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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 34 |
EAN13 | 9782824710433 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
U N E T ÉN ÉBREUSE
AF F AI RE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
U N E T ÉN ÉBREUSE
AF F AI RE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1043-3
BI BEBO OK
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AF F AI RE
1CHAP I T RE I
LES CHA GRI NS DE LA POLICE
A MONSI EU R DE MARGON E
Son hôte du châte au de Saché r e connaissant,
DE BALZA C.
’ ’ 1803 fut un des plus b e aux de la pr emièr e
p ério de de ce siè cle que nous nommons l’Empir e . En o ctobr e ,L quelques pluies avaient rafraîchi les prés, les arbr es étaient
encor e v erts et feuillés au milieu du mois de no v embr e . A ussi le p euple
commençait-il à établir entr e le ciel et Bonap arte , alor s dé claré consul
à vie , une entente à laquelle cet homme a dû l’un de ses pr estig es ; et,
chose étrang e ! le jour où, en 1812, le soleil lui manqua, ses pr osp érités
cessèr ent. Le quinze no v embr e de cee anné e , v er s quatr e heur es du soir ,
le soleil jetait comme une p oussièr e r oug e sur les cimes centenair es de
quatr e rang é es d’ or mes d’une longue av enue seigneuriale ; il faisait briller
le sable et les touffes d’herb es d’un de ces immenses r onds-p oints qui se
2Une ténébr euse affair e Chapitr e I
tr ouv ent dans les camp agnes où la ter r e fut jadis assez p eu coûteuse p our
êtr e sacrifié e à l’ or nement. L’air était si pur , l’atmosphèr e était si douce ,
qu’une famille pr enait alor s le frais comme en été Un homme vêtu d’une
v este de chasse en coutil v ert, à b outons v erts et d’une culoe de même
étoffe , chaussé de soulier s à semelles minces, et qui avait des guêtr es de
coutil moulant jusqu’au g enou, neo yait une carabine av e c le soin que
meent à cee o ccup ation les chasseur s adr oits, dans leur s moments de
loisir . Cet homme n’avait ni car nier , ni gibier , enfin aucun des agrès qui
annoncent ou le dép art ou le r etour de la chasse , et deux femmes,
assises auprès de lui, le r eg ardaient et p araissaient en pr oie à une ter r eur
mal déguisé e . iconque eût pu contempler cee scène , caché dans un
buisson, aurait sans doute frémi comme frémissaient la vieille b elle-mèr e
et la femme de cet homme . Évidemment un chasseur ne pr end p as de
si minutieuses pré cautions p our tuer le gibier et n’ emploie p as, dans le
dép artement de l’ A ub e , une lourde carabine rayé e .
― T u v eux tuer des che v r euils, Michu ? lui dit sa b elle jeune femme
en tâchant de pr endr e un air riant.
A vant de rép ondr e , Michu e x amina son chien qui, couché au soleil,
les p ates en avant, le muse au sur les p ates, dans la char mante aitude des
chiens de chasse , v enait de le v er la tête et flairait alter nativ ement en avant
de lui dans l’av enue d’un quart de lieue de longueur et v er s un chemin de
trav er se qui déb ouchait à g auche dans le r ond-p oint.
― Non, rép ondit Michu, mais un monstr e que je ne v eux p as
manquer , un loup cer vier . Le chien, un magnifique ép agneul, à r ob e blanche
tacheté e de br un, gr ogna. ― Bon, dit Michu en se p arlant à lui-même , des
espions ! le p ay s en four mille .
