Entité à la fois réalisée et en devenir, l’Europe n’est pas issue d’un processus unique et linéaire, mais la résultante d’évolutions simultanées dont les enjeux, changeants, ne sont pas concordants a priori. Selon que l’on évoque l’efficacité économique ou le progrès social, la politique internationale ou la défense, la participation démocratique, l’union sociale ou l’expression des identités, le parcours complexe de la construction européenne s’éclaire différemment. La mise en commun de ces points de vue divers, voire divergeants, est une façon efficace pour l’observateur de se rapprocher de la réalité. Et dans sa complexité même, l’Union européenne est une réalité économique, sociale, politique et culturelle du premier intérêt, non seulement en soi, mais parce qu’elle condense une série de phénomènes, de choix et de défis qui s’imposent également à l’ensemble des pays développés. Solidement référencé, le présent ouvrage est un point d’étape multidisciplinaire sur la construction européenne. Il rassemble les contributions de chercheurs canadiens et européens qui soulignent à leur manière le 50e anniversaire du Traité de Rome. Le lecteur, spécialiste ou non, trouvera ici un outil unique pour cerner les nouveaux contours d’un continent en mutation.
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Extrait
l’europe qui se fait
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Sous la direction de Gérard Boismenu et Isabelle Petit
l’europe qui se fait
Regards croisés sur un parcours inachevé
ÉDITIONS DE LA MAISON DES SCIENCES DE L’HOMME
Catalogage avant publication de Bibliotèque et Arcives nationales du Québec et Bibliotèque et Arcives Canada
Vedette principale au titre : L’Europe qui se fait : regards croisés sur un parcours inacevé Publ. en collab. avec les Éditions de la Maison des sciences de l’omme. Comprend des réf. bibliogr. ---- () ---- (. ) e ---- . Europe - Politique et gouvernement - - . . Construction européenne. . Europe - Politique sociale e e - siècle. . Europe - Politique économique - siècle. . Mondialisation - Europe. . Boismenu, Gérard.. Petit, Isabelle, - . . .’ --
Les Presses de l’Université de Montréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour leurs activités d’édition. Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Remerciements
C a eu pour origine une réunion de spécialistes en études euro-péennes organisée par l’Institut d’études européennes (Université de Montréal-Université McGill), en collaboration avec le Centre d’études et de recerces internationales de l’Université de Montréal (Cérium) et l’Institut québécois des autes études internationales (IHÉI). Cette activité s’est inscrite dans la programmation du Centre d’excellence sur l’Union européenne qui réunit, outre l’Institut d’études européennes, la Caire Jean-Monnet en Droit de l’intégration économique internationale (McGill) et la Caire Jean-Monnet en intégration européenne (UdeM). La publication de l’ouvrage a été rendue possible grâce au soutien finan-cier de la Commission européenne, du Centre d’études et de recerces internationales de l’Université de Montréal (Cérium), des universités de Montréal et McGill, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada ainsi que du Consulat général de France à Québec. Que tous ces organismes trouvent ici le témoignage de notre gratitude.
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introduction
50 ans d’un parcours inachevé
Isabelle Petit et Gérard Boismenu
L’ ’ basée sur le consentement mutuel n’est guère nouvelle ; certains la font remonter à la fin du Moyen Âge, soit à l’époque où l’État souverain commence à s’imposer comme le type d’orga-nisation politique par excellence, celle qui répond le mieux aux besoins fondamentaux de l’Homme. Autant le concept est ancien, autant faudra-t-il e attendre le milieu du siècle pour que s’amorce sa concrétisation. Marqués par les orreurs de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, préoccupés par la montée du communisme à l’est comme à l’ouest du continent ainsi que par le déclin politique et économique de leurs nations respectives, une majorité de leaders s’accordent sur la nécessité de réaliser au plus vite une union des États d’Europe occidentale. Si un consensus existe sur l’obligation d’accomplir une telle unité, en revance, toutes les personnes impliquées ne s’entendent pas sur la manière d’atteindre cet objectif. Certaines, épousant une vision traditionnelle des relations internationales, estiment, comme Carles De Gaulle, qu’une telle réalisation exige la création de struc-tures permanentes mais respectueuses des souverainetés étatiques. D’autres, au contraire, jugent qu’il est indispensable de rompre avec cette conception classique des dynamiques interétatiques et de mettre en place des institutions « supranationales », gardiennes de l’intérêt commun. Pour eux, l’émergence d’une telle solidarité, condition d’une paix durable en Europe, ne peut se faire que s’il y a dépassement progressif – pensons à Jean Monnet –, ou radical – pensons à Altiero Spinelli – des souverainetés nationales. La première vision s’impose assez facilement dans l’après-guerre et donne lieu à la création d’instances telles que le Conseil de l’Europe ou encore l’Organisation européenne de coopération économique (OECE). La seconde
