La messe de l’athée
22 pages
Français

La messe de l’athée

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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième livre, Scènes de la vie parisienne - Tome II. Dixième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Bianchon se promit de guetter Desplein 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 78
EAN13 9782824709888
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LA MESSE DE L’A T H ÉE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LA MESSE DE L’A T H ÉE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0988-8
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LA MESSE DE L’A T H ÉE
CECI EST DEDI É A A UGUST E BORGET ,
Par son ami
DE BALZA C.
   qui la science doit une b elle thé orie phy siologique ,
et qui, jeune encor e , s’ est placé p ar mi les célébrités de l’ÉcoleU de Paris, centr e de lumièr es auquel les mé de cins de l’Eur op e
r endent tous hommag e , le do cteur Bianchon a long-temps pratiqué la
chir ur gie avant de se liv r er à la mé de cine . Ses pr emièr es études fur ent
dirig é es p ar un des plus grands chir ur giens français, p ar l’illustr e D esplein,
qui p assa comme un mété or e dans la science . D e l’av eu de ses ennemis,
il enter ra dans la tomb e une métho de intransmissible . Comme tous les
g ens de g énie , il était sans héritier s  : il p ortait et emp ortait tout av e c lui.
La gloir e des chir ur giens r essemble à celle des acteur s, qui n’ e xistent que
de leur vivant et dont le talent n’ est plus appré ciable dès qu’ils ont
disp ar u. Les acteur s et les chir ur giens, comme aussi les grands chanteur s,
comme les virtuoses qui dé cuplent p ar leur e x é cution la puissance de la
musique , sont tous les hér os du moment. D esplein offr e la pr euv e de cee
similitude entr e la destiné e de ces g énies transitoir es. Son nom, si célèbr e
1La messe de l’athé e Chapitr e
hier , aujourd’hui pr esque oublié , r estera dans sa sp é cialité sans en
franchir les b or nes. Mais ne faut-il p as des cir constances inouïes p our que le
nom d’un savant p asse de la science dans l’histoir e g énérale de
l’humanité  ? D esplein avait-il cee univ er salité de connaissances qui fait d’un
homme le verbe ou la figure d’un siè cle  ? D esplein p ossé dait un divin
coup d’ œil  : il p énétrait le malade et sa maladie p ar une intuition acquise
ou natur elle qui lui p er meait d’ embrasser les diagnostics p articulier s à
l’individu, de déter miner le moment pré cis, l’heur e , la minute à laquelle
il fallait op ér er , en faisant la p art aux cir constances atmosphériques et
aux p articularités du temp érament. Pour mar cher ainsi de conser v e av e c
la Natur e , avait-il donc étudié l’incessante jonction des êtr es et des
substances élémentair es contenues dans l’atmosphèr e ou que four nit la ter r e
à l’homme qui l es absorb e et les prép ar e p our en tir er une e xpr ession
p articulièr e  ? Pr o cé dait-il p ar cee puissance de dé duction et
d’analogie à laquelle est dû le g énie de Cuvier  ? oi qu’il en soit, cet homme
s’était fait le confident de la Chair , il la saisissait dans le p assé comme
dans l’av enir , en s’appuyant sur le présent. Mais a-t-il résumé toute la
science en sa p er sonne comme ont fait Hipp o crate , Galien, Aristote  ? A -
t-il conduit toute une é cole v er s des mondes nouv e aux  ? Non. S’il est
imp ossible de r efuser à ce p er p étuel obser vateur de la chimie humaine ,
l’antique science du Magisme , c’ est-à-dir e la connaissance des princip es
en fusion, les causes de la vie , la vie avant la vie , ce qu’ elle sera p ar ses
prép arations avant d’êtr e  ; malheur eusement tout en lui fut p er sonnel  :
isolé dans sa vie p ar l’ég oïsme , l’ég oïsme suicide aujourd’hui sa gloir e .
Sa tomb e n’ est p as sur monté e de la statue sonor e qui r e dit à l’av enir les
my stèr es que le Génie cher che à ses dép ens. Mais p eut-êtr e le talent de
D esplein était-il solidair e de ses cr o yances, et consé quemment mortel.
Pour lui, l’atmosphèr e ter r estr e était un sac g énérateur  : il v o yait la ter r e
