Les instituteurs, les paysans et l'ordre républicain - article ; n°1 ; vol.17, pg 37-61

Francine Muel

Description

Actes de la recherche en sciences sociales - Année 1977 - Volume 17 - Numéro 1 - Pages 37-61
Die Lehrer, die Bauern und die republikanische Ordnung. Diese Arbeit stützt sich auf die Analyse der Autobiographien von Lehrern, die Jacques Ozouf 1964 fur eine Untersuchung über die überlebenden Lehrer der Belle Epoque zusammengetragen hat, und auf die Untersuchung der republikanischen Unterrichtsauffassungen, wie sie aus der Lehrerbildung zu einer Zeit hervorgehen, in der ein «Lehrkörper» die «lehrenden Individuen», wie sie Jules Ferry nante, ablösen sollte. Wenn man die Beziehung, die der republikanische Lehrer mit seinem Beruf unterhält (Berufung und Auftrag), und seine Sichtweise der sozialen Welt, die er weitergibt (eine kulturelle Sichtweise der sozialen Welt und ein sozialer Moralismus), auf sein soziales Herkunftsmilieu und seine ihm aufgezwungene Berufsbildung zurückführt, kann man den moralisierenden Interpretationen entgehen, die aus dem Lehrer zu Beginn der III. Republik den Meister des sozialen Konservatismus und den Handwerker der Befreiung des «Volkes» machen. Wenn auch die Berufsethik hauptsächlich auf der verinnerlichten Ehrfurcht vor der «hohen Kultur» und auf der Uberzeugung der Grenzen ihres Wissens beruht, die die fur die Volksschulen legitimen kulturellen Bereiche definieren -die immer auf die kulturelle Ordnung zurückgefuhrt werden-, so tragen auch die Familiengeschichten dieser Lehrer zum Bewusstsein ihrer Grenzen bei ; die Volksschullehrer sind Anhänger der republikanischen Thesen von der befreienden Schule und der Meritokratie aufgrund ihrer eigenen sozialen Erfahrung der Befreiung durch die Schule. Sie haben daher dem làndlichen Milieu gegenüber eine beobachtende den Astheten oder Ethnologen ähnliche Haltung, die Zeichen einer Solidarität mit ihrem Herkunftsmilieu ist, die sie gleichzeitig aufrechterhalten und in Frage stellen.
Schoolteachers, Peasants, and the Republican Order This work is based, in part, on an analysis of the autobiographies of primary school teachers collected by Jacques Ozouf as part of the survey he conducted in 1964 among surviving schoolmasters of the Belle Epoque. It draws, as well, on a study of republican ideas about mass education as revealed especially in the methods used to train student teachers at normal schools during the period of the development of the «teaching corps» which was to take the place of the «teaching individuals», in the words of Jules Ferry. The author considers the relationship of the republican schoolteacher to his profession (vocation and mission) and the vision that he has -and transmits- of the social world (cultural vision of the social world and social moralism). He shows that it is possible, if these factors are related both to the sociological characteristics of the teacher's original milieu and to the professional training imposed on him, to analyze them in such a way that they remain free of the moralizing interpretations which make the schoolmaster of the beginng of the Third Republic into either the champion of social conservatism or the artisan of the liberation of «the people». While the professional ethic rests simultaneously on the inculcation of respect for «high culture» and on the conviction of the modesty of their knowledge, thereby defining legitimate cultural territories for the «primary» school teachers -who are constantly reminded to conform to the cultural order-, the teachers family histories themselves generate a consciousness of limits. Personal social experience of the liberating potential of schooling having thus prepared them to adhere to the republican theses of meritocracy and of the liberation offered by education, the elementary school teachers are likewise predisposed to view the rural world with the eyes of an observer, an esthete, or an ethnologist - sign of a solidarity unlikely to be found in their original milieu.
Ce travail s'appuie sur l'analyse d'autobiographies d'instituteurs recueillies par Jacques Ozouf lors de l'enquête qu'il a réalisée en 1964 auprès des maîtres d'écoles survivants de la Belle époque et sur l'étude des conceptions républicaines en matière d'éducation populaire telles qu'elles apparaissent notamment dans les procédures de formation des élèves-maîtres à l'école normale dans une période de constitution du «corps enseignant» qui doit se substituer à des «individualités enseignantes» selon les expressions de Jules Ferry. Le rapport qu'entretient l'instituteur républicain à son métier (vocation et mission) et la vision qu'il a -et transmet- du monde social (vision culturelle du monde social et moralisme social) rapportés à la fois aux caractéristiques sociologiques de son milieu d'origine et à la formation professionnelle qu'on lui impose, peuvent échapper aux interprétations moralisantes qui font du maître d'école des débuts de la IIIe République le champion du conservatisme social ou l'artisan de la libération du «peuple». Si éthique professionnelle repose tout la fois sur l'inculcation du respect de la haute culture et sur la conviction de la modestie de leur savoir, définissant ainsi aux primaires -sans cesse rappelés ordre culturel- des territoires culturels légitimes, les histoires familiales des ins tituteurs sont elles aussi porteuses une conscience des limites ; ainsi préparés adhérer aux thèses républicaines de école libératrice et de la meritocratie à partir d'une expérience sociale personnelle de libération par l'école les enseignants de l'école élémentaire sont également prédisposés à porter sur le monde rural un regard observateur d'esthète ou d'ethnologue, signe une solidarité conservée mais discutée leur milieu d'origine.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: Actes-de-la-recherche-en-sciences-sociales
• Publié le: 01 janvier 1977
• Nombre de lectures: 45
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 5 Mo

