Voir ou lire pour une éducation du regard
191 pages
Français

Voir ou lire pour une éducation du regard , livre ebook

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191 pages
Français

Description

Ce livre tente d'apporter des éléments de réponse aux interrogations posées par l'introduction grandissante de l'image dans le cours de français tant au primaire qu'au secondaire, aux questions légitimes suscitées par la place de l'image aujourd'hui dans l'imaginaire collectif et dans l'éducation. D'où vient l'image? Que veut-elle dire? Comment peut-on la comprendre, la maîtriser? Doit-on voir une image, ou alors s'efforcer de la lire méthodiquement ? Doit-on aller vers une simple perception ou vers un véritable regard ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2003
Nombre de lectures 287
EAN13 9782296338128
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

VOIR OU LIRE :
POUR UNE ÉDUCATION DU REGARD~L'Hannattan,2003
ISBN: 2-7475-5289-6Françoise DEMOUGIN
.VOIR OU LIRE
POUR UNE ÉDUCATION DU
REGARD
L'Harmattan L'Harmattan Hongrie L'Harmattan Italia
Hargita u. 3 Via Bava, 375-7, nie de l'École-Polyteclmique
75005 Paris 1026 Budapest 10214 Torino
FRANCE HONGRIE ITALIEOuvrages du même auteur
Adaptations cinématographiques d'œuvres littéraires, CRDP
Midi-Pyrénées, 1996.
Cinéma et chanson: pour enseigner le français autrement,
(en coll. avec P. Dumont), Paris, Delagrave, 1999.
André Hardellet: une œuvre hors du siècle, Paris,
L'Harmattan,2002.INTRODUCTIONJ'oserais espérer une image fort aisée à lire, et ce
qui est le principal, qui aiderait au jugement, lui représentant
si distinctement toutes choses, qu'il lui serait presque
impossible de se tromper,. au lieu que tout au rebours, les
images que nous avons n'ont quasi que des significations
confuses, auxquelles l'esprit des hommes s'étant accoutumé
de longue main, cela est cause qu'il n'entend rien
parfaiten1entl.
1 Adaptation libre de propos tenus par Pascal dans une lettre au Père
Mersenne.Nous sommes aujourd'hui, bon gré mal gré, dans une
civilisation de l'image. Il serait absurde d'en contester la
puissance ou de mépriser les domaines où elle étend son
emprise. Mais elle est moins objet que sujet du regard que
nous lui portons, elle l'oriente et l'imprègne, le façonne et
l'éduque. Si les didacticiens aujourd 'hui parlent d'éducation
du regard à propos de l'image, c'est précisément dans une
ambiguïté fondamentale: il s'agit bien en effet d'un
allerretour entre l'image et le regard. L'image éduque le regard, et
le regard éduqué peut alors regarder l'image. Un des signes
révélateurs à la fois de cette emprise de l'image et de cette
éducation en jeu est le triomphe aujourd'hui du débat sur la
valeur de l'image par rapport à la réflexion sur sa nature.
Ce débat est particulièrement vif quand l'image doit
conquérir une place au sein du cours de français. De quoi
s'agit-il alors: d'un danger pour la pensée, pour la lecture
littéraire ou au contraire d'une chance exceptionnelle donnée
à l'élève de construire un rapport neuf au réel en général et à
la littérature en particulier?
La question didactique posée à l'image peut être
exprimée ainsi: comment s'opère le passage de la visibilité de
l'image à son intelligibilité? On s'accorde aujourd'hui à
reconnaître en l'image un système de représentation mettant
en relation ce que les yeux voient et ce que l'esprit comprend.
Dichotomie qui reprend en partie celle du visible (qui
renverrait au plan de l'expression) et du lisible (qui renverrait
au plan du signifié), et qui simplifie sans doute de manière
excessive notre rapport à l'image comme au texte d'ailleurs.
Allons plus avant dans la réflexion et posons au départ
comme principe que l'efficacité de l'image se construit à
partir d'une tension en elle entre ressemblance et
dissemblance. C'est bien dans l'écart, dans la trahison du
référent, que l'image trouve son mode de fonctionnement, le
10spectateur son interprétation. L'image se trouve être
davantage une direction donnée, ou, plus exactement, la
valeur d'une image n'est en aucun cas une plénitude, une
perfection qu'elle ne saurait d'ailleurs atteindre, mais bien un
appel d'une beauté, d'une vision du monde qui ne se laisse
prendre au piège d'aucune représentation exacte. Ce n'est pas
là l'impuissance de l'image qui est soulignée mais au
