LIDKAK I ;)1. 'iH\ I \'ULL "' . Science et Religion D-'5 LA Pl11LOSOPl11E CONTEMPORAINE Bibliothèque de Philosophie scientinque EMJLE BOUTROUX 6 MEIIBRE DE L'IrïSTlTUT I ç. O'i ol.f P 0 (ó Science et Religion DAS I.A PHiLO SO PUlE CONTEMPORAINE ... , - . --f' V PARIS ERNEST FLA?tIl\IARION, ÉDITEUR 26, RUE RACIi'iR, 26 i908 Drolts de traductIon et de reproduction réservés pour tou! les pays, '1 compris la Suède et Is Norvège. LIBRARY ST. MARY'S COLLEGE \ ÍÍ; - \1--ç;0} "'\ - l Science et Religion D.\:'iS L.\ PUILOSOPUIE CONTEMPORAINE INTRODUCTIOX LA RELIGION ET LA SCIENCE De l'antiquité grecque à la période contemporaine. I. L\ r.f.I.IGIO ET LA PIIII.Or.PIIIE D-\NS L'ATIQUlTí: GßECQlE. II. LE \IO\"E:'é AGI'. - Le Chl'istianisme; Ies scolastiques; Ies mys- tique::,. lIT. L\ SCIECE ET I. r.P.I.IGJO DEPUIS L.\ Rf::\lss.ncE. - La Renais- S3IlCe.- Les temps modcl'rlCs: Ie rationalismc; Ic romautismc. - La science et Ia I'cligion séparées par une cloison étanche. Avant d'aborder l'étude des rapports de la science et de la religion, tels qu'ils se présentent dans la !o'ocÏété actuelle, il y a intérêt à faire une revue rapidc de l'histoire de ce rapports ùans les civilisations dont la nôtre est rhéritière. I LA RELIGION ET LA PHILOSOPHIE DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE. La religion, dans la Grèce antique, ne se trouve pa;:; aux prises avec la science, telle que nous l'cnlcn- Jon::; aujourd'hui, c'est-å-dire avec ...
LIDKAK I ;)1. '
iH
\ I
\'ULL
"'
.
Science et Religion
D-'
5 LA
Pl11LOSOPl11E CONTEMPORAINE
Bibliothèque de Philosophie scientinque
EMJLE BOUTROUX
6
MEIIBRE DE L'IrïSTlTUT
I ç. O'i ol.f
P 0 (ó
Science et Religion
DA
S I.A
PHiLO SO PUlE CONTEMPORAINE
...
,
-
.
--f'
V
PARIS
ERNEST FLA?tIl\IARION, ÉDITEUR
26, RUE RACIi'iR, 26 i908
Drolts de traductIon et de reproduction réservés pour tou! les pays,
'1 compris la Suède et Is Norvège.
LIBRARY ST. MARY'S COLLEGE
\
ÍÍ; - \1--ç;0}
"'\
- l
Science et Religion
D.\:'iS L.\
PUILOSOPUIE CONTEMPORAINE
INTRODUCTIOX
LA RELIGION ET LA SCIENCE
De l'antiquité grecque à la période contemporaine.
I. L\ r.f.I.IGIO
ET LA PIIII.O
r.PIIIE D-\NS L'A
TIQUlTí: GßECQlE.
II. LE \IO\"E:'é AGI'. - Le Chl'istianisme; Ies scolastiques; Ies mys-
tique::,.
lIT. L\ SCIE
CE ET I.
r.P.I.IGJO
DEPUIS L.\ Rf:
:\lss.ncE. - La Renais-
S3IlCe.- Les temps modcl'rlCs: Ie rationalismc; Ic romautismc.
- La science et Ia I'cligion séparées par une cloison étanche.
Avant d'aborder l'étude des rapports de la science
et de la religion, tels qu'ils se présentent dans la
!o'ocÏété actuelle, il y a intérêt à faire une revue rapidc de l'histoire de ce
rapports ùans les civilisations
dont la nôtre est rhéritière.
