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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 29 |
EAN13 | 9782824710075 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LE CU RÉ DE T OU RS
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LE CU RÉ DE T OU RS
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1007-5
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.LE CU RÉ DE T OU RS
A D A V I D , ST A T U AI RE.
La duré e de l’ œuv r e sur laquelle j’inscris v otr e nom, deux fois
illustr e dans ce siè cle est très-pr oblématique ; tandis que v ous
grav ez le mien sur le br onze qui sur vit aux nations, ne fût-il
frapp é que p ar le v ulg air e marte au du monnay eur . Les
numismates ne ser ont-ils p as embar rassés de tant de têtes
cour onné es dans v otr e atelier , quand ils r etr ouv er ont p ar mi
les cendr es de Paris ces e xistences p ar v ous p er p étué es au
delà de la vie des p euples et dans lesquelles ils v oudr ont v oir
des dy nasties ? A v ous donc ce divin privilég e , à moi la
r e connaissance .
DE BALZA C.
l’automne de l’anné e 1826, l’abbé Bir
otte au, princip al p er sonnag e de cee histoir e , fut sur pris p ar uneA av er se en r e v enant de la maison où il était allé p asser la soiré e .
Il trav er sait donc aussi pr omptement que son emb onp oint p ouvait le lui
p er mer e , la p etite place déserte nommé e le Cloître , qui se tr ouv e der rièr e
le che v et de Saint-Gatien, à T our s.
L’abbé Bir oe au, p etit homme court, de constitution ap ople ctique ,
1Le curé de T our s Chapitr e
âg é d’ envir on soix ante ans, avait déjà subi plusieur s aaques de g oue .
Or , entr e toutes les p etites misèr es de la vie humaine , celle p our laquelle
le b on prêtr e épr ouvait le plus d’av er sion, était le subit ar r osement de
ses soulier s à lar g es agrafes d’ar g ent et l’immer sion de leur s semelles.
En effet, malgré les chaussons de flanelle dans lesquels il s’ emp
aquetait en tout temps les pie ds av e c le soin que les e cclésiastiques pr ennent
d’ eux-mêmes, il y g agnait toujour s un p eu d’humidité ; puis, le lendemain,
la g oue lui donnait infailliblement quelques pr euv es de sa constance .
Né anmoins, comme le p avé du Cloîtr e est toujour s se c, que l’abbé Bir
otte au avait g agné tr ois liv r es dix sous au wisth chez madame de Listomèr e ,
il endura la pluie av e c résignation depuis le milieu de la place de l’ Ar
chevê ché , où elle avait commencé à tomb er en ab ondance . En ce moment,
il car essait d’ailleur s sa chimèr e , un désir déjà vieux de douze ans, un
désir de prêtr e ! un désir qui, for mé tous les soir s, p araissait alor s près
de s’accomplir ; enfin, il s’ env elopp ait tr op bien dans l’aumusse d’un
canonicat vacant p our sentir les intemp éries de l’air : p endant la soiré e ,
les p er sonnes habituellement réunies chez madame de Listomèr e avaient
pr esque g aranti sa nomination à la place de chanoine , alor s vacante au
Chapitr e métr op olitain de Saint-Gatien, en lui pr ouvant que p er sonne ne
la méritait mieux que lui, dont les dr oits long-temps mé connus étaient
incontestables. S’il eût p erdu au jeu, s’il eût appris que l’abbé Poir el, son
concur r ent, p assait chanoine , le b onhomme eût alor s tr ouvé la pluie bien
fr oide . Peut-êtr e eût-il mé dit de l’ e xistence . Mais il se tr ouvait dans une de
ces rar es cir constances de la vie où d’heur euses sensations font tout
oublier . En hâtant le p as, il obéissait à un mouv ement machinal, et la vérité ,
si essentielle dans une histoir e des mœur s, oblig e à dir e qu’il ne p ensait
ni à l’av er se , ni à la g oue .
