Les Craies de couleur
195 pages
Français

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Description

Gérant d'une agence immobilière, tourmenté par son divorce et sa participation à la guerre d'Algérie, Adrien vit seul avec son fils, Jérémie, qu'il abandonne à sa grand-mère prévenante. Au cours de la visite d'un appartement pour la nouvelle institutrice du village, il tombe immédiatement sous son charme.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 80
EAN13 9782812918780
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Table des matières
Couverture L'auteur Du même auteur Citation I - Rosette II - Le lac des Fadets III - Une nouvelle station de ski IV - Diane V - Installation VI - Premiers contacts VII - Rentrée des classes VIII - Diane trouve ses marques IX - Confidences entre amies X - Récidive XI - Disparition XII - Réminiscence XIII - Bertrand XIV - Cadeau de mariage XV - Hiver XVI - Noël XVII - Un autre Noël XVIII - Enfantillages XIX - Pierre se déclare XX - Promesse XXI - Grande détresse XXII - Engagement XXIII - Les démineurs XXIV - Explications XXV - Sports d’hiver XXVI - Grenier en feu XXVII - Démasqués XXVIII - Adieu Bertrand XXIX - Jeux dangereux XXX - Comme un arc-en-ciel 4ème de couverture
Institutrice puis directrice d’école,Josette Boudouest l’auteur de nombreux romans à succès comme Le Printemps d’Antoniaet Les Grillons du fournil. Elle consacre son temps à l’écriture et au journal d’une association culturelle. L’académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Clermont-Ferrand lui a décerné le prix Gandois 2005 pour son romanMur de la destinée Le . En 2008, elle a obtenu le prix Lucien Gachon pour Les Chemins de toile.
LESCRAIES DE COULEUR
Du même auteur Aux éditions De Borée La Maison d’école, Terre de poche La Nuit des abeilles, La Ronde des saisons Le Mur de la destinée, Terre de poche, prix Gandois 2005 Le Printemps d’Antonia, Terre de poche Les Chemins de toile, prix Lucien Gachon 2008 Les Feux de Bois-Colombes Les Grillons du fournil, Terre de poche Marie, fille des montagnes
En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français d’exploitation du droit de copie, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. © , 2012
JOSETTEBOUDOU
LESCRAIES DE COULEUR
De la femme vient la lumière, et le soir comme le matin autour d’elle tout s’organise.
Louis ARAGON
I
Rosette
EPUIS QUELQUES SEMAINES, dès la sortie de l’école Jérémie n’avait D qu’une hâte : gagner la ferme de Baptiste Bugeat et courir au pâturage. Là, il retrouvait avec bonheur Rosette, un tout jeune v eau femelle qu’il considérait comme sa meilleure amie. Martial, le domestique, était tout attendri de voir le bonheur de l’enfant lorsqu’il caressait le front de Rosette. Et le jeune animal s emblait apprécier au plus haut point les flatteries du petit garçon, frottant son museau au creux de sa main ou le poussant amicalement du front. « Pauvre gamin, songeait alors le brave homme, sa g rand-mère l’aime, certes, mais il voit trop peu son père. Quant à sa mère, au tant dire qu’il en a jamais eu… » Martial hochait la tête en soupirant. Quel âge avai t donc le petit quand sa mère avait disparu ? À peine plus d’un an sans doute. He ureusement que Gaby était là, et aussi Louis son second mari, pour recueillir le malheureux gamin. Son père, à l’époque, était sur le point de franchir la Méditerranée, envoyé de force, comme tant d’autres, « maintenir l’ordre » dans un pays qui ne voulait plus de Français sur son sol. Grâce au ciel, Adrien en était revenu, mais ce qu’i l avait vu là-bas – et dont il ne parlait jamais – l’avait tellement changé que ce ux qui l’aimaient le reconnaissaient à peine. Et, bien sûr, le départ de Murielle n’avait rien facilité, hélas ! Et puis, se remémorait encore Martial, le jour où l a femme