La lecture à portée de main
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Publié par | bibebook |
Publié le | 14 janvier 2013 |
Nombre de lectures | 35 |
EAN13 | 9782824710648 |
Licence : |
En savoir + Paternité, partage des conditions initiales à l'identique
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Langue | Français |
Extrait
MARC ELDER
LE P EU P LE DE LA
MER
BI BEBO O KMARC ELDER
LE P EU P LE DE LA
MER
1913
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1064-8
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
LA BARQU E
au timbr e fêlé de l’église quand Urbain
Coët sortit de chez Goustan. Sur le seuil, que la lamp e teintaN de lumièr e r oug e , le vieux Mathieu l’assura de nouv e au en lui
ser rant la main :
― Et tu seras content, mon g ar s, ta bar que sera b elle !
Urbain p artit, emp orté doucement, comme à la v oile , p ar son cœur
et r oulant dans le b onheur . Ses g alo ches foueaient le p avag e inég al du
quai, dominé de mâtur es à demi effacé es p ar la nuit. Il savait que sa bar que
r ep o sait là-bas de l’autr e côté du p ort, sous un hang ar indistinct, mais v er s
le quel il r eg arda p ar habitude et p ar plaisir .
Il cr ut rê v er et s’ar rêta court. Une lueur a fulguré dans les ténèbr es et
l’ e au lui app orte un craquement de planches, un fr oissement de cop e aux.
D’instinct, il s’immobilise , en ar rêt, sondant la nuit de tous ses sens. Et il
de vine les mouv ements d’une ombr e sous l’ enclos du chantier .
Silencieusement Urbain tir e ses g alo ches, se tr ousse et descend à la
1Le Peuple de la Mer Chapitr e I
y ole qui floe au bas de l’ escalier . Il déb orde sans br uit, glisse à coups
étouffés de g o dille , accoste . Mais à p eine ar riv e-t-il au coin du
baraquement qu’une flambé e lui brûle les y eux.
D’un saut, Coët tomb e sur un homme accr oupi, l’ enlè v e et d’un effort
énor me le culbute en plein p ort. Un cho c sur la mer . Coët s’ est jeté v er s
le feu qu’il étouffe sous sa var euse , sous ses pie ds, follement. Les flammes
s’affaissent, s’é crasent, et il p our suit, le bér et au p oing, celles qui ramp ent.
D’un lougr e une v oix héle à tr ois r eprises. L’ e au claque sous les coup es
hâtiv es d’un nag eur . Urbain tâte av e c soin le sol autour de lui, étr eint des
braises, é coute . La nuit est immobile comme un blo c que le feu tour nant
du Pilier tranche ainsi qu’une lame .
Longtemps il r este de g arde autour du chantier , encor e b oule v er sé de
p eur , imaginant sa bar que en flammes. Une brûlur e cuit son gr os orteil
g auche qu’il va de temps à autr e tr emp er dans l’étier . Il dénombr e ses
ennemis : les deux A quenee , Julien Per chais, les Gaud ; il n’a p as r e connu
l’homme , mais il frémit de l’intention incendiair e et il v oudrait toucher
sa bar que , la pr endr e à pleins bras, comme un êtr e cher sauvé d’une
catastr ophe .
Il fallut les coups grêles de minuit p our lui rapp eler que la
MarieJe anne l’aendait chez lui à l’Herbaudièr e , et qu’il avait six kilomètr es
de r oute . L’ obscurité immuable et douce lui était de v enue confiante sous
l’é clat obstiné du grand phar e tour nant. Il dé cida la r etraite , mais le jusant
ayant é choué la y ole , il long e a l’étier , du côté des marais, jusqu’à l’é cluse
dont le bâtis s’éle vait dans les étoiles en manièr e de guillotine .
Le lendemain, il r e vint dès six heur es et il vit les pr euv es : des cop e aux
brûlés, une plaque d’herb e r oussie . La varlop e criait déjà sur le chêne ; il
entra et, jo y eusement, il r e connut sa bar que .