I
LA RELIGION ET LA PHILOSOPHIE DANS L'ANTIQUITÉ GRECQUE.
La religion, dans la Grèce antique, ne se trouve
pa;:; aux prises avec la science, telle que nous l'cnlcn-
Jon::; aujourd'hui, c'est-å-dire avec l'ensemble des
t
2
SCIExrE ET ItEIIGIOX
connalssanccs positives acquise
par l'humanité: mais
eUe se rencootre avec la philo
ophip, ou interpré-
tation rationnelle, soit des phénolllènes du Illondc
et de la vie
soit des croyances traditionnelles des
hommes.
La philosophie est née, pour une part, de ia reli-
gion el1e-nlt'me.
Cclle-ri. en Grèce, n'avail point à son service un
saccruoce organisé. Par suite, clIe ne s'exprimait pas
par des dognlPs arrptés pL obligatoires. Elle n'inlpo-
sait que des ritr
. actes extérieurs, rentrant dan
la
vie du citoyen. Elle étai t d'ailleurs riche de légen-
des. de mythes, qui ravis
aicnt l'ÎInagillation, instrui-
saient l'esprit ('t excitaient la réf1exion. Ð'où v('oaient
ces légcndcs? Sans doute, troyait-on. tie révélations
oubliécs; mais olles étaicnt si toufTl1es, si òiyerses,
i mouvanLes, et
en bien d
s ca
, si contradic-
toires, puériles. choquantes rt absurdûs. qu'il était
impossible. de n'y pas yoir l'æuvre des hommes à
cûté de la révélalion divine. Faire, dans les mylhes,
Ie départ du prirnitif et de l'adventice, eÙt été une
cntreprise vaine. EssentieBement artiste, d'ail1eurs,
Ie Grec a conscience, même quand il parle des
dieux, de jouer avec son sujet: et il dédaigne Ie sens
propre de.s histolfes qu'il racontc. D'autre part, ces
dieux qui auraient, selon la tradition, cnseigné aux
anciens le
rudiments des lègendes traditionnelles,
sont, eux-nlêmes, faillibles et bornés: ils n'en sayent
guère plus long quP les hOlnmes. La philosophie va done se développer très librement, au sein et it
la faveur de la mythologie populaire elle-même.
Elle commence, naturellement, par reni-er et battre
sa Iloürrice. (( Ce sont, dit Xénophane, les hommes qui
ont créé les dieux, car en ceux-ci ils retrouvent leur
propre figure, leurs sentiments, leur langage. Si les
I'TRODLCTIO
3
b(euf
avaienl pcinùre. ils donneraif'nt à leurs dieux
la forme de br.ellfs. lIomèrc et I1l
ic)(le ont attribué f
aux dif'uX tout ec cIui. chez les 110111I11CS, est honteux
et t:riulincl )). Lcs astrcs, déclare .Ana
aöore, ne
ont p3S des òiviuités, ce SOlIt des ma
se:; incan-
descC'ntp
. dC' la Tnc'mc nature quc les picrres tcrrcs-
(I'C':--. Certains sophi
tcs plaisantent sur les dieux eux-
111êmr!'. (( .Ip n'ai, disait Protagoras, à recherchcr ni
:-;i lcs dicux rxistf'nt, ni s'ils n'cxistcnt pas: bcaucoup
de choses m'cn CJnpêchent, nolamn1cl1ll'obscurité du
suj()t et la hrièveté df' la vie hu m aine )).
\in.;;i granflit la philosophie, frondeuse, supéríeure
on indiirérrnte it I'égard des croyances reliöieuses
nlOralt\n1CnL inòépcllliante, libre, n1êIne politique-
Inent: car.
i quelques philosophes furent frappés.
cc ne fut que pour Jcs détails, qui paraissaicnt con-
trcdi rc Ia reI igion pu bl i't ue.
