Le visage de l histoire. L armée des ombres et la figuration de la résistance au cinéma - article ; n°1 ; vol.72, pg 79-88
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Vingtième Siècle. Revue d'histoire - Année 2001 - Volume 72 - Numéro 1 - Pages 79-88
Le visage de l'histoire. L'Armée des ombres et la figuration de la Résistance au cinéma, Vincent Guigueno.
Film inspiré du récit de Joseph Kessel, L'Armée des ombres ne constitue pas un film sur la Résistance, mais présente une réflexion sur les termes de sa figuration. Melville n'était sans doute pas mal placé pour proposer cette réflexion, comme cinéaste, bien sûr, mais comme résistant également - encore que son itinéraire, durant les années sombres, soit difficile à retracer. Le film, à sa sortie, fut mal reçu, en raison notamment d'une approche jugée gaulliste. Le décalage temporel nous montre pourtant que cette œuvre reste rebelle à toute classification. Tout en étant largement fidèle au récit de Kessel, elle élimine toute référence au politique, choisit de présenter la Résistance dans la variété de ses membres - qu'unit toutefois la mort qui les attend. Elle se caractérise surtout par une sobriété proche de l'épure qui évite, notamment, de transfigurer les résistants en héros. Melville, au demeurant, préfère filmer les hommes dans la délibération plutôt que dans l'action - une approche qui tranche avec les partis pris retenus par Claude Berri dans Lucie Aubrac. Les acteurs - connus - n'en sont pas moins devenus, aux yeux des spectateurs, l'incarnation symbolique mais vivante des résistants qui forgèrent l'armée des ombres.
The Face of History. The Army of the Shadows and the Cinematographic Representation of the Resistance, Vincent Guigueno.
Le visage de l'histoire. A film inspired by foseph Kessel's accounting, The Army of the Shadows is not a film on the Resistance, but presents thinking on the terms of its representations. Melville was undoubtedly in a good position to propose this thinking, as a filmmaker of course but also as a resistant, even though his itinerary during the dark years was hard to follow. When it came out the film was not well received, mainly because of an approach deemed too-Gaullist. The time lag shows, however, that this work resists classification. While it is largely faithful to Kessel's story, it eliminates any reference to politics, choosing to present the Resistance in terms of the variety of its members united in the death they are expecting. The film is characterized by a sobriety close to an outline that manages not to transfigure the resistants into heroes. Melville, incidentally, preferred to film people in debate rather than in action - an approach that differed from the choices Claude Berri mode in Lucie Aubrac. In the eyes of the viewers, the well-known actors embodied symbolically but forcefully the resistants that formed the army of the shadows.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 657
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Vincent Guigueno
Le visage de l'histoire. L'armée des ombres et la figuration de la
résistance au cinéma
In: Vingtième Siècle. Revue d'histoire. N°72, octobre-décembre 2001. pp. 79-88.
Citer ce document / Cite this document :
Guigueno Vincent. Le visage de l'histoire. L'armée des ombres et la figuration de la résistance au cinéma. In: Vingtième Siècle.
Revue d'histoire. N°72, octobre-décembre 2001. pp. 79-88.
doi : 10.3406/xxs.2001.1414
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_2001_num_72_1_1414Résumé
Le visage de l'histoire. L'Armée des ombres et la figuration de la Résistance au cinéma, Vincent
Guigueno.
Film inspiré du récit de Joseph Kessel, L'Armée des ombres ne constitue pas un film sur la Résistance,
mais présente une réflexion sur les termes de sa figuration. Melville n'était sans doute pas mal placé
pour proposer cette réflexion, comme cinéaste, bien sûr, mais comme résistant également - encore que
son itinéraire, durant les années sombres, soit difficile à retracer. Le film, à sa sortie, fut mal reçu, en
raison notamment d'une approche jugée gaulliste. Le décalage temporel nous montre pourtant que
cette œuvre reste rebelle à toute classification. Tout en étant largement fidèle au récit de Kessel, elle
élimine toute référence au politique, choisit de présenter la Résistance dans la variété de ses membres
- qu'unit toutefois la mort qui les attend. Elle se caractérise surtout par une sobriété proche de l'épure
qui évite, notamment, de transfigurer les résistants en héros. Melville, au demeurant, préfère filmer les
hommes dans la délibération plutôt que dans l'action - une approche qui tranche avec les partis pris
retenus par Claude Berri dans Lucie Aubrac. Les acteurs - connus - n'en sont pas moins devenus, aux
yeux des spectateurs, l'incarnation symbolique mais vivante des résistants qui forgèrent l'armée des
ombres.
Abstract
The Face of History. The Army of the Shadows and the Cinematographic Representation of the
Resistance, Vincent Guigueno.
Le visage de l'histoire. A film inspired by foseph Kessel's accounting, "The Army of the Shadows" is not
a film on the Resistance, but presents thinking on the terms of its representations. Melville was
undoubtedly in a good position to propose this thinking, as a filmmaker of course but also as a resistant,
even though his itinerary during the dark years was hard to follow. When it came out the film was not
well received, mainly because of an approach deemed too-Gaullist. The time lag shows, however, that
this work resists classification. While it is largely faithful to Kessel's story, it eliminates any reference to
politics, choosing to present the Resistance in terms of the variety of its members united in the death
they are expecting. The film is characterized by a sobriety close to an outline that manages not to
transfigure the resistants into heroes. Melville, incidentally, preferred to film people in debate rather than
in action - an approach that differed from the choices Claude Berri mode in "Lucie Aubrac". In the eyes
of the viewers, the well-known actors embodied symbolically but forcefully the resistants that formed the
army of the shadows..
