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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 24 |
EAN13 | 9782824709727 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
ÈV E ET D A V I D
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
ÈV E ET D A V I D
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0972-7
BI BEBO OK
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.ÈV E ET D A V I D
, L fit viser son p asse-p ort, acheta une canne
de houx, prit, à la place de la r ue d’Enfer , un coucou qui, mo y en-L nant dix sous, le mit à Lonjume au. Pour pr emièr e étap e , il
coucha dans l’é curie d’une fer me à deux lieues d’ Ar p ajon. and il eut aeint
Orlé ans, il se tr ouva déjà bien las et bien fatigué ; mais, p our tr ois francs,
un batelier le descendit à T our s, et p endant le trajet il ne dép ensa que deux
francs p our sa nour ritur e . D e T our s à Poitier s, Lucien mar cha p endant
cinq jour s. Bien au delà de Poitier s, il ne p ossé dait plus que cent sous, mais
il rassembla p our continuer sa r oute un r este de for ce . Un jour , Lucien fut
sur pris p ar la nuit dans une plaine où il résolut de biv ouaquer , quand,
au fond d’un ravin, il ap er çut une calè che montant une côte . A l’insu du
p ostillon, des v o yag eur s et d’un valet de chambr e placé sur le siég e , il put
se bloir der rièr e entr e deux p aquets, et s’ endor mit en se plaçant de
manièr e à p ouv oir résister aux cahots. A u matin, ré v eillé p ar le soleil qui lui
frapp ait les y eux et p ar un br uit de v oix, il r e connut Mansle , cee p etite
ville où, dix-huit mois aup aravant, il était allé aendr e madame de
Barg eton, le cœur plein d’amour , d’ esp érance et de joie . Se v o yant couv ert
de p oussièr e , au milieu d’un cer cle de curieux et de p ostillons, il comprit
qu’il de vait êtr e l’ objet d’une accusation ; il sauta sur ses pie ds, et allait
1Èv e et D avid Chapitr e
p arler , quand deux v o yag eur s sortis de la calè che lui coupèr ent la p ar ole :
il vit le nouv e au préfet de la Char ente , le comte Sixte du Châtelet et sa
femme , Louise de Nègr ep elisse .
― Si nous avions su quel comp agnon le hasard nous avait donné ! dit
la comtesse . Montez av e c nous, monsieur .
Lucien salua fr oidement ce couple en lui jetant un r eg ard à la fois
humble et menaçant, il se p erdit dans un chemin de trav erse en avant
de Mansle , afin de g agner une fer me où il pût déjeuner av e c du p ain et
du lait, se r ep oser et délibér er en silence sur son av enir . Il avait encor e
tr ois francs. L’auteur des Mar guerites, p oussé p ar la fiè v r e , cour ut p
endant long-temps ; il descendit le cour s de la rivièr e en e x aminant la disp
osition des lieux qui de v enaient de plus en plus pior esques. V er s le milieu
du jour , il aeignit à un endr oit où la napp e d’ e au, envir onné e de saules,
for mait une espè ce de lac. Il s’ar rêta p our contempler ce frais et touffu
b o cag e dont la grâce champêtr e agit sur son âme . Une maison aenant à
un moulin assis sur un bras de la rivièr e , montrait entr e les têtes d’arbr es
son toit de chaume or né de joubarb e . Cee naïv e façade avait p our seuls
or nements quelques buissons de jasmin, de chè vr efeuille et de houblon,
et tout alentour brillaient les fleur s du flo x et des plus splendides plantes
grasses. Sur l’ empier r ement r etenu p ar un pilotis gr ossier , qui maintenait
la chaussé e au-dessus des plus grandes cr ues, il ap er çut des filets étendus
au soleil. D es canards nag e aient dans le bassin clair qui se tr ouvait au delà
du moulin, entr e les deux courants d’ e au mugissant dans les vannes. Le
moulin faisait entendr e son br uit ag açant. Sur un banc r ustique , le p oète
ap er çut une b onne gr osse ménagèr e tricotant et sur v eillant un enfant qui
tour mentait des p oules.
― Ma b onne femme , dit Lucien en s’avançant, je suis bien fatigué , j’ai
la fiè v r e , et n’ai que tr ois francs ; v oulez-v ous me nour rir de p ain bis et de
lait, me coucher sur la p aille p endant une semaine ? j’aurai eu le temps
d’é crir e à mes p ar ents qui m’ env err ont de l’ar g ent ou qui viendr ont me
cher cher ici.