Cc dévcluppeInent de ]a philo:-,ophie n'était autre
cho!5e que Ie dévcloPPCU1ent de l'intelligence ct de l::t
raison hun1aines; olles penscurs s'éprirC'nt it ce point
de cctte raison. qu'ils aspirèrent à en faire Ie principe
Je l'homn1c et de I'univcrs.
La tàche que. dt's 101':-;, S9 donna !a raison, co fut de
c prouver it ello-n1êrnc sa réalilé et sa pui
sance.
en face de la nécessité avcuglc, du flux univcrse!. du
ha
ard inrlitTércnt, qui sOlnble la seuIe loi dl1 nlonùe.
Elle s'inspira. dans ce travail. Jp la consideration
de l'art, Oll ron voit b. pcnsée de I'arli:ste aux prises
avec unc n1atière hétórogène, sans laql1elle clIe ne
pourrait se réaliscr. Cellc matière a sa forme, ses
lois, 8CS tendances propres; eUe est luJifTércnLe ou
Inème rcbclle à l'idée qu'on prélcnd Iui faire expri-
Iner. L'arLisle Ia rnaìtrise pourtant: bien plus, ilIa édnit, ct Ia fait tipparaitrc souple et sonrianLe dans
sa. forme d'cn1prunt. II scn1ble InainLcnant que Ie
?I
SCIEXCE ET nELIGIO
marbre aspirait à figurer Pallas ou Apollon, et que
l'arlbLe n'a fait que Inrltrc ses pub
ances en ]ibf'rté.
La raison
en fac0, de l'Anankè, ne :-;erait-elle pa'
dans une si tu (l \ ion (lnalogue? ScIon PJatoIl
se 10 It
Ari.;;:tote, I'Anankè.. ]a rnatière brule, nOcst pas fon-
cièrenlf'l1t hO::,li]e à ]a raison et à ]a mesure. PIll="
on
crlllc la nature de la raison et celie de la nlatièrl 1 ,
pillS on Ie:" voit
e rapprocher, s'appeler, se r
tlnir.
Dans la matière en ap parence la pIns ind{'l('r-
minée, déInontre ..\rbtole, il y a déjà de ]a forme.
La matièrc, au fond, n'est que la forme en puissance.
Donc, la rai
oll c
t, ct est efHcace, pui:-;quc, sans cll('.
ricn ùe ce qui est nc subsisterait Lei qu'il cst, [nai-.;
relournerait au chaos.
ous géIllissons sur la bru-
'-'
talité du sort, sur les lllisères eL les iniquités de Ia
,-ie, ct cela est jusle; mais Ie désordre n'cst qu'ull
aspect des choses : qui les regarde avec la rai
on y
relroüve ]a raison.
Les philosophes grecs se sont attachés à faire de
plus Cll plus haute. de plus en plus puissante, cette
raison dont ils avaient ainsi démêlé Ie rôle dans Ia.
nature. Et plus ils rexallaient. plus, en comparabon
des êtres qui parlici pent de la nlatière et du llon-êlrr,
elIe apparaissait COlnlne Inéritant e
cellemn1ent celle
qualilication de divine, qu'a,-ait proùiguée à l'aventure
la religion populaire. Toute la nature cst suspendue
à la raison, Inais toute Ia nature est ilnpuissante à
l'égaler, disait .Aristole; et, ùéll1ontranll'existence de
la pensée en soi, de Ja raison parfaite, il appelait
cette raison: Ie dieu. Si Jonc la raison se détollrnait
de la religion traditionnelle, c' était pour fonder, sur
la connaissance de la nature elle-mêlne, une rcligion
plus vraie.