LE VISAGE DE L'HISTOIRE
L'ARMÉE DES OMBRES ET LA FIGURATION
DE LA RÉSISTANCE AU CINÉMA
Vincent Guigueno
Inspiré du récit de Joseph Kessel, ment le récit cinématographique constitue
L'Armée des ombres, film de Jean-Pierre une référence de second rang, au sens
Melville, semble à bien des égards symbol donné par Paul Ricœur : « II n'est pas de
iser ce qu'a été l'engagement résistant. discours tellement fictif qu'il ne rejoigne la
Mais s'agissait-il de représenter la Ré réalité, mais à un autre niveau, plus fonda
sistance ou de réfléchir sur les termes de sa mental que celui qu'atteint le discours desc
figuration ? Retour sur un film - mal reçu à riptif, constatatif, didactique, que nous
sa sortie - qui constitue un cas d'école. appelons langage ordinaire. Ma thèse est
ici que l'abolition d'une référence de pre
Appartenant à une génération dont mier rang, abolition opérée par la fiction et
la relation au passé s'est en partie par la poésie, est la condition de possibilité
construite dans les salles obscures pour que soit libérée une référence de
et devant le petit écran, de jeunes histo second rang, qui atteint le monde non plus
riens font désormais référence aux images seulement au niveau des objets manipula-
comme point de passage problématique bles, mais au que Husserl désignait
dans un travail de recherche dont les par l'expression de Lebenswelt et Heid-
sources ne sont pas filmiques1. Si l'histoire deger par celle d'être au monde 4 ». On
et le cinéma ont un bout de chemin à faire s'appuiera sur l'exemple de L'Armée des
ensemble, c'est peut-être dans un dialogue ombres, réalisé en 1969 par Jean-Pierre
entre le récit historien et la capacité du Melville, pour examiner l'hypothèse que
cinéma à inventer ce que Christian Delage ce film n'est pas un film sur la Résistance -
appelle une « histoire figurée 2 ». Il s'agira Melville l'affirme dans un entretien accordé
ici d'interroger la manière dont une série à Rui Noguera en 1973 - mais une ré
de documents peut se constituer autour ou flexion en acte sur la figuration de la Ré
à partir d'un film3. En renonçant à cher sistance 5.
cher dans celui-ci des preuves au sens mat
ériel du terme, on pourra montrer com-
o L'ARMÉE DES OMBRES, FILM GAULLISTE ?
1 On peut citer l'article de Raphaëlle Branche publié par
cette revue (n(J46, avril-juin 1995, p. 191-194), « Mémoire et Sans entrer dans la rhétorique de cinéma. À propos de Muriel d'Alain Resnais ». L'analyse du l'œuvre d'art comme acte de résistance, on traumatisme de la torture n'est pas sans lien avec le travail
de thèse soutenu en 2000 en Sorbonne dont est issu le peut cependant remarquer que L'Armée
récent ouvrage La torture et l'armée pendant la guerre d'Al des ombres résiste à la « classification périogérie, 1954-1962, Paris, Gallimard, 2001.
2. C'est le titre choisi pour la collection dans laquelle dique » des films, dont l'interprétation serait
Christian Delage a publié son Chaplin. La grande histoire à construire en regard des mentalités d'une (Paris, Jean-Michel Place, 1998).
3. Cet article est le fruit d'une réflexion engagée lors du
séminaire Cinéma et Écriture historique (1998-2000) orga 4. Paul Ricœur, Du texte à l'action (Essais d'herméneut
nisé par Christian Delage et Vincent Guigueno à l'Institut ique II), Paris, Seuil, 1986, p. 127 (édition de poche, 1998).
d'Histoire du Temps Présent (CNRS). Que l'ensemble de ses 5. Jean-Pierre Melville, Entretien avec Rui Nogueira, Paris,
participants, réguliers ou occasionnels, soit ici remercié Seghers, coll. Cinéma 2000, 1973, rééd., Paris, Éditions des
pour leur contribution. Cahiers de l'Étoile/Cahiers du cinéma, 1996, p. 163-176.
79
Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 72,
octobre-décembre 2001, p. 79-87. Vincent Guigueno
époque1. Mal accueilli par la critique, en moments distingués par Sylvie Lindeperg,
particulier par les Cahiers du cinéma où Melville échappant ainsi à telle ou telle ap
Jean-Louis Comolli le qualifie de « plus bel partenance, étant aussi bien dans l'une et
exemple cinématographique de l'art l'autre des « classes » de réalisateurs
gaulliste », le film fut durablement marqué proposées : tourné par un cinéaste qui fut
par cette étiquette. Passy-Dewavrin dans résistant, le scénario du film est fondé sur
son propre rôle, et surtout la fameuse le verbe, le récit de Kessel, publié à Alger
en 1943. Le parcours de Jean-Pierre Grum- scène où passe la silhouette du Général,
reconnaissant comme compagnon de la L bach, dit Melville - un pseudonyme choisi
ibération un Paul Meurisse figé au garde à par admiration pour l'auteur de Moby
vous, peuvent appuyer cette thèse, « tell Dick—, de l'expérience de la Résistance à
ement bête » selon Melville. Ce dernier prête l'adaptation différée de L'Armée des ombres,
pourtant le flanc à la critique quand il ra explique la

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