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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 16 |
EAN13 | 9782824709802 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
HONORI N E
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
HONORI N E
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0980-2
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.HONORI N E
A MONSI EU R A CH I LLE DEV ERIA,
Comme un affe ctueux souv enir de l’auteur .
DE BALZA C.
F ont autant de répugnance que les Anglais ont de
pr op ension p our les v o yag es, p eut-êtr e les Français et les An-S glais ont-ils raison de p art et d’autr e . On tr ouv e p artout quelque
chose de meilleur que l’ Angleter r e , tandis qu’il est e x cessiv ement difficile
de r etr ouv er loin de la France les char mes de la France . Les autr es p ay s
offr ent d’admirables p ay sag es, ils présentent souv ent un comfort sup
érieur à celui de la France , qui fait les plus lents pr ogrès en ce g enr e . Ils
déploient quelquefois une m agnificence , une grandeur , un lux e
étourdissants ; ils ne manquent ni de grâce ni de façons nobles, mais la vie de tête ,
l’activité d’idé es, le talent de conv er sation et cet aicisme si familier s à
Paris ; mais cee soudaine entente de ce qu’ on p ense et de ce qu’ on ne
dit p as, ce g énie du sous-entendu, la moitié de la langue française , ne se
r encontr ent nulle p art. A ussi le Français, dont la raillerie est déjà si p eu
comprise , se dessè che-t-il bientôt à l’étrang er , comme un arbr e déplanté .
L’émigration est un contr e-sens chez la nation française . Be aucoup de
1Honorine Chapitr e
Français, de ceux dont il est ici question, av ouent av oir r e v u les
douanier s du p ay s natal av e c plaisir , ce qui p eut sembler l’hy p erb ole la plus
osé e du p atriotisme .
Ce p etit pré ambule a p our but de rapp eler à ceux des Français qui
ont v o yag é le plaisir e x cessif qu’ils ont épr ouvé quand, p arfois, ils ont r
etr ouvé toute la p atrie , une o asis dans le salon de quelque diplomate ;
plaisir que compr endr ont difficilement ceux qui n’ ont jamais quié l’asphalte
du b oule vard des Italiens, et p our qui la ligne des quais, riv e g auche , n’ est
déjà plus Paris. Retr ouv er Paris ! sav ez-v ous ce que c’ est, ô Parisiens ?
C’ est r etr ouv er , non p as la cuisine du Ro cher de Cancale , comme Bor el
la soigne p our les g our mets qui sav ent l’appré cier , car elle ne se fait que
r ue Montor gueil, mais un ser vice qui la rapp elle ! C’ est r etr ouv er les vins
de France qui sont à l’état mythologique hor s de France , et rar es comme
la femme dont il sera question ici ! C’ est r etr ouv er non p as la
plaisanterie à la mo de , car de Paris à la fr ontièr e elle s’é v ente ; mais ce milieu
spirituel, compréhensif, critique , où viv ent les Français, depuis le p oète
jusqu’à l’ ouv rier , depuis la duchesse jusqu’au g amin.
