Voyage au cœur des séries américaines
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Dans cet article, on s’attachera aux séries américaines d’une heure
environ par épisode produites et diffusées par saison (de dix à vingt épisodes) pendant une année. En effet, les États-Unis sont les inventeurs de ce genre télévisuel et parviennent à la fin des années 2000 à dominer grâce à celui-ci les audiences télévisuelles françaises. En 2007, les séries américaines sur les écrans français représentaient 40 % des films et fictions télévisuels contre seulement 28 % pour les fictions d’origine nationale.

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Publié le 24 janvier 2013
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Langue Français

Extrait

22-GRAS_art126:ARTICLE_gabarit 2/06/09 17:54 Page 465
Voyage au cœur
des séries américaines
PIERRE GRAS
Le cinéphile des salles obscures, qui vit au rythme des exclusivités du mercredi et ne
se sert de ses écrans domestiques que pour regarder des films invisibles dans les
cinémas, n’entre pas sans effroi dans l’univers des séries télévisuelles. Fort de la supé-
eriorité historique et esthétique du cinéma, « l’art du XX siècle », il a d’abord ignoré en
haussant les épaules le retentissement des Soprano et de Six pieds sous terre jusque
dans les revues cinéphiles au début des années 2000. Il a refusé de s’intéresser aux
drames médicaux d’Urgences, aux enquêtes de la PJ du canal Saint-Martin, aux jour-
nées harassantes de Jack Bauer dans 24 heures chrono, et de se passionner, comme
ses enfants adolescents, pour les mystères de Lost – Les Disparus.
Envoyé en mission spéciale par Commentaire, il est aujourd’hui contraint de se
plonger dans la jungle des séries qui ont envahi les écrans, les imaginaires et les esthé-
tiques. Jungle, puisque le terme « série » rassemble toutes les formes de fiction conçue
pour la télévision et diffusée par celle-ci et composée de plusieurs épisodes : feuille-
ton, soap opera, telenovela, mini-série, anthologie, sitcom, shortcom, quel qu’en soit
le genre : policier, dramatique, comédie, fantastique, politique, médical, western…
Envahissement, car les séries créent chez leurs amateurs des phénomènes d’addiction
lors de la consommation hebdomadaire au fil de la diffusion des chaînes, ou des crises
de boulimie si la série est regardée sur DVD, ou grâce à des fichiers téléchargés plus
ou moins licites, durant des soirées prolongées tard dans la nuit. Place majeure dans
les imaginaires, enfin, parce qu’un adolescent ou un jeune adulte se définira lui-même
par la musique qu’il écoute et les séries qu’il affectionne.
P. G.
ANS cet article, on s’attachera aux parviennent à la fin des années 2000 à
séries américaines d’une heure dominer grâce à celui-ci les audiences télévi-Denviron par épisode produites et diffu- suelles françaises. En 2007, les séries améri-
sées par saison (de dix à vingt épisodes) caines sur les écrans français représentaient
pendant une année. En effet, les États-Unis 40 % des films et fictions télévisuels contre
sont les inventeurs de ce genre télévisuel et seulement 28 % pour les fictions d’origine
COMMENTAIRE, N° 126, ÉTÉ 2009 46522-GRAS_art126:ARTICLE_gabarit 2/06/09 17:54 Page 466
PIERRE GRAS
nationale. Durant cette même année, une ment adaptée, par sa durée, à la vie moderne
série policière diffusée par TF1, Les Experts, et est diffusée à l’antenne durant une petite
obtint 48 des 100 meilleures audiences de heure (interruptions publicitaires comprises).
l’année, dépassant très régulièrement plus de Par cette concentration narrative, elle se
distingue fortement de la durée d’un long10 millions de téléspectateurs. Cette impor-
tance de l’audience des séries, alors que celle métrage cinématographique de quatre-vingt-
dix minutes à deux heures ou de la durée simi-du cinéma diminue, crée d’ailleurs des diffi-
laire d’un téléfilm traditionnel. Le maximumcultés pour la filière cinématographique dont
d’événements, de personnages, de décors doitles financements télévisuels tendent à se
être offert au spectateur dans le minimum deréduire. Encore faut-il noter que la situation
temps. Avec le magnétoscope et le DVD, lafrançaise, comme celle de son cinéma, reste
