Handicap et citoyenneté
174 pages
Français

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Handicap et citoyenneté , livre ebook

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Description

"Et si le handicap nous aidait à réinventer le lien social ?" La question du handicap est celle de la démocratie ; la question du handicap est, centralement, politique comme en témoigne le fonctionnement de la dialectique droits de l'homme – droits du citoyen dans la problématique du handicap. Sans faire une histoire du handicap et sans prétendre donner des indications pour une politique du handicap, cet ouvrage donne quelques outils pour comprendre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2013
Nombre de lectures 87
EAN13 9782336287539
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Yves BRUCHON






HANDICAP ET CITOYENNETÉ

Quand le handicap interroge le politique
Copyright

© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-28753-9
Sommaire Couverture 4e de couverture Titre Copyright Sommaire Handicap et définitions du champ politique Première partie Handicap et souveraineté Politique (1) D’une frontière… Représentation du handicap (1). Deuxième partie Handicap et placement social Le handicap, soluble dans la question sociale ? Politique (2) Gérer le handicap comme un risque… Le handicap, question de justice sociale ? Représentation du handicap (2) Troisième partie Handicap et émancipation Liminalité et différence : vers une subjectivité inclusive ? Politique (3) Handicap et émancipation Accompagner et/ou émanciper Egalité et émancipation Bibliographie Sur le handicap aux éditions L’Harmattan Adresse
Handicap et définitions du champ politique
S’ intéresser à la question du handicap, s’ intéresser au handicap pour poser la question politique de la citoyenneté, ou plus exactement la question de la production politique d’une citoyenneté légitime ou légitimée : pour quoi et pour en arriver où ?

Ce qui intéresse d’abord, ce sont les personnes en situation de handicap. Et nous nous intéressons à elles parce qu’on est soi-même en situation de handicap ou parce qu’un proche l’est (cas des associations de “personnes en situation de handicap”, de parents, d’amis) ou parce que la conscience de notre propre vulnérabilité rappelle que nul n’est à l’abri de l’être, en situation de handicap, ou encore plus fondamentalement parce que cette conscience de notre vulnérabilité nous donne une proximité avec les personnes dites handicapées : « le visage énigmatique dont parle Lévinas nous oblige, car l’essence de l’homme est en suspens dans sa vulnérabilité » 1 .

On s’intéresse aussi aux personnes en situation de handicap parce que leur sort suscite la compassion, au sens fort et noble du terme (partage des maux ou des souffrances d’autrui), ou parce que leur sort vient heurter notre sens de la justice.

Mais s’intéresser aux personnes en situation de handicap – leur venir en aide, réclamer justice pour elles au nom d’une humanité commune et partagée (fraternité), les interpeler comme de vrais interlocuteurs – n’est pas forcément s’ intéresser au handicap .

S’intéresser à, c’est d’abord marquer de l’intérêt pour quelque chose ou quelqu’un qui retient l’attention, et donc produire par cette attention un espace partagé, un espace commun d’existence, un espace commun d’être, littéralement, un inter-esse .

Si s’intéresser c’est construire un espace partagé, ce partage n’est pas la construction d’un espace où des singularités se rencontrent, sont inter se , entre elles. Pour s’intéresser au handicap, il faut reconnaître un inter-esse , monde commun déjà là, et s’intéresser au handicap, c’est tenter de penser le lieu possible du handicap dans cet inter-esse , la condition de possibilité du handicap dans cet inter-esse .

Alors que l’ inter se s’accommode de l’intime, du privé, même s’il peut donner lieu à manifestations publiques voire publicitaires, l’ inter-esse est d’emblée, par construction, un espace public. « Le mot “public” désigne le monde lui-même en ce qu’il nous est commun à tous et se distingue de la place que nous y possédons individuellement (…). Vivre ensemble dans le monde : c’est dire essentiellement qu’un monde d’objets se tient entre ceux qui l’ont en commun, comme une table est située entre ceux qui s’assoient autour d’elle ; le monde, comme tout entre deux, relie et sépare en même temps les hommes » 2 ; la construction de l’inter-esse est celle du monde public, monde qui définit un espace où existent des individus-sujets distingués, distincts mais interagissant, mais égaux par l’exercice de leur liberté et de leur puissance.

