Les Règles économiques et leurs usages
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Description

Lorsqu’un patron donne un ordre à un salarié, comment celui-ci doit-il l’exécuter ? Avec quel engagement ? Avec quelle intensité ? D’une façon générale, sur quelles bases s’établit la confiance réciproque entre employés et employeurs ? Dans une société où toutes les relations entre les hommes sont soumises à des règles contractuelles, comment l’économie y échapperait-elle ? Les rapports économiques ne seraient-ils qu’une question de prix ? Dans ce livre, Bénédicte Reynaud montre, au plus près de la réalité vécue par les partenaires économiques, qu’il n’en est rien. Son analyse, menée au plan macroéconomique sur l’exemple de la désindexation des salaires en 1983 et au plan microéconomique sur l’introduction d’une prime de rendement à la RATP entre 1993 et 2001, nous montre quel type de règles suit le jeu de l’économie. Elle nous restitue ainsi, dans toute son humanité, la vie économique. Bénédicte Reynaud Bénédicte Reynaud, économiste, est directrice de recherche au CNRS.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2004
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738186997
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

BÉNÉDICTE REYNAUD
LES RÈGLES ÉCONOMIQUES ET LEURS USAGES
 
 
© Odile Jacob, février 2004 15, rue Soufflot, 75005 Paris
ISBN : 978-2-7381-8699-7
www.odilejacob.fr
Table

Introduction générale
PREMIÈRE PARTIE. RÈGLES MACRO-ÉCONOMIQUES
CHAPITRE 1. La mesure du chômage à la fin du XIXe siècle et son interprétation
Genèse de la règle statistique de chômeur
La signification de la règle de chômage apparaît dans l’usage
De la déclaration de sans-emploi à la catégorie de chômeur
Un siècle plus tard : la règle statistique de chômage et son interprétation
Conclusion
CHAPITRE 2. La désindexation des salaires en France
La crédibilité de la désindexation des salaires par rapport aux prix
Les règles comme instruments de la désindexation
La diversité des pratiques salariales depuis 1983
Conclusion
SECONDE PARTIE. RÈGLES MICRO-ÉCONOMIQUES
CHAPITRE 3. Les conditions de la confiance dans la relation salariale
La difficulté d’instaurer la confiance : le problème des intentions
Les codes et l’instauration de la confiance
Les conditions de stabilité de la confiance
Conclusion
CHAPITRE 4. L’introduction d’une prime salariale dans un Atelier de la RATP
Une règle interprétative
La transformation de la « règle interprétative » en une « règle prête à l’emploi »
Conclusion
CHAPITRE 5. Suivre des règles : implications pratiques
Incomplétude et pluralité des règles suivies
Les routines dans la littérature évolutionniste
Les routines et « le vide des règles47 »
Conclusion
CHAPITRE 6. La connaissance pratique du mode d’action des règles : la prime, la productivité et la qualité du travail dans l’Atelier (1992-2000)
Le ralentissement de la productivité du travail après l’instauration de la DEC
Les équipes sont comparables
EK1 : une politique d’avenants systématique pour maximiser la prime
EK3 : De la maximisation des UPP à une gestion prévisionnelle de la feuille de dettes
Micromécanique : s’assurer 50 % de la DEC
Conclusion
CHAPITRE 7. Règles, routines et habitus
Critiques de la conception mécaniste des règles
L’interprétation des règles et la force des usages
« Suivre des règles » et construire des stratégies d’application des règles
Conclusion
Notes
Liste des tableaux
Liste des graphiques
Liste des sigles
Références bibliographiques
Index des noms propres
Index des notions
Pour Jean-Louis
 
 
 
Ce livre s’appuie, pour une part essentielle, sur des recherches faites à l’Atelier de maintenance des équipements électroniques de la RATP. C’est Jean-François Révah qui, un jour de février 1993 où je désespérais de trouver une entreprise suffisamment ouverte aux chercheurs pour y étudier les effets de règles, me mit sur cette piste. Là-bas, je rencontrai le directeur de l’époque, M. Le Clech dont l’accueil fut sans réserve. Je lui en suis très reconnaissante. Mes remerciements s’adressent ensuite à l’un de ses successeurs, M. Philippe Miniou, de m’avoir fait une grande confiance pour poursuivre cette recherche, en mettant à ma disposition tous les documents qui m’ont été nécessaires. Il a fait preuve d’une grande disponibilité et d’un esprit d’ouverture exceptionnel. M. Moulec a répondu à mes questions concernant la reconstitution des séries statistiques avec beaucoup de patience et de gentillesse. Je remercie MM. Robinet, Gueux, Gaucher et Kremer, membres de la direction ou agents de maîtrise des équipes plus précisément étudiées, qui ont tous lu et discuté avec moi une version antérieure du chapitre 6. Sans l’accord des délégués syndicaux, et sans la coopération des opérateurs qui ont accepté que des observations soient faites dans leurs équipes, je serai passée à côté de beaucoup de réalités. Je dois à Anne Flottès, alors ergonome à l’Agence nationale de l’amélioration des conditions de travail, de m’avoir initiée à la pratique des observations du travail des opérateurs. Qu’elle soit vivement remerciée. Enfin, j’ai reçu l’aide d’Isabelle Chort qui a été d’une remarquable efficacité pour la fabrication des index.
C’est grâce à la confiance que Gérard Jorland m’a témoignée et à ses conseils judicieux que ce livre voit le jour.
J’ai bénéficié, pour tel ou tel aspect de ce travail, des conseils et encouragements de Pierre Bourdieu, Jérôme Bourdieu, Robert Boyer, Laurent Cordonnier, André Orléan, Stefano Palombarini et Thomas Piketty. J’éprouve une grande reconnaissance envers Pierre Bourdieu qui a pris du temps pour discuter plusieurs chapitres avec moi. Ses vifs encouragements ont été décisifs et m’ont permis de venir à bout de ce projet. Sa disparition en janvier 2002 marquera une coupure entre un « avant » et un « après » Pierre Bourdieu.
Enfin, je dédie ce livre à mon époux, Jean-Louis qui, non seulement ne s’est pas lassé de lire toutes les versions de ce texte, mais surtout m’a éclairée de son expérience du fonctionnement des organisations et enfin m’a apporté un soutien considérable les jours où je doutais de tout.
 
