraires ont surgi de plusieurs côtés. On nous a proposé de voir en eux, non pas seulement (ce qui est peut-être quelquefois exact et n’en serait guère plus honorable pour notre espèce) des gens faibles, aveuglés, dominés ou séduits, entraînés à faire le mal sans malveillance, sans cruauté, mais des apôtres désintéressés, des martyrs courageux pleins à la fois de tendresse et d’énergie, dignes en un mot de toute notre admiration. Nulle louange n’a été trouvée au-dessus de leur mérite ; toutes les formules de sympathie ont été épuisées en leur faveur. — C’est là un ordre de faits où les

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