Chroniques Verticales - Saison 2 épisode 1

Laurent Copet

Description

Vol Parfait a quitté le clan, et certains s’inquiètent : lorsqu’il deviendra père, Lost Arrow accèdera au statut de chef ouvreur. Ne faudrait-il pas fuir et constituer un nouveau clan ? Ou faut-il rester, quels qu’en soient les risques, pour plaire aux dieux et poursuivre l’Ascension ?

Sujets

• Fantasy
• Fiction
• Aventure
• Fantasy (canción de Mariah Carey)

Informations

• Publié par: Realities inc
• Nombre de lectures: 1
• EAN13: 9791095442318
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 3 Mo

Extrait

Chroniques verticales
Laurent Copet
Saison 2 - Épisode 1
1
 
En apparence, l’intersaison se déroulait normalement. Mais Brouillard Givrant savait qu’il n’en était rien. Il régnait sur la cassure un climat détestable. Le chiffreur s’employait à faire surveiller sans relâche certaines personnes, à défaut de pouvoir s’en débarrasser. Mais le complot enflait, le mécontentement latent d’une minorité se propageait petit à petit et commençait à gagner le cœur du clan.
La solution du problème ne se trouvait pas au sein du Conseil, il le savait. Les membres ne représentaient qu’une petite partie du clan. Non, la véritable force se situait dans la masse, les anciens, les femmes, les jeunes, les saisonniers, tous les individus résolus à se plier par habitude à l’autorité du Conseil. Et sans chef, l’autorité en question se trouvait mise à mal. Pour la plupart, les gens ne réagissaient pas, ils attendaient, ils se contentaient de vivre et de remplir leurs obligations. Mais certains commençaient à changer. Ils tramaient quelque chose. Brouillard Givrant ne savait pas quoi, mais il comptait bien le découvrir.
La femme de Lost Arrow était sur le point d’accoucher. Brouillard Givrant n’en pouvait plus d’attendre. Il fallait que cela arrive. Lost Arrow accéderait alors au statut de chef et ensemble ils pourraient agir avec plus d’efficacité contre les renégats. Pour l’instant, ils s’appuyaient sur les réunions officieuses qu’ils tenaient chaque soir, des conseils qui ne disaient pas leur nom. Brouillard Givrant invitait chaque fois Lost Arrow à se joindre à eux. Les membres suspects, Akira, Gringo Loco n’étaient pas prévenus. Et tous les soirs, Brouillard Givrant scrutait l’assemblée pour déterminer lesquels des individus qui se tenaient face à lui cachaient des traîtres acquis à la cause de Mendeku et des siens.
Avec un malaise grandissant, le chiffreur sentait les choses lui échapper. Il essayait autant que possible de mêler des hommes de confiance aux groupes qui se formaient au sein du clan. Aucune violence n’avait jusqu’ici émaillé l’intersaison, mais le trouble gangrénait le clan. La liste des dissidents ne cessait de s’allonger. Celle des suspects aussi. La veille au soir, pendant leur réunion, quelqu’un avait suggéré qu’on les élimine purement et simplement. Impossible, avait rétorqué Brouillard Givrant. Leur nombre s’élevait à une trentaine, et même si une bonne partie était constituée d’anciens, cela représentait une trop grosse perte pour le clan. Oui, le clan avait besoin d’un tanneur, même s’il s’agissait d’un rustre comme Gringo Loco. On ne pouvait pas non plus se passer de pitonniers. La réussite de l’ascension, Brouillard Givrant était bien placé pour le savoir, reposait sur l’unité du clan, sur son équilibre. Le chiffreur avait déjà calculé les pertes acceptables. Or, les dissidents étaient bien trop nombreux à présent.
Brouillard Givrant n’avait pas parlé aux autres de cette partie de son raisonnement. Il s’en était tenu à l’argument principal, empreint de logique et de sagesse : l’absence de chef ne permettait pas d’action forte. Les gens avaient besoin de se raccrocher à la normalité. Lorsque Lost Arrow sera père, avait dit le chiffreur, les gens le considèreront naturellement comme le nouveau chef ouvreur et se soumettront à lui. Il sera alors temps d’agir.
D’un pas décidé, le chiffreur se dirigea vers l’extrémité de la cassure où les membres avaient pris l’habitude de se réunir tous les soirs. Les rayons d’El Cap illuminaient encore la Falaise. Brouillard Givrant préférait s’y rendre tôt. Il devait réfléchir, s’imprégner de son rôle, préparer ce qu’il avait à dire.
Une fois arrivé, il s’assit sur un rocher, le même que chaque soir, et se mit à martyriser les mots dans sa tête, jusqu’à façonner un discours convenable. Petit à petit émergea un plan, osé, brutal et terriblement efficace. Ce soir, il en ferait part aux membres ; l’audace de son projet relevait d’une entreprise risquée. Certains pourraient en être choqués. Il savait qu’il devait les convaincre. Pas simplement les informer, ni même les consulter, non, il fallait qu’il les soumette par la force de ses mots. L’exercice, périlleux, l’excitait par avance.
Une longueur de temps plus tard, lorsque Fantomastic vint le rejoindre, le plan avait mûri et, plus important encore, les mots étaient prêts. Leur puissance ne demandait qu’à déferler.
Lost Arrow arriva à son tour, suivi d’Azincourt et des autres. Ils s’installèrent en silence, comme à leur habitude, et Brouillard Givrant désigna des sentinelles pour surveiller les alentours. Puis il observa l’assemblée. Tous attendaient, tous le regardaient. Comme s’ils étaient conscients de l’importance particulière de cette réunion. Même Lost Arrow semblait s’en remettre à lui. Alors il prit une profonde inspiration et commença à parler.
 
