Histoire de la Chine moderne M. Pierre-Étienne WILL, professeur ...

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Histoire de la Chine moderne M. Pierre-Étienne WILL, professeur ...

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• Publié par: isujohyp
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Histoire de la Chine moderne

M. Pierre-tienne W ILL , professeur

Une part substantielle du cours de l'anne dernire avait t consacre au financement de la bureaucratie territoriale en Chine  la fin de l'empire. Nous avions rappel que, si le discours sur un fonctionnariat salari et indpendant, qui fait en effet l'originalit de l'institution bureaucratique traditionnelle, demeu- rait de rigueur, l'conomie gnrale du systme n'en impliquait pas moins que les administrateurs se financent eux-mmes dans une plus ou moins large mesure, sans pour autant compromettre la lgitimit de l'tat dynastique. En soi cette conclusion n'a rien de particulirement original. Encore fallait-il tenter, comme nous l'avons fait, d'examiner en dtail les ressources des fonctionnaires locaux et les charges qui pesaient sur eux et analyser au plus prs les compromis et les stratagmes, fiscaux ou autres, permettant au systme de s'auto-quilibrer en dpit de contraintes financires qui, en bonne rgle, auraient d se traduire par une complte paralysie. Il fallait aussi, et peut-tre surtout, replacer cette problmatique dans le temps historique, car les donnes conomiques, politiques et rglementaires de l'quation voluent considrablement pendant les trois der- niers sicles de la priode impriale. Alors que nous nous tions beaucoup attard sur les effets  court et moyen terme des rformes de l'empereur Yongzheng (1723-1735),  commencer par celle des salaires des fonctionnaires en poste dans les provinces, nous nous sommes attaqu cette anne au « problme du XIX e sicle ». Ce problme, tel que nous l'envisageons, est double. C'est d'abord un pro- blme objectif, au sens o les contradictions et contraintes que nous avions analyses s'aggravent indiscutablement aprs 1800. Mais c'est aussi un problme historiographique : le discours sur la crise gnrale de l'tat chinois au XIX e sicle et sur la dcadence de la bureaucratie Ð dominant dans les sources du temps et chez les historiens modernes Ð doit tre d'une manire ou d'une autre rconcili avec une ralit qui apparat, non pas certes systmatiquement positive, mais  coup sr beaucoup plus nuance et beaucoup plus complique qu'on ne l'admet gnralement, et donc beaucoup plus intressante. Il existe une

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PIERRE-TIENNE WILL

vaste littrature thorique et surtout pratique, dont nous avons dj souvent parl, manant d'administrateurs de terrain considrs (et se considrant) comme des modles et contrastant fortement avec l'image habituelle d'un fonctionnariat pourri et incomptent, voire obscurantiste. Ces textes ne cessent de parler de difficults et de dnoncer des abus, mais ils ne suggrent pas une bureaucratie ayant totalement abdiqu ses responsabilits et uniquement voue  ranonner le peuple ; beaucoup dmontrent au contraire un engagement profond au service du public et une volont parfois efficace de rforme, morale et technique. Il s'agit donc, comme toujours, de naviguer entre les ralits et les perceptions. Nous nous tions longuement tendu sur ce qu'on est convenu d'appeler la corruption administrative, ou plutt, et pour user d'un terme moins marqu, les prlvements non lgaux oprs par les administrateurs et par leurs bureaux. La disproportion entre les revenus lgaux des fonctionnaires et leurs besoins Ð besoins objectifs et incompressibles, ou alors purement « culturels », suscits par leur environnement social et familial Ð est une donne constante, que mme les rformes drastiques du rgne Yongzheng n'ont pu modifier pour trs long- temps : bien au contraire,  compter des annes 1760 environ cette disproportion n'a fait que s'accrotre. Le systme continuait de fonctionner au prix d'un ensemble de ponctions extra-fiscales, prenant la forme de surcharges ou de commissions plus ou moins lgales et plus ou moins acceptes au nom de la coutume,  la limite purement extorsionnistes. L'tude attentive de ces phno- mnes,  laquelle nous avons dej consacr beaucoup de temps, ainsi que de la manire dont ils sont perus, est d'une importance capitale pour saisir l'volution des problmes dans le temps. Nous avions fait  la fin du prcdent cours allusion aux dernires annes du XVI e IIsicle et aux premires du XI e Xq,iu sont une priode charnire  cet gard. La dgradation des comportements semble alors s'acclrer brusquement ; mais en mme temps l'on rencontre des tentatives srieuses du pouvoir central pour renverser le cours des choses, tout comme on assiste aux efforts d'une lite de fonctionnaires, peu nombreuse mais influente et admire, pour convaincre la profession qu'il reste possible, en dpit de la dtrioration objective des conditions, de pratiquer une administration intgre et efficace. Qu'en a-t-il t ? C'est donc l que se pose le « problme du XIX e  Mais une premiresicle ». question, que nos habitudes de langage nous font oublier, est de savoir si cette notion mme de « XIX e sicle » a le moindre sens pour ce qui nous concerne ici : ce systme de datation est compltement tranger  la mesure du temps en Chine, du moins jusqu' l'poque contemporaine, et il n'est pas certain que notre manire de personnaliser les sicles dans l'histoire europenne (« de Louis XIV », « des Lumires », « romantique »...) se transpose si aisment  la Chine. Si l'on s'en tient au niveau des reprsentations, les notions qu'on a le plus couramment associes au XIX e sicle en Chine sont celles de dcadence, d'inva- sion et d'humiliation. Dans cette vision le XIX e sicle se dfinit comme celui o la Chine s'est trouve pour la premire fois de son histoire contrainte d'aban-