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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 33 |
EAN13 | 9782824710310 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
MÉMOI RES DE DEUX
JEU N ES MARI ÉES
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
MÉMOI RES DE DEUX
JEU N ES MARI ÉES
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1031-0
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.MÉMOI RES DE DEUX JEU N ES
MARI ÉES
GEORGES SAN D .
Ce ci, cher Ge or g es, ne saurait rien ajouter à l’é clat de v otr eA nom, qui jeera son magique r eflet sur ce liv r e ; mais il n’y a
là de ma p art ni calcul, ni mo destie . Je désir e aester ainsi l’amitié v raie
qui s’ est continué e entr e nous à trav er s nos v o yag es et nos absences,
malgré nos travaux et les mé chancetés du monde . Ce sentiment ne s’altér era
sans doute jamais. Le cortèg e de noms amis qui accomp agnera mes
comp ositions mêle un plaisir aux p eines que me cause leur nombr e , car elles
ne v ont p oint sans douleur s, à ne p arler que des r epr o ches encour us p ar
ma menaçante fé condité , comme si le monde qui p ose de vant moi n’était
p as plus fé cond encor e ? Ne sera-ce p as b e au, Ge or g es, si quelque jour
l’antiquair e des liératur es détr uites ne r etr ouv e dans ce cortèg e que de
grands noms, de nobles cœur s, de saintes et pur es amitiés, et les gloir es
de ce siè cle ? Ne puis-je me montr er plus fier de ce b onheur certain que
de succès toujour s contestables ? Pour qui v ous connaît bien, n’ est-ce p as
un b onheur que de p ouv oir se dir e , comme je le fais ici,
V otr e ami,
1Mémoir es de deux jeunes marié e s Chapitr e
DE BALZA C.
Paris, juin 1840.
n
2CHAP I T RE I
A MADEMOISELLE REN ÉE DE
MA UCOMBE.
, . Ma chèr e biche , je suis dehor s aussi, moi ! Et
si tu ne m’as p as é crit à Blois, je suis aussi la pr emièr e à notr eP joli r endez-v ous de la cor r esp ondance . Relè v e tes b e aux y eux
noir s aachés sur ma pr emièr e phrase , et g arde ton e x clamation p our la
ler e où je te confierai mon pr emier amour . On p arle toujour s du pr
emier amour , il y en a donc un se cond ? T ais-toi ! me diras-tu ; dis-moi
plutôt, me demanderas-tu, comment tu es sortie de ce couv ent où tu
devais fair e ta pr ofession ? Ma chèr e , quoi qu’il ar riv e aux Car mélites, le
miracle de ma déliv rance est la chose la plus natur elle . Les cris d’une
conscience ép ouvanté e ont fini p ar l’ emp orter sur les ordr es d’une p
olitique infle xible , v oilà tout. Ma tante , qui ne v oulait p as me v oir mourir
de consomption, a vaincu ma mèr e , qui pr escrivait toujour s le no viciat
comme seul r emède à ma maladie . La noir e mélancolie où je suis tombé e
3Mémoir es de deux jeunes marié e s Chapitr e I
après ton dép art a pré cipité cet heur eux dénouement. Et je suis dans Paris,
mon ang e , et je te dois ainsi le b onheur d’y êtr e . Ma René e , si tu m’avais
pu v oir , le jour où je me suis tr ouvé e sans toi, tu aurais été fièr e d’av oir
inspiré des sentiments si pr ofonds à un cœur si jeune . Nous av ons tant
rê vé de comp agnie , tant de fois déplo yé nos ailes et tant vé cu en commun,
que je cr ois nos âmes soudé es l’une à l’autr e , comme étaient ces deux filles
hongr oises dont la mort nous a été raconté e p ar monsieur Be auvisag e , qui
n’était certes p as l’homme de son nom : jamais mé de cin de couv ent ne fut
mieux choisi. N’as-tu p as été malade en même temps que ta mignonne ?