Extrait

Francine Muel-Dreyfus
Les instituteurs, les paysans et l'ordre républicain
In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 17-18, novembre 1977. pp. 37-61.
Citer ce document / Cite this document :
Muel-Dreyfus Francine. Les instituteurs, les paysans et l'ordre républicain. In: Actes de la recherche en sciences sociales. Vol.
17-18, novembre 1977. pp. 37-61.
doi : 10.3406/arss.1977.2575
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1977_num_17_1_2575Résumé
Ce travail s'appuie sur l'analyse d'autobiographies d'instituteurs recueillies par Jacques Ozouf lors de
l'enquête qu'il a réalisée en 1964 auprès des maîtres d'écoles survivants de la Belle époque et sur
l'étude des conceptions républicaines en matière d'éducation populaire telles qu'elles apparaissent
notamment dans les procédures de formation des élèves-maîtres à l'école normale dans une période de
constitution du «corps enseignant» qui doit se substituer à des «individualités enseignantes» selon les
expressions de Jules Ferry.
Le rapport qu'entretient l'instituteur républicain à son métier (vocation et mission) et la vision qu'il a -et
transmet- du monde social (vision culturelle du monde social et moralisme social) rapportés à la fois
aux caractéristiques sociologiques de son milieu d'origine et à la formation professionnelle qu'on lui
impose, peuvent échapper aux interprétations moralisantes qui font du maître d'école des débuts de la
IIIe République le champion du conservatisme social ou l'artisan de la libération du «peuple». Si éthique
professionnelle repose tout la fois sur l'inculcation du respect de la "haute culture" et sur la conviction
de la modestie de leur savoir, définissant ainsi aux "primaires" -sans cesse rappelés ordre culturel- des
territoires culturels légitimes, les histoires familiales des ins tituteurs sont elles aussi porteuses une
conscience des limites ; ainsi préparés adhérer aux thèses républicaines de école libératrice et de la
meritocratie à partir d'une expérience sociale personnelle de libération par l'école les enseignants de
l'école élémentaire sont également prédisposés à porter sur le monde rural un regard observateur
d'esthète ou d'ethnologue, signe une solidarité conservée mais discutée leur milieu d'origine.
Abstract
Schoolteachers, Peasants, and the Republican Order
This work is based, in part, on an analysis of the autobiographies of primary school teachers collected
by Jacques Ozouf as part of the survey he conducted in 1964 among surviving schoolmasters of the
Belle Epoque. It draws, as well, on a study of republican ideas about mass education as revealed
especially in the methods used to train student teachers at normal schools during the period of the
development of the «teaching corps» which was to take the place of the «teaching individuals», in the
words of Jules Ferry. The author considers the relationship of the republican schoolteacher to his
profession (vocation and mission) and the vision that he has -and transmits- of the social world (cultural
vision of the social world and social moralism). He shows that it is possible, if these factors are related
both to the sociological characteristics of the teacher's original milieu and to the professional training
imposed on him, to analyze them in such a way that they remain free of the moralizing interpretations
which make the schoolmaster of the beginng of the Third Republic into either the champion of social
conservatism or the artisan of the liberation of «the people».
While the professional ethic rests simultaneously on the inculcation of respect for «high culture» and on
the conviction of the modesty of their knowledge, thereby defining legitimate cultural territories for the
«primary» school teachers -who are constantly reminded to conform to the cultural order-, the teachers
family histories themselves generate a consciousness of limits. Personal social experience of the
liberating potential of schooling having thus prepared them to adhere to the republican theses of
meritocracy and of the liberation offered by education, the elementary school teachers are likewise
predisposed to view the rural world with the eyes of an observer, an esthete, or an ethnologist - sign of
