Le Protestantisme belge dans la région des grands lacs

Léonard Rwanyindo

Description

De la première guerre mondiale à 1959 et la révolution rwandaise, le bilan du travail missionnaire de la S.B.M.P.C. (société belge de missions protestantes au Congo) renvoie à la question de la justice sociale, tant l’esprit "supranational" motivant son engagement a primé sur les dérives patriotiques et ethniques rwandaises. C’est en effet pour parer au régime de cruauté qui sévissait dans l’Etat indépendant du Congo que l’influence du protestantisme belge s’est étendu dans la région des grands lacs, démontrant qu’une force fédératrice extérieure peut aider une machine politique quelque peu cahotante. Travail divisé en trois parties: de l’implantation de la première église protestante au Rwanda à l’évangélisation qui suit la première guerre mondiale jusqu’à l’indépendance de 1959. Léonard Rwanyindo réalise à l’occasion de cette recherche une œuvre nourrie d’une sensibilité hypertrophiée à l’égard de la paix sociale autant qu’intelligente dans sa présentation des enjeux politiques de l’époque. « Le Protestantisme Belge dans la région des grands lacs » rappelle toute la corrosivité du colonialisme pour les peuples africains, lequel a entraîné le transvasement de disputes politico-religieuses à l’extérieur de ses terres, au détriment des colonisés.

Sujets

• XXe siècle
• Religión
• Philosophie et théologie

Informations

• Publié par: publibook
• Date de parution: 01 janvier 2009
• Nombre de lectures: 51
• EAN13: 9782748350289
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Le Protestantisme belge
dans la région
des grands lacs
Léonard Rwanyindo










Le Protestantisme belge
dans la région
des grands lacs

Rwanda : 1921-1959















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Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2009



Remerciements



Nous remercions tous ceux qui ont contribué à la
réalisation de ce travail. Nous disons merci à notre épouse
Winifred Mukaneza ainsi qu’à nos quatre enfants qui ont
supporté notre absence pendant nos recherches et les
moments de rédaction.
Nous exprimons toute notre gratitude à nos parents,
Charlotte Nyirangegera et Hesron Habiyakare. Nous leur
dédions ce livre.
Nous disons merci à notre collègue Marc Lombart et à
son épouse Jacqueline pour leur hospitalité et leurs
conseils.
Grand merci à Mme Marie-France Langer qui nous a
accordé du temps pour la lecture du texte.
Nous exprimons toute notre reconnaissance à Madame
Edith Coniot qui, grâce à son expérience de l’Afrique,
nous a apporté une aide précieuse.
9


Avant-propos



La situation géographique et sociopolitique du Rwanda

Le Rwanda est un pays d’Afrique centrale d’une
superficie de 26.338 km² limité au Nord par l’Ouganda, au Sud
par le Burundi, à l’Est par la Tanzanie et à l’Ouest par le
Congo (ex-Zaïre). Lors de la conférence du 8 février 1910
tenue à Bruxelles et organisée par les Allemands, les
Britanniques et les Belges, ses frontières ont été modifiées : il
perd l’île Idjwi, le Bwishya et le Gishari au profit du
Congo et le Bufumbira au profit de l’Ouganda. Signalons
qu’à l’origine le Rwanda était un petit pays entier nommé
" Rwanda de Gasabo " au bord du lac Muhazi.
L’extension du pays des mille collines au-delà de ses
frontières actuelles remonte au XVIIIème siècle. Elle
devient effective sous le règne de Cyilima II Rujugira
(17451768) et atteint son sommet pendant celui du grand
conquérant Kigeli IV Rwabugiri (1860-1895). Celui-ci permit
l’expansion du pays jusqu’au Buhunde et à l’île Idjwi
(Congo-Zaïre). C’est lui qui consolida la frontière entre le
Rwanda et le Burundi et qui, par une expédition sans pitié,
1conquit le Nkole jusqu’à Mbarara en Ouganda.
En infiltrant des Rwandais dans les pays limitrophes,
ces conquêtes joueront un rôle important dans
l’évangélisation du pays. Les émigrés accompagneront les
missionnaires pour leur servir d’interprètes comme nous le
verrons par la suite.