contraire sa faculté extraordinaire d'expansion. L'image ne
peut être entendue comme un redoublement d,eprésence, mais
au contraire comme quelque chose qui ouvre l'espace de
fiction, une manifestation qui ouvre au regard du spectateur
de la vérité de l'homme.
Si nous reprenons les termes d'Aristote (De l'âme,
livre III) pour qui l'être humain ne peut penser sans image,
l'image n'est ni sensation, ni réflexion: elle suppose la
sensation, puisqu'elle procède à partir d'elle, et elle est
condition de possibilité de la pensée. Elle renvoie donc à
l'unité globale de l'être humain. On voit tout le parti qu'un
didacticien peut tirer d'une telle constatation. L'image
permettrait ainsi de jeter un pont entre le réel et l'intellect,
d'introduire une tension essentielle entre ce qui est du
domaine du visible et ce qui est du domaine de l'intelligible.
L'image apparaît donc comme un principe dynamique qui
ouvre l'accès à la réalité qu'elle reproduit.
Comment alors, lorsqu'on est devant une image,
image d'art ou non, trouver le regard juste, qui permette
d'échapper aussi bien aux pesanteurs de l'érudition, à
l'enfermement dans le jeu des références culturelles, qu'aux
tentations excessivement subjectives, à la tyrannie de
l'émotion et des élans affectifs? Nous proposerons une
dialectique du regard dans laquelle les instruments d'analyse
(fournis par les approches sémiologiques et
sémiopragmatiques en particulier) devant l'image ne seront qu'une
étape nécessaire donnant accès à une image en voie de
Ilvisibilité. Il s'agira de ne pas regarder l'image à travers une
unique exigence d' intelligibilisation de l'art qui passerait à
côté de son essence.
Quelle question faut-il poser à l'image? Une question
d'essence: qu'est-ce qu'une image? , la question du sens:
qu'est-ce que cela veut dire? ou des questions d'ordre
pragmatique: comment est-elle faite? et que peut-on faire
avec elle? On a malheureusement souvent suivi ce que J.
Perriault appelle la «logique de l'usage ». Pratiques de
dévotion autrefois, du goût ensuite, du repérage aujourd'hui:
cette succession unit les propriétés désignées comme
intrinsèques de l'image aux rapports changeants qui ont été
entretenus avec elle au cours de l'histoire. Entre le contexte
pragmatique et le contexte sémantique, entre l'usage cognitif
et pédagogique de l'image, tourné vers les choses (nous
voyons là émerger la vieille problématique platonicienne du
double, renouvelée aujourd'hui par l'idée de modélisation, par
l'apparition de l'imagerie scientifique aussi) et l'usage affectif
et dynamique, tourné vers Dieu et les hommes puis vers les
hommes seuls (nous voyons là émerger la problématique du
sacrilège et de la séduction, de l'influence sur les esprits), où
placer l'image? Entre ce que R. Debray nomme l'image à
objectif, intermédiaire entre l'homme et l'homme, et l'image
d'objet, entre et la nature, celle qui
rend le réel visible, lisible et prévisible, où placer l'objet
d'enseignement?
À ces multiples interrogations s'en ajoutent de
nouvelles pour le didacticien, provoquées par une double
évolution, récente, à la fois de la nature de l'image elle-même
et de la pratique de l'image. L'image numérique en effet,
appliquée par exemple au cinéma avec l'image de synthèse,
permet de présenter au regard de nouveaux espaces de fiction.
Il ne s'agit plus d'enregistrer des images, mais de les créer par
12projection sur un écran cathodique: voilà donc une rupture
fondamentale dans l'approche de l'image et du réel, puisque
l'image peut se passer de tout modèle: elle ne représente plus
mais elle modélise le réel. Exit l'esthétique néoplatonicienne
de la mimesis et la production intelligibilisée du réel des
artistes de la Renaissance. D'autre part le phénomène du
zapping, auquel n'échappe nul spectateur de l'image
télévisuelle, c'est-à-dire nul élève, change notre regard sur
l'image en introduisant les notions de discontinuité, de
juxtaposition, de temps fort: c'est une autre façon de lire
l'image ou plutôt les images, qui remplace le syntaxique par
le parataxique, qui n'est pas sans conséquence d'ailleurs sur
notre façon d'écrire. Où l'on retrouve, dans une perspective
de production d'écrit, le rapport texte/image, qui semble
décidément constituer un é

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