Daniel Keyes - Des fleurs pour Algernon, édition augmentée
Une note de lecture par Jean-François Ponge
"SĐieŶĐe saŶs ĐoŶsĐieŶĐe Ŷ’est Ƌue ƌuiŶe de l’âŵe", Đe vieil adage hérité de François Rabelais, a iŶspiƌé Ŷoŵďƌe d’éĐƌivaiŶs, ŶotaŵŵeŶt Đe pƌéĐuƌseuƌde la science-fiĐtioŶ Ƌu’a été MaƌLJ ShelleLJ avec son "Frankenstein ou le Prométhée moderne". OŶ a souveŶt tadžé les sĐieŶtifiƋues d’appƌeŶtis soƌĐieƌs, loƌsƋu’uŶe déĐouveƌte, ƌiĐhe d’appliĐatioŶs, est laŶĐée saŶs pƌeŶdƌe eŶ Đoŵpte les ƌisƋues Ƌu’elle peut faireĐouƌiƌ à l’huŵaŶité ou à la Ŷatuƌe. Pƌessés de ĐoŶŶaîtƌe la gloiƌe, ĐeƌtaiŶs savaŶts Ŷ’hésiteŶt pas à s’eŶgageƌ suƌ Đes ĐheŵiŶs de hasaƌd, tout en arguant de leur parfaite bonne foi. Tel est le thème abordé dans ce roman datant des années 1960 et largement popularisé par le petit et le grand écran, puis à Broadway. Dans une université américaine la chirurgie du cerveau a permis de mettre au point un traitement visant à développer les facultés intellectuelles. Une souris, surŶoŵŵée AlgeƌŶoŶ, a d’aďoƌd été tƌaitée, deveŶaŶt Đapable de se diriger sans erreur dans un laďLJƌiŶthe eŶ tƌois diŵeŶsioŶs, d’uŶe Đoŵpledžité saŶs Đesse ĐƌoissaŶte.C’est au tour de Charlie Gordon, un handicapé mental (on disait un "attardé") de trente-six ans, de se faire opérer. Il a été sélectionné car il avait depuis toujours eu l’envie de "devenir intelligent". Les progrès sont spectaculaires, Charlie devenant en quelques semaines un "génie" scientifique mondialement connu, mais seront vite suivis d’une chute tout aussi spectaculaire, à la manière d’un "mauvais trip". L’intérêt du livre, au-delà des sentiments que l’on éprouve pour le héros involontaire de cette navrante épopée pseudo-scientifique, tient à l’analyse des rapports humains qui s’instaurent entre "normaux" et "handicapés" et au mince fil auquel tient le fait d’être accepté ou rejeté par la société. Un discours profondément humaniste, malgré une fin prévisible, très pessimiste en ce qui concerne les bienfaits de la science. L’édition augmentée est agrémentée d’un texte où l’auteur, quarante ans après, rassemble ses notes et ses souvenirs consacrés à la genèse de l’œuvre et à son destin artistique. Un parcours du combattant, avec un succès tardif mais durable, et des détails intéressants sur la façon dont l’artiste incorpore des éléments de sa propre vie à une fiction. En finale, la nouvelle originale d’où a été tiré le roman, qui fait bien pâle figure à côté de celui-ci.