a solidarity unlikely to be found in their original milieu.
Zusammenfassung
Die Lehrer, die Bauern und die republikanische Ordnung.
Diese Arbeit stützt sich auf die Analyse der Autobiographien von Lehrern, die Jacques Ozouf 1964 fur
eine Untersuchung über die überlebenden Lehrer der Belle Epoque zusammengetragen hat, und auf
die der republikanischen Unterrichtsauffassungen, wie sie aus der Lehrerbildung zu einer
Zeit hervorgehen, in der ein «Lehrkörper» die «lehrenden Individuen», wie sie Jules Ferry nante,
ablösen sollte. Wenn man die Beziehung, die der republikanische Lehrer mit seinem Beruf unterhält
(Berufung und Auftrag), und seine Sichtweise der sozialen Welt, die er weitergibt (eine kulturelle
Sichtweise der sozialen Welt und ein sozialer Moralismus), auf sein soziales Herkunftsmilieu und seine
ihm aufgezwungene Berufsbildung zurückführt, kann man den moralisierenden Interpretationen
entgehen, die aus dem Lehrer zu Beginn der III. Republik den Meister des sozialen Konservatismus undden Handwerker der Befreiung des «Volkes» machen.
Wenn auch die Berufsethik hauptsächlich auf der verinnerlichten Ehrfurcht vor der «hohen Kultur» und
auf der Uberzeugung der Grenzen ihres Wissens beruht, die die fur die Volksschulen legitimen
kulturellen Bereiche definieren -die immer auf die kulturelle Ordnung zurückgefuhrt werden-, so tragen
auch die Familiengeschichten dieser Lehrer zum Bewusstsein ihrer Grenzen bei ; die Volksschullehrer
sind Anhänger der republikanischen Thesen von der befreienden Schule und der Meritokratie aufgrund
ihrer eigenen sozialen Erfahrung der Befreiung durch die Schule. Sie haben daher dem làndlichen
Milieu gegenüber eine beobachtende den Astheten oder Ethnologen ähnliche Haltung, die Zeichen
einer Solidarität mit ihrem Herkunftsmilieu ist, die sie gleichzeitig aufrechterhalten und in Frage stellen.es insiuleurs
es paysans et
rancine ordre muel républicain
Expériences scolaires de «cultures démonstrati
ves» ; M. Roubert , instituteur à Menton , remporte
un prix à l'exposition universelle de 1900. Col
lections historiques de l'INRDP, EVT ag 37154.
|,, tj| :
P.v/
38 Francine Muel
dont on a l'ambition de faire des éducateurs. Maur
ice Talmeyr, chroniqueur à la très conservatrice
Revue des deux mondes, parle ainsi des institu
trices : «La grande majorité des femmes qui ensei
gnent ou se destinent à enseigner vient de bas,
avec des appétits et des prétentions : peu de morale
et pas d'éducation. A-t-on de quoi remédier à ces
origines ?» (3). Emile Devinât, qui fera de l'école
normale de la Seine le modèle achevé de la bonne
école normale (4) souligne que «sans confondre
avec les principes de la conscience les règles de la
civilité puérile et honnête, l'école normale s'appli
que à faire respecter ces règles autant qu'il se peut
avec des jeunes gens sortis de la classe ouvrière» (5).
Un passé paysan
Lorsqu'ils s'interrogent sur le «péril primaire» (1), Les informations recueillies par Jacques
notamment dans les périodes d'intensification des Ozouf sur l'origine sociale des instituteurs ayant
luttes sociales ou à l'occasion de projets de réfor exercé avant la guerre de 1914, donnent le moyen
mes scolaires risquant de remettre en cause les hié de confronter cette imagerie sociale à une analyse
rarchies culturelles dominantes, les artistes, écri sociologique et, par là, d'en éclairer les fonctions
vains, journalistes, universitaires et «spécialistes» idéologiques. En effet, dans la mesure où les ins
de la philosophie sociale qui constituent la droite tituteurs qui ont répondu à cette enquête fournis
du champ intellectuel mettent la «basse origine so sent des informations non seulement sur le métier
ciale» des instituteurs au coeur d'une image so de leurs parents, mais aussi sur le capital culturel et
ciale de l'école primaire laïque comme foyer révo social de leur famille, et parfois sur la trajectoire
lutionnaire. «Plaise au ciel qu'ils (nos petits pay sociale de leur lignée paternelle ou maternelle (dé
sans) n'emportent pas de nos écoles à haute pres placements géographiques, changements d'activi
sion un pêle-mêle de connaissances superficielles tés &