L’auberge rouge
42 pages
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L’auberge rouge

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Description

La Comédie humaine - Études philosophiques - Tome II. Quinzième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : En ce moment, le fournisseur leva les yeux sur moi 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 16
EAN13 9782824709963
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
L’A U BERGE ROUGE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
L’A U BERGE ROUGE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0996-3
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
L’A U BERGE ROUGE
A MONSI EU R LE MARQU IS DE CUST I N E.
   sais quelle anné e , un banquier de Paris, qui avait des r
elations commer ciales très-étendues en Allemagne , fêtait un deE ces amis, longtemps inconnus, que les nég o ciants se font de
place en place , p ar cor r esp ondance . Cet ami, chef de je ne sais quelle
maison assez imp ortante de Nur emb er g, était un b on gr os Allemand,
homme de g oût et d’ér udition, homme de pip e surtout, ayant u ne b elle ,
une lar g e figur e nur emb er g e oise , au fr ont car ré , bien dé couv ert, et
décoré de quelques che v eux blonds assez rar es. Il offrait le ty p e des enfants
de cee pur e et noble Ger manie , si fertile en caractèr es honorables, et
dont les p aisibles mœur s ne se sont jamais démenties, même après sept
invasions. L’étrang er riait av e c simplesse , é coutait aentiv ement, et
buvait r emar quablement bien, en p araissant aimer le vin de Champ agne
1L’aub er g e r oug e Chapitr e I
autant p eut-êtr e que les vins p aillés du Johannisb er g. Il se nommait
Hermann, comme pr esque tous les Allemands mis en scène p ar les auteur s.
En homme qui ne sait rien fair e légèr ement, il était bien assis à la table du
banquier , mang e ait av e c ce tudesque app étit si célèbr e en Eur op e , et disait
un adieu consciencieux à la cuisine du grand CARÊME. Pour fair e
honneur à son hôte , le maîtr e du logis avait convié quelques amis intimes,
capitalistes ou commer çants, plusieur s femmes aimables, jolies, dont le
gracieux babil et les manièr es franches étaient en har monie av e c la
cordialité g er manique . V raiment, si v ous aviez pu v oir , comme j’ en eus le
plaisir , cee jo y euse réunion de g ens qui avaient r entré leur s griffes
commer ciales p our sp é culer sur les plaisir s de la vie , il v ous eût été difficile de
haïr les escomptes usurair es ou de maudir e les faillites. L’homme ne p eut
p as toujour s mal fair e . A ussi, même dans la so ciété des pirates, doit-il se
r encontr er quelques heur es douces p endant lesquelles v ous cr o y ez êtr e ,
dans leur sinistr e vaisse au, comme sur une escar p olee .
― A vant de nous quier , monsieur Her mann va nous raconter encor e ,
je l’ espèr e , une histoir e allemande qui nous fasse bien p eur .
Ces p ar oles fur ent pr ononcé es au dessert p ar une jeune p er sonne pâle
et blonde qui, sans doute , avait lu les contes d’Hoffmann et les r omans de
W alter Sco. C’était la fille unique du banquier , ravissante cré atur e dont
l’é ducation s’ache vait au Gy mnase , et qui raffolait des piè ces qu’ on y joue .
En ce moment les conviv es se tr ouvaient dans cee heur euse disp osition
de p ar esse et de silence où nous met un r ep as e x quis, quand nous av ons
un p eu tr op présumé de notr e puissance dig estiv e . Le dos appuyé sur
sa chaise , le p oignet légèr ement soutenu p ar le b ord de la table , chaque
conviv e jouait indolemment av e c la lame doré e de son coute au. and un
dîner ar riv e à ce moment de dé clin, certaines g ens tour mentent le p épin
d’une p oir e  ; d’autr es r oulent une mie de p ain entr e le p ouce et l’inde x  ;
les amour eux tracent des ler es infor mes av e c les débris des fr uits  ; les