― V olontier s, dit-elle , si toutefois mon mari le v eut. Hé ! p etit homme ?
Le meunier sortit, r eg arda Lucien et s’ôta sa pip e de la b ouche p our
dir e : ― T r ois francs, une semaine ? autant ne v ous rien pr endr e .
― Peut-êtr e finirai-je g ar çon meunier , se dit le p oète en contemplant
2Èv e et D avid Chapitr e
ce délicieux p ay sag e avant de se coucher dans le lit que lui fit la meunièr e ,
et où il dor mit de manièr e à effray er ses hôtes.
― Courtois, va donc v oir si ce jeune homme est mort ou vivant, v oici
quator ze heur es qu’il est couché , je n’ ose p as y aller , dit la meunièr e le
lendemain v er s midi.
― Je cr ois, rép ondit le meunier à sa femme en ache vant d’étaler ses
filets et ses engins à pr endr e le p oisson, que ce joli g ar çon-là p our rait bien
êtr e quelque gring alet de comé dien, sans sou ni maille .
― A quoi v ois-tu donc cela, p etit homme ? dit la meunièr e .
― D ame ! ce n’ est ni un prince , ni un ministr e , ni un député ni
un é vê que ; d’ où vient que ses mains sont blanches comme celles d’un
homme qui ne fait rien ?
― Il est alor s bien étonnant que la faim ne l’é v eille p as, dit la meunièr e
qui v enait d’apprêter un déjeuner p our l’hôte que le hasard leur avait
env o yé la v eille . Un comé dien ? r eprit-elle . Où irait-il ? Ce n’ est p as encor e
le moment de la foir e à Ang oulême .
Ni le meunier ni la meunièr e ne p ouvaient se douter qu’à p art le
comé dien, le prince et l’é vê que , il est un homme à la fois prince et comé dien,
un homme r e vêtu d’un magnifique sacerdo ce , le Poète qui semble ne rien
fair e et qui né anmoins règne sur l’Humanité quand il a su la p eindr e .
― i serait-ce donc ? dit Courtois à sa femme .
― Y aurait-il du dang er à le r e ce v oir ? demanda la meunièr e .
― Bah ! les v oleur s sont plus dég ourdis que ça, nous serions déjà
dévalisés, r eprit le meunier .
― Je ne suis ni prince , ni v oleur , ni é vê que , ni comé dien, dit tristement
Lucien qui se montra soudain et qui sans doute avait entendu p ar la cr
oisé e le collo que de la femme et du mari. Je suis un p auv r e jeune homme
fatigué , v enu à pie d de Paris ici. Je me nomme Lucien de Rub empré , et
suis le fils de monsieur Chardon, le pré dé cesseur de Postel, le phar
macien de l’Houme au. Ma sœur a ép ousé D avid Sé chard, l’imprimeur de la
place du Mûrier à Ang oulême .
― Aendez donc ! dit le meunier . C’t imprimeur-là n’ est-il p as le fils
du vieux malin qui fait valoir son domaine de Mar sac ?
― Pré cisément, rép ondit Lucien.
3Èv e et D avid Chapitr e
― Un drôle de pèr e , allez ! r eprit Courtois. Il fait, dit-on, tout v endr e
chez son fils, et il a p our plus de deux cent mille francs de bien, sans
compter son esquipol !
Lor sque l’âme et le cor ps ont été brisés dans une longue et
doulour euse lue , l’heur e où les for ces sont dép assé es est suivie ou de la mort ou
d’un ané antissement p ar eil à la mort, mais où les natur es cap ables de
résister r epr ennent alor s des for ces. Lucien, en pr oie à une crise de ce g enr e ,
p ar ut prés de succomb er au moment où il apprit, quoique vaguement, la
nouv elle d’une catastr ophe ar rivé e à D avid Sé chard, son b e au-frèr e .
― Oh ! ma sœur ! s’é cria-t-il, qu’ai-je fait, mon Dieu ! Je suis un
infâme !
Puis il se laissa tomb er sur un banc de b ois, dans la pâleur et
l’affaissement d’un mourant. La meunièr e s’ empr essa de lui app orter une jae
de lait qu’ elle le for ça de b oir e ; mais il pria le meunier de l’aider à se
mer e sur son lit, en lui demandant p ardon de lui donner l’ embar ras de
sa mort, car il cr ut sa der nièr e heur e ar rivé e . En ap er ce vant le fantôme
de la mort, ce gracieux p oète fut pris d’idé es r eligieuses : il v oulut v oir le
curé