Jadis, il e xistait dans le Cloîtr e , du côté de la Grand’r ue , plusieur s
maisons réunies p ar une clôtur e , app artenant à la Cathé drale et où log e aient
quelques dignitair es du Chapitr e . D epuis l’aliénation des biens du cler g é ,
la ville a fait du p assag e qui sép ar e ces maisons une r ue , nommé e r ue de
la Psalee , et p ar laquelle on va du Cloîtr e à la Grand’r ue . Ce nom indique
suffisamment que là demeurait autr efois le grand Chantr e , ses é coles et
ceux qui vivaient sous sa dép endance . Le côté g auche de cee r ue est
r empli p ar une seule maison dont les mur s sont trav er sés p ar les ar
cs2Le curé de T our s Chapitr e
b outants de Saint-Gatien qui sont implantés dans son p etit jardin étr oit,
de manièr e à laisser en doute si la Cathé drale fut bâtie avant ou après cet
antique logis. Mais en e x aminant les arab esques et la for me des fenêtr es,
le cintr e de la p orte , et l’ e xtérieur de cee maison br unie p ar le temps, un
ar ché ologue v oit qu’ elle a toujour s fait p artie du monument magnifique
av e c le quel elle est marié e . Un antiquair e , s’il y en avait à T our s, une des
villes les moins liérair es de France , p our rait même r e connaîtr e , à l’ entré e
du p assag e dans le Cloîtr e , quelques v estig es de l’ar cade qui for mait jadis
le p ortail de ces habitations e cclésiastiques et qui de vait s’har monier au
caractèr e g énéral de l’é difice . Situé e au nord de Saint-Gatien, cee maison
se tr ouv e continuellement dans les ombr es pr ojeté es p ar cee grande
cathé drale sur laquelle le temps a jeté son mante au noir , imprimé ses rides,
semé son fr oid humide , ses mousses et ses hautes herb es. A ussi cee
habitation est-elle toujour s env elopp é e dans un pr ofond silence inter r ompu
seulement p ar le br uit des clo ches, p ar le chant des offices qui franchit les
mur s de l’église , ou p ar les cris des choucas nichés dans le sommet des
clo cher s. Cet endr oit est un désert de pier r es, une solitude pleine de
physionomie , et qui ne p eut êtr e habité e que p ar des êtr es ar rivés à une nullité
complète ou doués d’une for ce d’âme pr o digieuse . La maison dont il
s’agit avait toujour s été o ccup é e p ar des abbés, et app artenait à une vieille
fille nommé e mademoiselle Gamard. oique ce bien eût été acquis de la
nation, p endant la T er r eur , p ar le pèr e de mademoiselle Gamard ; comme
depuis vingt ans cee vieille fille y log e ait des prêtr es, p er sonne ne
s’avisait de tr ouv er mauvais, sous la Restauration, qu’une dé v ote conser vât un
bien national : p eut-êtr e les g ens r eligieux lui supp osaient-ils l’intention
de le léguer au Chapitr e , et les g ens du monde n’ en v o yaient-ils p as la
destination chang é e .
L’abbé Bir oe au se dirig e ait donc v er s cee maison, où il demeurait
depuis deux ans. Son app artement avait été , comme l’était alor s le
canonicat, l’ objet de son envie et son hoc erat in votis p endant une douzaine
d’anné es. Êtr e le p ensionnair e de mademoiselle Gamard et de v enir
chanoine , fur ent les deux grandes affair es de sa vie ; et p eut-êtr e
résumentelles e x actement l’ambition d’un prêtr e , qui, se considérant comme en
v o yag e v er s l’éter nité , ne p eut souhaiter en ce monde qu’un b on gîte , une
b onne table , des vêtements pr opr es, des soulier s à agrafes d’ar g ent, choses
3Le curé de T our s Chapitr e
suffisantes p our les b esoins de la bête , et un canonicat p our satisfair e
l’amour-pr opr e , ce sentiment indicible qui nous suiv ra, dit-on,
jusqu’auprès de Dieu, puisqu’il y a des grades p ar mi les saints. Mais la conv oitise
de l’app artement alor s