En 1836, p endant le séjour de la cour de Sardaigne à Gênes, deux
Parisiens, plus ou moins célèbr es, pur ent encor e se cr oir e à Paris, en se tr
ouvant dans un p alais loué p ar le Consul-Général de France , sur la colline ,
der nier pli que fait l’ Ap ennin entr e la p orte Saint-omas et cee fameuse
lanter ne qui, dans les kepseakes , or ne toutes les v ues de Gênes. Ce p alais
est une de ces fameuses villas où les nobles Génois ont dép ensé des
millions au temps de la puissance de cee république aristo cratique . Si la
demi-nuit est b elle quelque p art, c’ est assurément à Gênes, quand il a plu
comme il y pleut, à tor r ents, p endant toute la matiné e ; quand la pur eté
de la mer lue av e c la pur eté du ciel ; quand le silence règne sur le quai et
dans les b osquets de cee villa, dans ses marbr es à b ouches bé antes d’ où
l’ e au coule av e c my stèr e ; quand les étoiles brillent, quand les flots de la
Mé diter rané e se suiv ent comme les av eux d’une femme à qui v ous les
ar rachez p ar ole à p ar ole . A v ouons-le ? cet instant où l’air embaumé p
arfume les p oumons et les rê v eries, où la v olupté , visible et mobile comme
l’atmosphèr e , v ous saisit sur v os fauteuils, alor s qu’une cuiller à la main
v ous effilez des glaces ou des sorb ets, une ville à v os pie ds, de b elles
femmes de vant v ous ; ces heur es à la Bo ccace ne se tr ouv ent qu’ en Italie
2Honorine Chapitr e
et aux b ords de la Mé diter rané e . Supp osez autour de la table le mar quis di
Nègr o , ce frèr e hospitalier de tous les talents qui v o yag ent, et le mar quis
D amaso Par eto , deux Français déguisés en Génois, un Consul-Général
entouré d’une femme b elle comme une madone et de deux enfants
silencieux, p ar ce que le sommeil les a saisis, l’ambassadeur de France et sa
femme , un pr emier se crétair e d’ambassade qui se cr oit éteint et malicieux,
enfin deux Parisiens qui viennent pr endr e cong é de la consulesse dans un
dîner splendide , v ous aur ez le table au que présentait la ter rasse de la villa
v er s la mi-mai, table au dominé p ar un p er sonnag e , p ar une femme
célèbr e sur laquelle les r eg ards se concentr ent p ar moments, et l’hér oïne de
cee fête impr o visé e . L’un des deux Français était le fameux p ay sagiste
Lé on de Lora, l’autr e un célèbr e critique , Claude Vignon. T ous deux, ils
accomp agnaient cee femme , une des illustrations actuelles du b e au se x e ,
mademoiselle des T ouches, connue sous le nom de Camille Maupin dans
le monde liérair e . Mademoiselle des T ouches était allé e à F lor ence p our
affair e . Par une de ces char mantes complaisances qu’ elle pr o digue , elle
avait emmené Lé on de Lora p our lui montr er l’Italie , et avait p oussé
jusqu’à Rome p our lui montr er la camp agne de Rome . V enue p ar le Simplon,
elle r e v enait p ar le chemin de la Cor niche à Mar seille . T oujour s à cause du
p ay sagiste , elle s’était ar rêté e à Gênes. Natur ellement le Consul-Général
avait v oulu fair e , avant l’ar rivé e de la cour , les honneur s de Gênes à une
p er sonne que sa fortune , son nom et sa p osition r e commandent autant
que son talent. Camille Maupin, qui connaissait Gênes jusque dans ses
der nièr es chap elles, laissa son p ay sagiste aux soins du diplomate , à ceux
des deux mar quis g énois, et fut avar e de ses instants. oique
l’ambassadeur fût un é crivain très-distingué , la femme célèbr e r efusa de se prêter à
ses gracieusetés, en craignant ce que les Anglais app ellent une exhibition ,
mais elle r entra les griffes de ses r efus dès qu’il fut question d’une jour né e
d’adieu à la villa du consul. Lé on de Lora dit à Camille que sa présence
à la villa était la seule manièr e qu’il eût de r emer cier l’ambassadeur et sa
femme , les deux mar quis g énois, le consul et la consulesse . Mademoiselle
des T ouches fit alor s le sacrifice d’une de ces jour né es de l ib erté complète
qui ne se r encontr ent p as toujour s à Paris p our ceux sur qui l e m onde a
les y eux.
Maintenant, une fois la réunion e xpliqué e , il est facile de conce v oir
3Honorine Chapitr e
que l’étiquee en avait été bannie , ainsi que b e aucoup de femmes et des
plus éle vé es, curieuses de sav oir si la virilité du talent de Camille Maupin
nuisait aux grâces de la jolie femme , et si, en un mot, le haut-de-chausses
dép assait la jup e . D epuis le dîner jusqu’à neuf heur es, moment où la
collation fut ser