Le Besoin de l’autre
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Description

La relation à l’autre, avec sa dynamique affective, a joué un rôle essentiel dans la coévolution biologique et socioculturelle de notre espèce et anime tout autant le développement biopsychosocial de chacun de ses membres. L’homme est à la fois créature et créateur de la culture, car il s’en nourrit en même temps qu’il l’alimente et qu’il la transmet de génération en génération. Dans ce dialogue du singulier et du collectif, le cerveau humain joue le rôle d’agence centrale de médiation, d’intégration, d’unification et d’adaptation. Dans la réflexion théorique sur la condition humaine comme dans les prises en charge plus concrètes de tel ou tel de ses aspects, il faut appréhender le sujet dans sa globalité en s’efforçant de décloisonner et en évitant de mutiler l’Homme en l’amputant de l’une ou l’autre de ses dimensions majeures. Si nous voulons concevoir et construire l’avenir de notre société, il faut commencer par clarifier notre vision de l’Homme-à-venir. C’est ce que propose ici Pierre Karli, scientifique autant qu’humaniste. Pierre Karli a notamment publié L’Homme agressif et Les Racines de la violence. Il a créé et dirigé un laboratoire de neurophysiologie du CNRS ; il a été président de l’université Louis-Pasteur de Strasbourg et est membre de l’Académie des sciences. En 2000, il a fondé, avec un groupe de théoriciens chercheurs et de praticiens acteurs de terrain, l’Institut pour la promotion du lien social (IPLS).

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 janvier 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738199416
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB , FÉVRIER 2011 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
9782738199416
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À toutes celles et à tous ceux qui m’ont aidé à devenir ce que je suis.
« La plus grande des pauvretés, c’est de ne plus compter pour personne. » Mère Teresa.
AVANT-PROPOS