D ans le mor ne abaement où j’étais, je ne p ouvais que r e connaîtr e un à
un les liens qui nous unissent ; je les ai cr us r ompus p ar l’éloignement, j’ai
été prise de dég oût p our l’ e xistence comme une tourter elle dép ar eillé e ,
j’ai tr ouvé de la douceur à mourir , et je mourais tout douceement. Êtr e
seule aux Car mélites, à Blois, en pr oie à la crainte d’y fair e ma pr ofession
sans la préface de mademoiselle de La V allièr e et sans ma René e ! mais
c’était une maladie , une maladie mortelle . Cee vie monotone où chaque
heur e amène un de v oir , une prièr e , un travail si e x actement les mêmes,
qu’ en tous lieux on p eut dir e ce que fait une car mélite à telle ou telle
heur e du jour ou de la nuit ; cee hor rible e xistence où il est indiffér ent
que les choses qui nous entour ent soient ou ne soient p as, était de v enue
p our nous la plus varié e : l’ essor de notr e esprit ne connaissait p oint de
b or nes, la fantaisie nous avait donné la clef de ses r o yaumes, nous étions
tour à tour l’une p our l’autr e un char mant hipp ogriffe , la plus alerte
rév eillait la plus endor mie , et nos âmes folâtraient à l’ envi en s’ emp arant de
ce monde qui nous était interdit. Il n’y avait p as jusqu’à la Vie des Saints
qui ne nous aidât à compr endr e les choses les plus caché es ! Le jour où
ta douce comp agnie m’était enle vé e , je de v enais ce qu’ est une car mélite
à nos y eux, une D anaïde mo der ne qui, au lieu de cher cher à r emplir un
tonne au sans fond, tir e t ous les jour s, de je ne sais quel puits, un se au
vide , esp érant l’amener plein. Ma tante ignorait notr e vie intérieur e . Elle
n’ e xpliquait p oint mon dég oût de l’ e xistence , elle qui s’ est fait un monde
céleste dans les deux ar p ents de son couv ent. Pour êtr e embrassé e à nos
âg es, la vie r eligieuse v eut une e x cessiv e simplicité que nous n’av ons p as,
ma chèr e biche , ou l’ardeur du dé v ouement qui r end ma tante une
sublime cré atur e . Ma tante s’ est sacrifié e à un frèr e adoré ; mais qui p eut se
4Mémoir es de deux jeunes marié e s Chapitr e I
sacrifier à des inconnus ou à des idé es ?
D epuis bientôt quinze jour s, j’ai tant de folles p ar oles r entré es, tant
de mé ditations enter ré es au cœur , tant d’ obser vations à communiquer et
de ré cits à fair e qui ne p euv ent êtr e faits qu’à toi, que sans le pis-aller
des confidences é crites substitué es à nos chèr es causeries, j’étoufferais.
Combien la vie du cœur nous est né cessair e ! Je commence mon jour nal
ce matin en imaginant que le tien est commencé , que dans p eu de jour s
je viv rai au fond de ta b elle vallé e de Gemenos dont je ne sais que ce que
tu m’ en as dit, comme tu vas viv r e dans Paris dont tu ne connais que ce
que nous en rê vions.
Or donc, ma b elle enfant, p ar une matiné e qui demeur era mar qué e
d’un signet (sinet) r ose dans le liv r e de ma vie , il est ar rivé de Paris une
demoiselle de comp agnie et P hilipp e , le der nier valet de chambr e de ma
grand’mèr e , env o yés p our m’ emmener . and, après m’av oir fait v enir
dans sa chambr e , ma tante m’a eu dit cee nouv elle , la joie m’a coup é
la p ar ole , je la r eg ardais d’un air hébété ; « Mon enfant, m’a-t-elle dit de
sa v oix guurale , tu me quies sans r egr et, je le v ois ; mais cet adieu
n’ est p as le der nier , nous nous r e v er r ons : Dieu t’a mar qué e au fr ont du
signe des élus, tu as l’ or gueil qui mène ég alement au ciel et à l’ enfer , mais
tu as tr op de noblesse p our descendr e ! Je te connais mieux que tu ne
te connais toi-même : la p assion ne sera p as chez toi ce qu’ elle e