avar es comptent leur s no yaux et les rang ent sur leur assiee comme un
dramatur g e disp ose ses comp ar ses au fond d’un théâtr e . C’ est de p etites
félicités g astr onomiques dont n’a p as tenu compte dans son liv r e
BrillatSavarin, auteur si complet d’ailleur s. Les valets avaient disp ar u. Le dessert
était comme une escadr e après le combat, tout désemp aré , pillé , flétri. Les
plats er raient sur la table , malgré l’ obstination av e c laquelle la maîtr esse
2L’aub er g e r oug e Chapitr e I
du logis essayait de les fair e r emer e en place . elques p er sonnes r
eg ardaient des v ues de Suisse sy métriquement accr o ché es sur les p ar ois
grises de la salle à mang er . Nul conviv e ne s’ ennuyait. Nous ne
connaissons p oint d’homme qui se soit encor e aristé p endant la dig estion d’un
b on dîner . Nous aimons alor s à r ester dans je ne sais quel calme , espè ce
de juste milieu entr e la rê v erie du p enseur et la satisfaction des animaux
r uminants, qu’il faudrait app eler la mélancolie matérielle de la g astr
onomie . A ussi les conviv es se tour nèr ent-ils sp ontanément v er s le b on
Allemand, enchantés tous d’av oir une ballade à é couter , fut-elle même sans
intérêt. Pendant cee b enoîte p ause , la v oix d’un conteur semble toujour s
délicieuse à nos sens eng ourdis, elle en fav orise le b onheur nég atif.
Chercheur de table aux, j’admirais ces visag es ég ayés p ar un sourir e , é clairés
p ar les b ougies, et que la b onne chèr e avait emp our prés  ; leur s e xpr
essions div er ses pr o duisaient de piquants effets à trav er s les candélabr es,
les corb eilles en p or celaine , les fr uits et les cristaux.
Mon imagination fut tout à coup saisie p ar l’asp e ct du conviv e qui se
tr ouvait pré cisément en face de moi. C’était un homme de mo y enne taille ,
assez gras, rieur qui avait la tour nur e , les manièr es d’un ag ent de chang e ,
et qui p araissait n’êtr e doué que d’un esprit fort ordinair e , je ne l’avais
p as encor e r emar qué  ; en ce moment, sa figur e , sans doute assombrie p ar
un faux jour , me p ar ut av oir chang é de caractèr e  ; elle était de v enue
terr euse  ; des teintes violâtr es la sillonnaient. V ous eussiez dit de la tête
cadavérique d’un ag onisant. Immobile comme les p er sonnag es p eints dans
un Diorama, ses y eux hébétés r estaient fix és sur les étincelantes facees
d’un b ouchon de cristal  ; mais il ne les comptait certes p as, et semblait
abîmé dans quelque contemplation fantastique de l’av enir ou du p assé .
and j’ eus longtemps e x aminé cee face é quiv o que , elle me fit p enser  :
― Souffr e-t-il  ? me dis-je . A -t-il tr op bu  ? Est-il r uiné p ar la baisse des
fonds publics, Song e-t-il à jouer ses cré ancier s  ?
―  V o y ez  ! dis-je à ma v oisine en lui montrant le visag e de l’inconnu,
n’ est-ce p as une faillite en fleur  ?
―  Oh  ! me rép ondit-elle , il serait plus g ai. Puis ho chant gracieusement
la tête , elle ajouta  : ― Si celui-là se r uine jamais, je l’irai dir e à Pékin  ! Il
p ossède un million en fonds de ter r e  ! C’ est un ancien four nisseur des
ar mé es imp ériales, un b on homme assez original. Il s’ est r emarié p ar sp
é3L’aub er g e r oug e Chapitr e I
culation, et r end né anmoins sa femme e xtrêmement heur euse . Il a une
jolie fille que , p endant fort longtemps, il n’a p as v oulu r e connaîtr e  ; mais
la mort de son fils, tué malheur eusement en duel, l’a contraint à la pr endr e
av e c lui, car il ne p ouvait plus av oir d’ enfants. La p auv r e fille est ainsi
dev enue tout à coup une des plus riches héritièr es de Paris. La p erte de son
fils unique a plong é ce cher homme dans un chagrin qui r ep araît
quelquefois.
En ce moment, le four nisseur le va les y eux sur moi  ; son r eg ard me

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