Madame Michu le va doulour eusement les y eux au ciel. Belle blonde
aux y eux bleus, faite comme une statue antique , p ensiv e et r e cueillie , elle
p araissait êtr e dé v oré e p ar un chagrin noir et amer . L’asp e ct du mari p
ouvait e xpliquer jusqu’à un certain p oint la ter r eur des deux femmes. Les
lois de la phy sionomie sont e x actes, non-seulement dans leur application
au caractèr e , mais encor e r elativ ement à la fatalité de l’ e xistence . Il y a
des phy sionomies pr ophétiques. S’il était p ossible , et cee statistique
vivante imp orte à la So ciété , d’av oir un dessin e x act de ceux qui p érissent
sur l’é chafaud, la science de Lavater et celle de Gall pr ouv eraient
invin3Une ténébr euse affair e Chapitr e I
ciblement qu’il y avait dans la tête de tous ces g ens, même chez les
inno cents, des signes étrang es. Oui, la Fatalité met sa mar que au visag e de
ceux qui doiv ent mourir d’une mort violente quelconque ! Or , ce sce au,
visible aux y eux de l’ obser vateur , était empr eint sur la figur e e xpr essiv e
de l’homme à la carabine . Petit et gr os, br usque et leste comme un sing e
quoique d’un caractèr e calme , Michu avait une face blanche , inje cté e de
sang, ramassé e comme celle d’un Calmouque et à laquelle des che v eux
r oug es, crépus donnaient une e xpr ession sinistr e . Ses y eux jaunâtr es et
clair s offraient, comme ceux des tigr es, une pr ofondeur intérieur e où le
r eg ard de qui l’ e x aminait allait se p erdr e , sans y r encontr er de mouv
ement ni de chaleur . Fix es, lumineux et rigides, ces y eux finissaient p ar
ép ouvanter . L’ opp osition constante de l’immobilité des y eux av e c la
vivacité du cor ps ajoutait encor e à l’impr ession glaciale que Michu causait
au pr emier ab ord. Pr ompte chez cet homme , l’action de vait desser vir une
p ensé e unique ; de même que , chez les animaux, la vie est sans réfle xion
au ser vice de l’instinct. D epuis 1793, il avait aménag é sa barb e r ousse en
é v entail. and même il n’aurait p as été , p endant la T err eur , président
d’un club de Jacobins, cee p articularité de sa figur e l’ eût, à elle seule ,
r endu ter rible à v oir . Cee figur e so cratique à nez camus était so cratique
p ar un très-b e au fr ont, mais si b ombé qu’il p araissait êtr e en sur plomb sur
le visag e . Les or eilles bien détaché es p ossé daient une sorte de mobilité
comme celles des bêtes sauvag es, toujour s sur le qui-viv e . La b ouche ,
entr’ ouv erte p ar une habitude assez ordinair e chez les camp agnards, laissait
v oir des dents fortes et blanches comme des amandes, mais mal rang é es.
D es fav oris ép ais et luisants encadraient cee face blanche et violacé e
p ar places. Les che v eux coup és ras sur le de vant, longs sur les joues et
der rièr e la tête , faisaient, p ar leur r oug eur fauv e , p arfaitement r essortir
tout ce que cee phy sionomie avait d’étrang e et de fatal. Le cou, court
et gr os, tentait le coup er et de la Loi. En ce moment, le soleil, pr enant
ce gr oup e en é char p e , illuminait en plein ces tr ois têtes que le chien r
eg ardait p ar moments. Cee scène se p assait d’ailleur s sur un magnifique
théâtr e . Ce r ond-p oint est à l’ e xtrémité du p ar c de Gondr e ville , une des
plus riches ter r es de France , et, sans contr e dit, la plus b elle du dép
artement de l’ A ub e : magnifiques av enues d’ or mes, châte au constr uit sur les
dessins de Mansard, p ar c de quinze cents ar p ents enclos de mur s, neuf
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grandes fer mes, une forêt, des moulins et des prairies. Cee ter r e quasi
r o yale app artenait avant la Ré v olution à la famille de Simeuse . Ximeuse
est un fief situé en Lor raine . Le nom se pr ononçait Simeuse , et l’ on avait
fini p ar l’é crir e comme il se pr ononçait.
La grande fortune des Simeuse , g entilshommes aachés à la maison
de Bour g ogne , r emonte au temps où les Guise menacèr ent les V alois.
Richelieu d’ab ord, puis Louis X I V se souvinr ent du dé v oûment des