comme un œuf dans sa co que , et ne p ouvant sav oir qui de l’ œuf, qui de
la p oule , avait commencé , il n’admeait ni le co q ni l’ œuf. Il ne cr o yait ni
en l’animal antérieur , ni en l’ esprit p ostérieur à l’homme . D esplein
n’était p as dans le doute , il affir mait. Son athéisme pur et franc r essemblait
à celui de b e aucoup de savants, les meilleur s g ens du monde , mais
invinciblement athé es, athé es comme les g ens r eligieux n’admeent p as qu’il
puisse y av oir d’athé es. Cee opinion ne de vait p as êtr e autr ement chez
2La messe de l’athé e Chapitr e
un homme habitué depuis son jeune âg e à dissé quer l’êtr e p ar e x cellence ,
avant, p endant et après la vie , à le fouiller dans tous ses app ar eils sans
y tr ouv er cee âme unique , si né cessair e aux thé ories r eligieuses. En y
r e connaissant un centr e cérébral, un centr e ner v eux et un centr e aér
osanguin, dont les deux pr emier s se supplé ent si bien l’un l’autr e , qu’il eut
dans les der nier s jour s de sa vie la conviction que le sens de l’ ouïe n’était
p as absolument né cessair e p our entendr e , ni le sens de la v ue absolument
né cessair e p our v oir , et que le ple xus solair e les r emplaçait, sans que l’ on
en pût douter  ; D esplein, en tr ouvant deux âmes dans l’homme , cor r
ob ora son athéisme de ce fait, quoiqu’il ne préjug e encor e rien sur Dieu.
Cet homme mour ut, dit-on, dans l’imp énitence finale où meur ent
malheur eusement b e aucoup de b e aux g énies, à qui Dieu puisse p ardonner .
La vie de cet homme si grand offrait b e aucoup de p etitesses, p our
emplo y er l’ e xpr ession dont se ser vaient ses ennemis, jaloux de diminuer sa
gloir e , mais qu’il serait plus conv enable de nommer des contr e-sens
app ar ents. N’ayant jamais connaissance des déter minations p ar lesquelles
agissent les esprits sup érieur s, les envieux ou les niais s’ar ment
aussitôt de quelques contradictions sup erficielles p our dr esser un acte
d’accusation sur le quel ils les font momentanément jug er . Si, plus tard, le
succès cour onne les combinaisons aaqué es, en montrant la cor rélation
des prép aratifs et des résultats, il subsiste toujour s un p eu des
calomnies d’avant-g arde . Ainsi, de nos jour s, Nap olé on fut condamné p ar ses
contemp orains, lor squ’il déplo yait les ailes de son aigle sur l’ Angleter r e  :
il fallut 1816 p our e xpliquer 1804 et les bate aux plats de Boulogne .
Chez D esplein, la gloir e et la science étant inaaquables, ses ennemis
s’ en pr enaient à son humeur bizar r e , à son caractèr e  ; tandis qu’il p
ossédait tout b onnement cee qualité que les Anglais nomment excentricity .
T antôt il allait () sup erb ement vêtu comme Crébillon le tragique , tantôt il
affe ctait une singulièr e indiffér ence en fait de vêtement  ; on le v o yait
tantôt en v oitur e , tantôt à pie d. T our à tour br usque et b on, en app ar ence âpr e
et avar e , mais cap able d’ offrir sa fortune à ses maîtr es e xilés qui lui fir ent
l’honneur de l’accepter p endant quelques jour s, aucun homme n’a inspiré
plus de jug ements contradictoir es. oique cap able , p our av oir un
cordon noir que les mé de cins n’auraient p as dû briguer , de laisser tomb er à
la cour un liv r e d’heur es de sa p o che , cr o y ez qu’il se mo quait en lui-même
3La messe de l’athé e Chapitr e
de tout  ; il avait un pr ofond mépris p our les hommes, après les av oir
obser vés d’ en haut et d’ en bas, après les av oir sur pris dans leur véritable
e xpr ession, au milieu des actes de l’ e xistence les plus solennels et les plus
mesquins. Chez un grand homme , les qualités sont souv ent solidair es. Si,
p ar mi ces colosses, l’un d’ eux a plus de talent que d’ esprit, son esprit est
encor e plus étendu que celui de qui l’ on dit simplement  : Il a de l’ esprit.
T out g énie supp ose une v ue morale . Cee v ue p eut s’appliquer à quelque
sp é cialité  ; mais qui v oit la fleur , doit v oir le soleil. Celui qui entendit un
diplomate , sauvé p ar lui, demandant  : «  Comment va l’Emp er eur  ? » et
qui rép ondit  : « Le courtisan r e vient, l’homme suiv ra  ! » celui-là n

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