d’Adrien avait disparu, justement, on avait retrouvé Célestin, le frère de Louis, mort derrière la maison. Comment avait-il pu tomber en arrière pour se briser la nuque sur le muret du jardin potager ? Le médecin avait affirmé que, pris de malaise, l’homme avait sans doute chuté brutalement. Pourtant, Marti al n’était toujours pas convaincu : le malheureux n’aurait-il pas dû tomber plutôt en avant ? Ou, à la rigueur, sur le côté ? On ne le saurait jamais, il n’y avait eu aucun témoin. Quatre années plus tard, l’énigme restait la même. Enfin, de son point de vue à lui. Apparemment, ni Louis ni sa femme ne s’étaient posé de questions. Pour eux, la mort du vieux célibataire était un accident, un poi nt c’est tout. Martial, à l’époque, en avait longuement débattu avec Justine, son épous e. De guerre lasse, celle-ci lui avait conseillé de cesser ses interrogations et d’admettre, comme tout le monde, la thèse du médecin ; cette dernière ne pouv ait qu’être la vérité, il n’y avait pas à revenir dessus. Ce jour-là, Jérémie arriva hors d’haleine chez sa g rand-mère, tant il avait couru. Il s’empara de son goûter préparé sur la tab le de la cuisine pour ressortir précipitamment. « Mais prends le temps de manger, tout de même ! gronda Gaby. Tu devrais… – Je mangerai là-haut, t’inquiète pas, mémé, à tout à l’heure ! » Gaby s’en voulait de n’avoir pas retenu le petit. I l allait être tellement déçu, malheureux, elle le savait. En découvrant l’absence de Rosette, Jérémie eut la sensation que son cœur s’arrêtait soudain de battre. Peut-être Baptiste et Martial avaient-ils commencé la
traite un peu plus tôt ce jour-là, et les veaux non sevrés étaient rentrés à l’étable avec leur mère. Rosette, sans doute aucun, était dé jà à l’intérieur. « Elle est où, Rosette ? » cria le gamin dans la pé nombre de l’étable. Sans répondre, les deux hommes baissèrent le front sur l eur ouvrage. Le lait giclait dans les seaux avec un minuscule bruit de fontaine tandis que, sur le seuil, Jérémie tapait du pied. « Qu’est-ce que tu en as fait, Baptiste ? Tu l’as v endue, c’est ça ? » La voix du gamin s’étrangla tout à coup. Il se rua au-dehors, entra en trombe dans la laiterie où s’affairaient la femme de Bapti ste et sa jeune bonne. « Amélie, dis-moi ce que les hommes ont fait de Ros ette ! Ils l’ont menée à la foire ? Dis, dis-moi ! S’il te plaît ! » Jérémie s’était jeté sur la fermière et secouait sa blouse en s’y agrippant des deux mains. La femme tentait vainement de le calmer lorsque Gaby arriva, tout essoufflée. « Allons viens, sois raisonnable, Mouchette t’atten d… – Je veux Rosette, sanglotait le petit, je veux la voir. Dites-moi qu’on l’a pas vendue au boucher… » Il levait vers sa grand-mère des yeux noyés de larm es dans son petit visage crispé par le chagrin. Le cœur de Gaby se serra. Du haut de ses cinq ans, le gamin semblait porter sur lui toute la misère du mo nde. « Non, non, mentit la fermière, Baptiste l’a vendue à un fermier de Grandeyrolles, elle sera pas malheureuse, je te pro mets. » Avec quelques mots d’excuses, Gaby entraîna son pet it-fils au dehors, sécha ses larmes, l’embrassa. « Il y a d’autres veaux à la ferme, tu sais bien… – Les autres m’intéressent pas, c’est Rosette que j ’aimais, elle seulement ! Baptiste, je le déteste, je lui parlerai plus jamai s, de toute ma vie ! »
* * *