2
 
Salto Angel accéléra la cadence. Il arriva au lieu de rencontre et trouva Mendeku. « C’est bon, fit le jeune outilleur. Ils ont commencé. »
Mendeku hocha la tête. Ensemble, ils se dirigèrent vers l’extrémité opposée de la cassure. Les autres les attendaient. Ils s’installèrent sans perdre de temps.
« Mes amis, dit Mendeku, nous devons faire vite. Sitôt le Conseil terminé, Brouillard Givrant enverra plusieurs de ses sentinelles pour nous surveiller.
— Je suis sûr qu’ils n’imaginent même pas qu’on se réunit en même temps qu’eux, fit Salto Angel.
— Chaxi, reprit l’ancien shaman, où en est-on ?
— La cordée de Salathé réfléchit. Ils n’ont pas confiance en Lost Arrow pour mener le clan au Sommet…
— Mais ?
— Mais ils pensent que ce serait une erreur de partir. Salathé préfèrerait désigner un nouveau chef.
— On a déjà étudié la question ! s’exclama Akira. La majorité du clan se plie à l’avis des membres du Conseil. Et les membres n’accepteront jamais.
— Il faut convaincre plus de monde, suggéra Salto Angel.
— Comment ? Les opportunités sont de plus en plus rares. Ils nous traquent. Le jour de la naissance approche et alors il sera trop tard. Les indécis verront en Lost Arrow leur chef. Nous n’aurons plus qu’à suivre cet assassin. Je crois que je préfère encore partir seul, comme Vol Parfait.
— Du calme, Akira, murmura Chaxi. Il n’est pas dit que le clan se laisse manœuvrer aussi facilement.
— Combien sommes-nous ? demanda Mendeku.
— Trente-quatre. Insuffisant pour perpétuer le clan, si on considère la part d’anciens. Je pense qu’il faut attendre le dernier moment pour prendre notre décision. Attendre et profiter de la moindre occasion pour parler aux gens.
— Pour les manipuler ? demanda Akira. C’est ce que tu entends par là ? »
Le front de Chaxi se plissa. Une expression contrariée passa sur son visage. Il réfléchit un court instant avant de répondre. « Je suppose que oui. La situation est simple. D’un côté, il y a ceux qui ont le pouvoir et qui veulent le garder. De l’autre, il y a nous. Et au milieu…
— Pourquoi est-ce qu’on aurait plus raison qu’eux ? interrogea Salto Angel. Si j’ai bien compris, chacun manigance dans son coin pour parvenir à ses fins. Prendre le contrôle, garder le pouvoir, convaincre suffisamment de monde pour s’enfuir… Mais qui nous dit qu’on est dans le vrai ? Est-ce qu’on ne risque pas de détruire le clan et d’anéantir l’accession au Sommet si on s’en va ? »
Un long silence plana sur l’assemblée. Quelque part au-dessus de leur tête retentit le cri d’une greute. La Falaise renvoya un faible écho qui partit se perdre au loin. Finalement, les uns après les autres, tous les regards se tournèrent vers Mendeku. La question, essentielle et dérangeante, ne demandait rien d’autre qu’une réponse de la part de l’ancien shaman. Ce dernier prit tout son temps, les yeux mi-clos, les doigts plantés dans sa barbe épaisse. Puis il parla.
« Tu...