consommation devient encore plus soupleexceptionnelle. En Europe, 61 % de fictions
puisque le spectateur peut décider lorsqu’il lenon européennes occupent les écrans en 2007.
souhaite de n’utiliser qu’une quarantaine deDepuis le début de 2009, une nouvelle série
minutes de son temps pour voir un épisode.vedette permet à nouveau à TF1 de dominer
Le rythme des « saisons », ensemble desla course à l’audimat, Dr House, dont le
épisodes conçus et diffusés une même année,personnage principal est un médecin original.
est ensuite un des éléments essentiels de l’at-Et, presque chaque jour, la meilleure
trait de la série. L’intensité de la diffusion,audience en début de soirée en semaine est
semaine après semaine, crée une addictionobtenue par une série américaine.
hebdomadaire chez le fan durant la périodeD’autre part, ces séries US restent par leur
de diffusion, addiction que le cinéma pouvaitinventivité narrative et esthétique les modèles
obtenir avant la télévision lorsque le specta-des productions d’autres nationalités. Cela ne
teur se rendait rituellement dans sa salle favo-signifie pas pourtant qu’il n’y aurait d’inven-
rite chaque semaine. Dès l’achèvement de lation qu’aux États-Unis. Les séries anglaises,
saison, le rôle des producteurs est d’entrete-coréennes, japonaises, taïwanaises ont
nir le suspense sur la suivante grâce à l’art deaujourd’hui leurs fans européens et, en
la communication. Puis l’annonce desFrance, le soap national Plus belle la vie est un
programmes annuels des chaînes est l’occa-succès d’audience, tout comme Police scienti-
sion de relancer l’intérêt du spectateur dansfique qui succède dans le genre policier à
l’attente de la diffusion imminente.
Navarro, Julie Lescaut et PJ.
Le mode narratif reposant sur la récurrenceCependant, aux États-Unis, le début de 2009
est aussi un attrait important. Le spectateur
semble marquer le début de difficultés
qui s’entiche d’une série affectionne ses
sérieuses pour les séries. La grève des scéna-
personnages, qui peuvent être très divers
ristes, en privant les grands networks de séries,
d’une série à l’autre ou à l’intérieur d’une
a accéléré le déplacement de l’audimat vers les
même série, mais doivent posséder une
chaînes du câble et rendu la production des
certaine constance, même dans leurs côtés
séries les plus fameuses trop coûteuse pour
surprenants. Ce sont eux que le téléspectateur
leur audience. La fin de grandes séries poli-
aime retrouver un jour donné à une heure
cières est annoncée ; les networks ont diminué
définie de semaine en semaine. Cela explique
de près de moitié la diffusion de séries et les
que, sauf l’exception de FBI : portés disparus,
remplacent par des talk-shows dix fois plus
les séries anthologies aient presque disparu.
économiques. Seule la croissance très rapide La supériorité de la série sur le cinéma en
du visionnement légal sur Internet est un point
cette matière est évidente. S’il est absurde de
positif. Ainsi, le bilan tracé ici de dix ans de dire comme certains que le cinéma est une
séries américaines intervient-il peut-être au « industrie de prototypes » alors que les stars,
moment où de profonds bouleversements vont les adaptations d’œuvres existantes, les « fran-
intervenir dans leur économie. chises » (Batman, James Bond et autres
Hulk), les remakes, la politique des auteurs-
Spectateurs captivés cinéastes elle-même font tout pour créer une
récurrence, celle-ci ne peut être aussi accen-
Fiction conçue et affinée au fil des années tuée. L’extension dans le temps de l’œuvre-
par la télévision, la série se veut particulière- série permet à certains créateurs d’utiliser au
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VOYAGE AU CŒUR DES SÉRIES AMÉRICAINES
mieux cette multiplicité des personnages pour de policier de choc violent et corrompu, et dans
créer un « effet de choralité ». La sympathie Dexter le médecin légiste, dont les recherches
envers les personnages qui interagissent les conduisent à l’arrestation des criminels, est un
uns vis-à-vis des autres durant la longue durée schizophrène qui assassine les serial killers que
la justice n’a pu faire condamner.

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