Le terme “public” est à prendre au pied de la lettre : c’est un espace où l’individu apparaît et est distingué parce que reconnu dans la manifestation de sa parole et de son action, dans la manifestation de ses jugements et où il est aussi distingué et reconnu par des jugements portés sur sa parole, son action et ses jugements.

L’espace public est lieu pluraliste où la parole est liée, certes, à la vérité produite par la connaissance mais où elle est surtout liée aux opinions produites dans le débat – opinions qui ne s’assimilent pas à une doxa, mais au contraire à la manifestation publique de la pluralité humaine.

La différence entre opinion et doxa est celle entre juger et préjuger.

Juger, c’est-à-dire essentiellement discerner et donner une valeur, est la faculté de traiter le particulier : « Ceci est beau, Ceci est laid ; Ceci est bien, Ceci est mal » 3 ; le jugement ne décide d’aucune vérité, d’aucune règle absolue, encore moins d’aucun absolu universel ; en ce sens il produit de l’opinion ; mais l’opinion produite par le jugement ne peut passer pour vérité à imposer – ce qui, au contraire, est le propre du préjugé qui érige sa subjectivité en vérité absolue.

C’est que le jugement implique la confrontation, réelle ou potentielle, à d’autres jugements et c’est cette confrontation qui en fait une réflexion. Le jugement se veut communicable : « des connaissances et des jugements, en même temps que la conviction qui les accompagne, doivent pouvoir être communiqués universellement » 4 , faute de quoi on est dans le relativisme, le scepticisme, les préjugés et la doxa.

C’est ce qui fait que le jugement ouvre à la pluralité en impliquant chez tout un chacun une égale faculté de juger, un « entendement commun que l’on considère, en tant qu’entendement sain (…), comme la moindre des choses que l’on peut toujours attendre de celui qui prétend au nom d’homme » 5 . C’est à cet entendement commun que Kant donne le nom de sensus communis .

Le jugement, même apparemment le plus personnel, voire le plus arbitraire, le jugement de goût, par exemple, dont on sait qu’il ne se discute pas 6 , ne peut être porté qu’à condition de viser à être « universellement communicable », donc « qu’à travers la supposition qu’il existe un sens commun » 7 .

« Le sens commun est le sens de la communauté, sensus communis, en tant qu’il se distingue du sensus privatus. C’est à ce sens commun que le jugement fait appel chez tout un chacun, et cet appel potentiel fournit aux jugements leur validité spécifique. Le ça-me-plaît-ou-ça-me-déplaît, qui, en tant que sentiment, est en apparence entièrement privé et ne se communique pas, s’enracine en réalité dans ce sens de la communauté : il est donc ouvert à la communication une fois qu’il a été transformé par la réflexion qui prend en considération tous les autres ainsi que leurs sentiments. La validité de ces jugements n’atteint jamais celle des propositions cognitives ou scientifiques qui ne sont pas à proprement parler des jugements. (Si l’on dit “Le ciel est bleu” ou “Deux et deux font quatre ”, on ne “juge” pas ; on dit ce qui est, contraint par le témoignage des sens ou bien de l’esprit.) De même, on ne peut jamais forcer qui que ce soit à être d’accord avec ses propres jugements – “C’est beau” ou “C’est faux” ; on ne peut que “courtiser” ou “solliciter” l’assentiment des autres 8 . Et dans cette activité persuasive, on fait bel et bien appel au “sens de la communauté”. En d’autres termes, quand on juge, on juge en tant que membre d’une communauté » 9 .

Ce qui fait que la faculté (et la possibilité) de juger est une capacité proprement politique.

« La politique prend naissance dans l’ espace-qui-est-entre-les hommes donc dans quelque chose de fondamentalement extérieur-à-l’ homme. (…) La politique prend naissance dans l’espace intermédiaire et elle se constitue comme relation » 10 .

Résumons : cet espace public, en tant que façon d’être inter-esse et non inter se , est caractérisé par trois dimensions articulées : apparence et publicité, capacité de juger et de formuler des jugements, pluralité.

Poser le problème du handicap, c’est pointer la difficulté, l’improbabilité du caractère public du handicap.

D’abord, parce que le handicap est, souvent, caché, non publiquement reconnu, et donc plus profondément renvoyé à l’ordre du familial, du domestique, du privé ; affaire privée, le handicap est d’abord le problème des familles, certes aidées, mais c’est le problème des familles 11 .

Ensuite parce que c’est poser le probl

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