Le soir, au dîner, Jérémie, les yeux gonflés et rou ges, baissait obstinément la tête sans toucher à son repas. Les paroles persuasi ves de Gaby n’y changeaient rien. Alors, une fois n’est pas coutume, Louis se f âcha en tapant du poing sur la table et le gamin sursauta, interdit. « Mange ! C’est la dernière fois qu’on te le dit, a près tu files dans ta chambre le ventre vide. Baptiste ne va tout de même pas te demander ton avis pour vendre ses bêtes ! » Surprise par l’intervention inhabituelle et le ton de son mari – il avait toujours fait preuve d’indulgence envers celui qu’il considé rait comme son petit-fils –, Gaby fronça les sourcils. « Allons, dit-elle, conciliante, c’est fini mainten ant, mange un peu et on n’en parle plus, d’accord ? » Impressionné par la subite colère de Louis, son pép é qu’il aimait tant, le gamin ravala ses larmes, s’efforça de manger quelques cui llerées de potage à peine tiède. Quand, sa toilette terminée, il monta l’escalier po ur gagner sa chambre, il
s’empara de Mouchette, la petite chatte grise roulé e en boule sur le paillasson du palier. Pourvu que sa grand-mère ne s’en aperçoi ve pas, elle lui interdisait de prendre la chatte dans son lit… Gaby, qui suivait l e petit à quelque distance, fit mine de ne pas remarquer Mouchette, déjà installée sur l’édredon. « Allez, mon petit lapin, dors vite maintenant. Tu sais que demain, nous serons samedi, ton papa viendra dîner avec nous, n’est-ce pas ? Et tu l’auras pour toi tout le dimanche, ce sera bien, non ? » Jérémie acquiesça d’un signe de tête avant de jeter les bras autour du cou de celle qui l’élevait avec tendresse, depuis l’époque où il marchait à peine et dont il n’avait aucun souvenir. Elle lui mit deux gros bais ers sur les joues, caressa ses cheveux tandis qu’il murmurait à son oreille : « J’irai plus jamais voir les bêtes à la ferme, plu s jamais ! D’abord, je suis trop en colère contre Baptiste, et puis, comme ça, je ri squerai plus de devenir ami avec un des petits veaux, et je serai pas malheureu x. »
* * *
Gaby ne parvenait pas à trouver le sommeil. À ses c ôtés, Louis respirait paisiblement, parti depuis longtemps au pays des so nges. Il avait jardiné tout le jour et, à soixante-deux ans, la fatigue se révélai t pour lui le meilleur des somnifères. Sa compagne aurait tellement voulu éviter à son pet it-fils l’immense peine qui, ce soir, l’avait submergé. En dépit de son bon cœur, elle n’avait jamais pardonné à Murielle l’abandon de son enfant, encore bébé. Sa ns elle, sans Louis, Jérémie se serait retrouvé en nourrice jusqu’au retour de s on père. Et, en ce mois de mai 1962, si Adrien n’était pas revenu de cette Algérie à peine pacifiée ? De toutes ses forces, Gaby repoussait l’image de son fils mort. Grâce au ciel, il lui avait été rendu deux ans plus tôt, sans la moindre blessure p hysique. Mais sa mère n’ignorait pas que les seize mois passés « au servi ce de la France » – cette expression n’était-elle pas inappropriée, d érisoire même, cette guerre-là n’ayant rien de comparable avec le second confli t mondial, durant lequel les résistants s’étaient acharnés à chasser les nazis p our reconquérir la liberté –, ces seize mois l’avaient rendu taciturne, méconnais sable. Un pli amer barrait les coins de sa bouche qui ne souriait plus ou à peine lorsqu’il jouait avec son petit garçon. Sa mère, hélas, n’avait pas pu lui cacher le départ de sa femme, cinq mois seulement avant son transfert de la caserne de Mont élimar à Marseille d’où il avait embarqué en direction des côtes algériennes. Il s’étonnait de ne plus recevoir de lettres de Murielle, et il avait bien f allu lui révéler qu’elle était partie sans aucune explication, laissant derrière elle son fils de seize mois. Dès lors, Gaby avait tremblé davantage encore : Adrien n’allait-il pas s’exposer volontairement au danger, oubliant son petit garçon qu’il connaissait si peu ? Marié depuis quelques semaines lorsque son sursis d ’étudiant en droit avait été dénoncé, le jeune homme bénéficiait d’une faveu r infiniment appréciable à l’époque. Sur les vingt-huit mois et demi de servic e militaire obligatoires, il passerait un an sur le sol français, à l’abri des m ultiples attentats qui décimaient
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