Le dieu-raison n'est d'ailleurs pas une abslraction.
un raisouuewent. C'est Ie chef de la nature, c'est Ie roi
J:\TJ10Dt;CTIO
5
qui gOl1ycrnc tonlf'
cho
c
. A lui apparlient pI'oprf'-
Illent Ie BOllI de Zeus. h Tûut eet uni\"ers qui Luurlll'
da us Ie del. d i ra. en :::, 'ad ressant. it Zcus. Ie sloïcirIl
Cléanlhr, de luÌ-lnênle va Olr tu Ie m(\IIC
: Ta zuain,
qui licBl la [onùre, suumet toules chl)
es, les plus
f.!TtUHles COllllne lcs plus peliles, à la raison univcr-
selle. Bien, n ulle part, 11.. s'acco m "Ii t sans Loi ; ricn,
i Le n'e
t Le que fonllc::" mel'hallls dans leur folic.
[ais lu
ai:5. d'un non1Lre illlpair, faire un IHHllbre
pail': lu rCllll
harmOllicusf's les cho
es (lis('ol'oaules ;
OllS Lon reganl, la hainf'
e change en amitié. 0 Di('u,
qui oerrière lc
nuages comlnande
au tonnerrc, relire
Ie::; hOlll m cs de' leur fUlle:-- tc ig()oran
e, dissi pc Ie::;
Iluage:-; qui uu
curl"issent Il'ur Ùn1C. Ò père ! et dOllnc-
leur de partiei per à },intcll igcncc, par laq uelle tu
gou\"crnes tontes chnscs aycc jusLice, afin flue nous
te renrlions honnenr pour honnenr, céléLrant tes
(PU\TCS sans relâchc, eÛlnnlC il conviC'nt it oes 0101"-
lob. Car, soiL pour les nlortcls, soit pour les dieux,
il n'cst pas òe prérügalivc pll1
haute quc de célé-
breI' éLernellemenl, par de dignes paroles, la loi uni-
,"er
cllc )).
Tellc c
t la rc!igioll philosophique. E
t-ellc l'ennemie
irréeondliablc de la religion populaire? Tout n'cst-il,
à sc
YPtJx. que fanlai
ic, òé
ordrc et chaos dans ces
nlyLlH\
que Ie leHlps a resfJcrté
, qu'il a consaerés?
Le peuple a divinisé les a
tre
.
Iais les astres, par la
réölliarilé parfaite de lcnr
Inollven1t\nt, ne sonl-ils
pas ùes n1allire
Lations direcles de la lui, c'est-à-dire
de la rai
on, ùe Dieu'? Le peuple adore Jupiter comme
Ie roi des dicllx et oc
hOBl nlC
. Cette croyancc ne
recèle-l-elle pas lc bcntiment de la eonnexion qui lie
entre clle"" toulcs les partics ùe ruuivers, et qui en
forme eonllllC un ('orp
uniqup, souJni:;; à une âme
COIIlldUUC'! La reljgion conllnaw.le Ie r('
pcet des luis,
1.
6
CIF:\'CE ET RELIGIO,
Ill. fidé1ilé au df'yoir. la piété env('r
les l
lorts
ellè
prêtc à la faibles
e llllluaine rappui df\ divinité
tutélaiI c
.
'e
t-èlle pa
. en cela
l'inlerpl'èle ct
l'auxiliail'c de la raison? La raison, qui est Ie di
u
véritablc, n'e
l pas inaLces::;ible à l'horl1Il1e : il y par-
ticipe. Les reli
ion
I'euycnt donc ètre å la fois hu-
Inai Bes et d ignes dc respect. II appartient à la philo-
sophie de pénéLrer Ie rapport
ecret des dnctrine
t radiLionnellc:-, it la raison univcrsellc. et de Dlainlenil'.
de ces doctrines. tout ce qui contient quelqut"} àn1C de
vérité.
C'est ainsi que 13. philosophie se réconcilia peu à
peu avec la rrli
ion. DéjÙ Platon eL Ari
totc accueil-
lent la croyancc traditionnellc à Ill. divinité du ciel et