1 Recensement général de la population et de l'habitat, RWANDA
1978, Bureau national de Recensement, volume VI, décembre 1984, p.
19.
11 Les Rwandais parlent une seule et même langue, le
kinyarwanda, qui permet la communication entre les
différentes régions. Ce pays ne connaît qu’une seule et
même culture, ce qui devait favoriser l’unité nationale.
Mais celle-ci a toujours fait défaut à cause des régimes
politiques qui se sont succédés et qui ont malheureusement
divisé la population et l’ont manipulée pour nourrir des
ambitions partisanes. Le peuple est devenu un instrument
de division entre les mains des politiciens.
Le Rwanda est l’un des pays les plus densément
peuplés du globe. Sa population s’élevait à 7.300.000
d’habitants avant le génocide de 1994. Les estimations
actuelles parlent de 8.648.248.
Avant l’arrivée des Occidentaux, le pays était une
monarchie absolue. Il connaissait un pouvoir fort et centralisé
entre les mains du Mwami (le roi) qui gouvernait avec les
chefs hutu et tutsi responsables respectivement des
secteurs agricoles et pastoraux.
Le Rwanda est l’une des rares nations d’Afrique
possédant une organisation administrative avant l’arrivée des
Occidentaux. La conférence de Berlin (1884-1885)
conféra ce pays à la zone de territoire du protectorat de
l’Afrique Orientale Allemande ayant son siège à
Dar-esSalaam (Tanganyika). Le Dr Oscar Baumann, d’origine
autrichienne, traverse le pays des mille collines en 1892 ;
il était à la recherche de la source du Nil. L’émissaire du
protectorat d’Afrique Orientale Allemande, le Lieutenant
von Götzen, est le premier officiel allemand à rencontrer
le Mwami Kigeli IV Rwabugili en 1894. L’autorité
allemande y devient effective en 1899.
Grâce à son organisation militaire, Rwabugili avait
repoussé toute pénétration et occupation étrangères. Bernard
Lugan décrit ainsi la situation :
En 1876, année du premier voyage de Stanley, ni les
Arabes de Kafuro, centre de la traite situé à quelques dizaines de
kilomètres de la frontière, ni ceux du Tanganyika, comme le
12 fameux Tippo-Tip, ne semblaient donc, d’après Hamed, avoir
réussi à pénétrer au Rwanda.2
Comment les Allemands ont-ils réussi à s’y installer
pacifiquement ? Trois facteurs ont joué en leur faveur. Le
successeur de Rwabugili, son fils Yuli V Musinga promis
au trône par le coup d’Etat de Rucunshu de novembre
1896, organisé et dirigé par ses deux oncles, Kabare et
3Ruhinankiko n’est qu’un usurpateur. Ces deux-là
s’opposaient à Mibambwe Rutalindwa, orphelin de mère,
qui avait été désigné par son père Rwabugili comme son
successeur, alors que la tradition exigeait la désignation
d’une reine-mère. Avant son décès, Rwabugili ayant une
confiance aveugle en Kanjogera, la mère de Musinga, la
désigna comme reine-mère mais avec ses deux frères elle
décida d’éliminer Rutalindwa afin que son propre fils
puisse accéder au trône.
Ce coup d’Etat illustre très bien les rivalités claniques
qui sévissaient à la Cour entre les Banyiginya (le clan de
Rwabugili) et les Bega (le clan de Kanjogera). Les deux
clans rivaux se disputaient couramment pour le pouvoir.
Le futur Mwami était désigné par le secret des
Bi4ru (groupe disposant divinement du pouvoir sacré dans
l’organisation de la monarchie rwandaise), seuls capables
de déterminer la succession des Bami. Ce pouvoir des Biru
considéré de droit divin ne pouvait pas échapper à la
tricherie car il était qualifié d’indiscutable.
Musinga n’ayant que l’âge de douze ans, la vraie
autorité se trouvait entre les mains de Kanjogera et de ses deux
frères dont le plus rusé et le plus redoutable était Kabare.

2 LUGAN, B., Afrique, L’Histoire à l’endroit, collection Vérités et
Légendes, Paris, 1989, p.163.
3 VAN OVERSCHELDE, A., Un audacieux pacifique, Monseigneur
Léon-Paul Classe, Apôtre du Ruanda, Imprimerie, Saint-Alphonse,
Louvain, 1946, p. 60.
4 Abiru : Conseillers influents de la Cour royale, gardiens du code
ésotérique de la monarchie rwandaise.
13 Le trône ainsi conquis par la force était encore fragile lors
de l’arrivée des Allemands. Il fallait