Bénédicte R EYNAUD ,
septembre 2003.
« Les règles ne découlent pas d’un acte de compréhension. »
 
Ludwig W ITTGENSTEIN ,
Les Cours de Cambridge, 1932-1935 .
Trans-Europ-Repress, 1992, p. 69.
 
Introduction générale
 
L’exécution du contrat de travail se heurte à tout instant à des problèmes d’interprétation. Concrètement, lorsqu’un employeur donne un ordre à un salarié, comment ce dernier doit-il se conformer à cet ordre ? Avec quel degré d’engagement ? Comment interpréter le commandement de faire son travail avec diligence si, comme le souligne David Marsden, « la diligence concerne non seulement l’intensité et le soin avec lesquels les individus travaillent, mais aussi leur fiabilité en matière d’assiduité et de respect des horaires 1  ». Lorsque, au XIX e  siècle, en France et ailleurs en Europe, le règlement intérieur des ateliers prévoit des amendes en cas de « négligence dans l’exécution du travail », comment apprécier ce jugement ? De la même manière, comment les employeurs font-ils pour contrôler le travail, et en particulier en mesurer l’intensité ? Les entreprises anglo-saxonnes vont plus loin encore en se demandant quelles stratégies leur permettent d’obtenir l’effort discrétionnaire maximal, problème que les continentaux ignorent encore largement en le réduisant à l’intensité du travail. D’une façon générale, comment employeurs et salariés décident-ils de se faire mutuellement confiance, sans avoir aucune garantie concernant les intentions de l’autre, et dans l’impossibilité d’en obtenir, puisque l’on ne saura jamais si une garantie d’intention (comme une promesse écrite de rembourser le prêt d’un ami) n’est pas seulement une intention de garantie (la promesse sert seulement à rassurer l’ami qui ne sera pas remboursé) 2  ? Ces questions traduisent la spécificité de la relation salariale que Karl Marx 3 décrit ainsi : « Si vous appelez le travail une marchandise, ce n’est pas comme une marchandise qui est produite en vue de l’échange et portée ensuite au marché, où elle doit être échangée contre d’autres marchandises (…). Le travail est créé au moment où on le porte au marché ; on peut même dire qu’il est porté au marché avant d’être créé 4 . » Marx exprime ce que les économistes contemporains appellent l’« incomplétude du contrat de travail 5  ». Celle-ci conduit à se référer aux usages et aux règles existantes de façon à expliciter les différents aspects de la relation salariale.
Alors que nombreux sont les économistes qui estiment que les prix ne sont pas les seuls outils de coordination et que les règles ou le commandement hiérarchique sont nécessaires, peu nombreuses sont les recherches qui explicitent comment les règles sont suivies pour que l’on puisse dire qu’elles permettent la coordination et la cohésion du monde social.
En effet, dans le modèle standard, l’individu suit d’abord son intérêt, ce qui implique, peut-être, de suivre des règles 6 . De quoi s’agit-il lorsque nous disons de cet individu qu’il suit la règle ? Il respecte une contrainte du programme de maximisation de son utilité. Celle-ci permet de rendre compatible la règle et l’intérêt individuel. De plus, les règles apparaissent comme des instruments permettant d’aligner les intérêts particuliers des membres d’une même organisation. De telles règles complètent le contrat de travail car le théoricien suppose qu’elles s’appliquent de façon mécanique. La théorie des incitations est sans doute celle qui développe le plus explicitement cette idée de règle 7 . Cependant, une telle vision technique et instrumentale des règles économiques oublie que ces règles sont aussi sociales, au sens où elles s’appliquent dans un monde réel, et non dans le monde rêvé et construit par le théoricien pour satisfaire ses exigences académiques.
Cependant d’autres courants d’analyse, très divers, mais dont on pourrait dire qu’ils se réfèrent tous à la notion de convention du philosophe David Lewis 8 , tentent d’expliquer des dynamiques collectives, macro- ou micro-économiques, à partir de règles, de conventions ou de normes 9 . Il s’agit des théories évolutionnistes 10 , des théories de la complémentarité et de la hiérarchie institutionnelle 11 , de l’économie des conventions 12 , des théoriciens de la firme comme Harvey Leibenstein, sans faire une liste exhaustive. Mais toutes ces formes non marchandes de coordination sont totalement abstraites. Le courant évolutionniste, qui s’appuie sur les algorithmes génétiques, importe la conception de la règle de l’intelligence artificielle : la règle définit strictement l’action à déclencher lorsque certaines conditions sont remplies 13 . L’expression logique correspondant à cette conception est : « Si X, alors Y. » Les individus internalisent les mêmes règles, ce qui élimine la question de leurs modes d’action 14 . Pour l’autre courant évolutionniste qui s’appuie sur la théorie des jeux 15 , la coordination signifie la sélection d’un équilibre parmi plusieurs possibles. Leibenstein étudie comment l’écha

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