Elle montait, énor me dans le p etit chantier du pèr e Goustan qu’ elle
emplissait jusqu’au faîte . C’était une bar que de vingt-sept pie ds, bien
coffré e , puissante , l’étrav e haute et l’avant taillé d’aplomb , comme un coin,
p our mieux fendr e les lames. A u milieu des flancs qui n’étaient p oint
entièr ement b ordés, les membr ur es, quasi br utes, app araissaient ar qué es
comme des côtes, tellement près à près et massiv es que le bate au semblait
bûché dans un monstr ueux tr onc de chêne .
Or gueilleux de son œuv r e , le pèr e Goustan lâcha l’ er minee , p our v
e2Le Peuple de la Mer Chapitr e I
nir à p etits p as se camp er près d’Urbain Coët. Il r ele va, d’un g este familier ,
la lar g e salop ee qui jup onnait autour de ses vieilles jamb es, r e dr essa son
é chine , essuya ses lunees et dé clara :
― C’ est du travail, ça, mon g ar s ! et du solide !
Alor s son fils, François, qui rab otait les dessous de la bar que , à plat
dos p ar mi les cop e aux, s’inter r ompit p our pr ononcer :
― Faut ça p our bar e la mer !
Et é o dor e , le p etit-fils, du haut du p ont, où il bricolait, jeta d’
enthousiasme :
― Et p our tailler de la r oute !
Point bavard, Urbain Coët souriait simplement aux e x clamations
coutumièr es des tr ois g énérations. Il savait que l’ancien p arlait toujour s p our
vanter son e xp érience d’un métier enseigné à ses enfants, et que ses
enfants appr ouvaient à l’unisson. Urbain Coët estimait une sag e r outine . Il
n’était p oint assez fou p our discuter les connaissances des vieux, surtout
quand il les jug e ait de b onne sour ce . Et le pèr e Goustan avait travaillé
dans la grande ville de Nantes, sous le se cond emp er eur , du temps des
frég ates et de la b elle marine en b ois.
A u chantier de Noir moutier , on n’utilise que l’ er minee et le rab ot
en cor mier cintré ; les Goustan ignor ent la fer raille des outils américains.
Ils élè v ent des bar ques au p etit b onheur , à v ue de nez, en méprisant les
calculs et le dessin.
― La mer ! dit le vieux, c’ est-il une dame av e c qui on compte ! ― Ils
font trapu, r obuste , à for ce de chêne assemblé définitiv ement.
Ils ont deux marte aux p our tr ois et une seule tenaille dont un coin est
brisé . D epuis deux ans, à chaque fois qu’il ar rache un clou, François crie
qu’il va la r emplacer . Mais le pèr e , der rièr e ses lunees, constate qu’ elle
p eut encor e aller , et l’ on r emet l’achat. and ils ont à p er cer des tr ous
pr ofonds, é o dor e court empr unter une tarièr e à Malchaussé , le
charp entier , qui demeur e en ville , de l’autr e côté du p ort, sur la place d’ Ar mes.
D ans un angle du hang ar , la meule est fiché e au mur p ar deux
montants. A u-dessus, un sab ot, la p ointe en bas, sert de réser v oir et pisse de
l’ e au p ar un p etit tr ou b ouché d’un fosset. L’affutag e des lames est la
prér og ativ e des aînés ; é o dor e tour ne la meule qui g eint sur un r ythme
régulier .
3Le Peuple de la Mer Chapitr e I
D er rièr e le chantier , une p alissade en v olig e g arde du v ent de mer
un enclos où végètent des p oirier s bas, des artichauts, des citr ouilles et
un cerisier dont on suppute annuellement la pr o duction. Il p enche tout
contr e une fenêtr e , et c’ est plaisir de v oir , en travaillant, danser les fr uits
r oug es p ar mi les feuilles. Char g é de le v eiller , é o dor e tap e av e c son
marte au sur l’établi dès qu’il ap er çoit les oise aux v oraces.
Le chantier Goustan a de la réputation hor s de l’île , dans les p orts v
oisins de la V endé e , et jusque sur la côte br etonne , p ar delà l’ estuair e de la
Loir e . C’ est un br e v et p our une chaloup e de sortir