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a plus de difficultés à le faire mais y parvient tout de même. Suite à l’appel lancé par Robert Scuman, alors ministre français des Affaires étrangères, dans saDéclarationdu mai , six États dont l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas signent à Paris, le avril , le Traité instituant une Communauté européenne du carbon et de l’acier (CECA). En posant ce geste, les cefs d’État et de gouvernement mettent non seulement en place un marcé commun du carbon et de l’acier assurant une libre circulation de ces matières autement symboliques, puisqu’elles consti-tuent à cette époque le principal socle de l’industrie de l’armement, mais ils acceptent également de céder une partie de leur souveraineté et de la soumettre à l’intérêt commun. Les Six consentent en effet à placer leur production de carbon et d’acier sous l’office d’une Haute Autorité à laquelle ils confient le mandat de prendre en toute indépendance, dans les domaines qui relèvent de sa compétence, des décisions qui deviennent immédiatement exécutoires dans l’ensemble des territoires des pays membres. Au début des années , l’union de l’Europe est en marce. À compter de la création de la CECA, conçue comme « les premières assises concrètes d’une fédération européenne » (Scuman, ), la construction européenne connaît non seulement des élargissements, soit un accroissement du nombre de ses États membres, mais aussi des approfondissements. Au fil des ans, les institutions supranationales (Parlement, Commission et Cour de justice) vont voir leurs pouvoirs et camps d’interventions augmenter. Cela dit, ce processus d’approfondissement est loin d’être linéaire.
L’intégration européenne : un parcours en dents de scie
Le parcours encore inacevé vers l’unité européenne se caractérise par des périodes de formidables avancées, tout autant que par des pases de doute, de questionnements, voire de remise en question. Ce parcours en dents de scie n’a, à la lumière des propos de Jean Monnet, rien de très surprenant. Celui-ci n’affirmait-il pas que « l’Europe se fera dans les crises […] et [qu’]elle sera la somme des solutions que l’on apportera à ces crises » (Parlement européen et Commission des communautés européennes, p. ) ?
La crise de la CED
Très rapidement, sous l’impulsion de la France, les Six tentent de transposer, au domaine militaire, la tecnique du plan Scuman. En mai , ils signent, à Paris, le Traité instituant une Communauté européenne de défense
introduction
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(CED) où il est entre autres question non seulement decoordonnerles forces armées des États membres mais bien defusionnerles contingents, bref de créer une force armée commune. Les cefs d’État envisagent également à l’époque la création d’une Communauté politique européenne, considérée comme un complément indispensable à l’émergence de cette Europe mili-taire. Or, ni l’une ni l’autre ne voit le jour. Les pays signataires – à l’exception de l’Italie – ratifient sans grandes difficultés le traité CED ; en revance, en France, État pourtant initiateur du projet, ce texte soulève de fortes réticences et est finalement rejeté à l’Assemblée nationale par une majorité composée de gaullistes et de communistes. Cette situation ainsi que les débats suscités par la création de la CED ne sont pas sans rappeler ceux engendrés quelque cinquante ans plus tard par le projet de constitution.
De la relance de Messine (1955) aux traités de Rome (1957)
Ce double écec met à mal les espoirs d’une intégration politique plus poussée, voire, pour certains, le rêve d’unité sur la base du fédéralisme. Il ne sonne pas pour autant le glas du processus intégratif européen. Toujours convaincus de la nécessité de « faire l’Europe » et soucieux de sortir de la crise, les dirigeants décident de poursuivre la construction européenne sur le terrain strictement économique puisque les terrains politique et militaire s’avèrent trop sensibles. À l’initiative de Paul-Henri Spaak, ministre belge des Affaires étrangères, les cefs d’État des six pays fondateurs se réunissent à Messine, en , pour discuter d’un plan de relance. Cette première rencontre conduit à la conférence intergouvernementale de Val Ducesse en , puis à la signature, à Rome, le mai , des deux traités, dont nous soulignons cette année le cinquantième anniversaire : le Traité EURATOM qui porte sur la Communauté européenne de l’énergie atomique et le Traité CEE qui institue la Communauté écono-mique européenne. Le premier instaure un marcé commun nucléaire, alors que le second crée une union douanière et un marcé commun qui repose à la fois sur la libre circulation des marcandises, des personnes, des services et des capitaux et sur l’élaboration de politiques communes, notamment dans le secteur de l’agriculture, des transports et du commerce extérieur.
L’eurosclérose des années 19601970
La relance de Messine est rapidement suivie d’une période d’eurosclérose qui dure jusqu’à l’arrivée de Jacques Delors à la présidence de la Commission en . À l’exception de quelques avancées importantes, comme la création de