On parle beaucoup – et on continuera de parler – des crises financière, économique et sociale qui se sont développées en cascade. On s’inquiète aussi, à juste titre, de la crise écologique qui dégrade de plus en plus notre environnement. Mais, fait paradoxal, il est beaucoup moins question d’une autre crise qui est probablement la plus grave et qui est, à bien des égards, responsable des précédentes : la crise de la relation à l’autre, de toutes les relations à l’autre.
Et pourtant, cette relation à l’autre a joué – et joue toujours – un rôle essentiel dans le « devenir humain » : dans la coévolution biologique et culturelle de l’espèce, dans la construction de la personnalité (du Soi), dans celle des relations interpersonnelles et d’un vivre-ensemble plus large. Dans la période la plus récente de l’histoire évolutive, celle de l’hominisation, c’est dans – et par – le développement et la complexification des interactions sociales qu’a progressivement émergé le « propre de l’Homme » : la conscience réflexive et le langage qui en nourrit et en exprime les contenus. En parallèle s’est développé un « cerveau social » proprement humain, avec des processus cognitifs et affectifs qui fournissent à chaque membre de l’espèce les conditions de possibilité et les outils premiers d’une pleine humanisation. Mais cette humanisation est une tâche qu’il reste à accomplir tout au long de l’histoire individuelle de chacun. Cette histoire commence dès la vie intra-utérine, car le fœtus « dialogue » avec sa mère dont il reconnaît la voix et l’odeur dès après la naissance. Ensuite, l’attachement de l’enfant à sa mère a des effets apaisants et sécurisants qui créent des conditions favorables au développement d’échanges affectifs et d’un véritable « accordage » affectif entre les deux. Sur cette communication non verbale, cet échange d’affects et d’émotions, vient se greffer progressivement une communication verbale, avec le développement de capacités langagières qui permettent de mettre en mots, pour l’enfant lui-même et pour son entourage, les expériences vécues, interprétées, ressenties. C’est la mise en route du partage de la parole et des sentiments qui sera l’outil premier de l’action éducative et du devenir humain qu’elle a pour mission de promouvoir. Cet outil sert également à l’âge adulte dans la recherche – et le réconfort – d’un sentiment d’appartenance à une famille et à un quartier ainsi qu’à une communauté humaine, professionnelle, associative, sportive, paroissiale… Et cet échange et ce partage constituent la substance même de toute recherche de l’« âme sœur » dans une relation amoureuse ou amicale authentique. Il faut ajouter, de façon plus générale, qu’une relation, qui peut fort bien être superficielle et éphémère, ne s’inscrit dans la durée et ne devient un lien que si elle est le lieu d’un échange et d’un partage par lesquels se créent le respect et la confiance mutuels.
Le besoin de l’autre se manifeste très concrètement dans un besoin vital, celui de la reconnaissance par l’autre : chacun de nous veut exister dans le regard de l’autre et veut compter pour lui, d’une façon ou d’une autre. Les vraies joies de la vie sont multipliées lorsqu’on les partage, et les peines peuvent être allégées par ce même partage. Le rôle important joué par la relation à l’autre et par les échanges qu’elle permet apparaît clairement – en négatif – dans les conséquences qu’entraîne leur absence : le développement de troubles socio-affectifs chez l’enfant qui a souffert de négligence, de carence affective ; la souffrance que vivent des personnes âgées du fait de leur solitude.
Puisque la relation à l’autre prend une part aussi importante dans l’humanisation et l’épanouissement de tout parcours personnel, comment se fait-il que ce besoin de l’autre est aussi largement méconnu et bafoué ? Car on est bien obligé de constater, jour après jour, que là où devraient régner l’amour et la sérénité prévalent trop souvent la haine et la violence. On dira qu’il ne faut pas s’en étonner, car notre animalité nous pousse fatalement à ces attitudes et ces comportements qu’on constate et qu’on fait mine de déplorer. Le biologiste ne nie nullement cette animalité (il importe d’en faire le meilleur usage !), mais il nie le caractère de fatalité d’ordre biologique qu’on veut accoler aux violences humaines. Certes, l’Homme peut agresser, violenter, voire tuer, mais rien n’existe dans son cerveau qui puisse être considéré comme la source inéluctable de cette violence, qui le pousserait de façon inexorable à utiliser ces moyens d’expression et d’action face aux autres. Bien au contraire, le cerveau humain est équipé pour nous permettre de prendre du recul par rapport au monde, de réfléchir avant d’agir, et d’utiliser des stratégies comportementales qui ne blessent pas l’autre. « Le contraire de la violence, ce n’est pas la douceur, c’est la pensée », a écrit fort justement un écrivain vaudois.
Ce n’est pas dans notre héritage biologique qu’il faut chercher l’origine de la dégradation des relations humaines, avec la montée des incivilités et des violences, mais dans l’évolution de nos mentalités collectives et individuelles qui, loin de conduire à plus d’humanité, tend de plus en plus à nous déshumaniser. Or nous avons d’autant plus de mal à reconnaître nos propres torts que les principaux responsables de cette dégradation sont considérés, dans une perspective « idéologiquement et politiquement correcte », comme de purs progrès, des avancées majeures. On peut en citer trois, qu’on retrouvera plus tard. La revendication de l’autonomie et des libertés individuelles, avec le rejet de toute obligation et de toute contrainte, a conduit à la délégitimation de toute autorité morale et, en particulier, à une crise profonde de la transmission intergénérationnelle dans sa fonction éducative. La promotion du matérialisme hédoniste et du consumérisme, avec le culte de l’argent-roi et du « toujours plus », a créé des envies sans frein et des rivalités qui conduisent au rejet de l’autre et au délitement du tissu social. Le développement des nouvelles technologies et des gadgets dont il faut toujours posséder le dernier-né, a créé un monde des images et des messages numérisés qui pousse de plus en plus dans l’ombre ce partage de la parole et des sentiments sans lequel la relation à l’autre et notre commune humanité s’étiolent inexorablement.
Comment aborder un sujet aussi vaste et aussi complexe ? Le théologien comme le philosophe ou l’anthropologue peuvent donner du besoin de l’autre et de la relation qui y répond, une vision surplombante, un tableau brossé à grands traits. Celui qui ne peut se prévaloir que de la qualité – reconnue – de scientifique et de celle – revendiquée – d’humaniste doit procéder différemment. Il examinera, une à une, différentes facettes du fonctionnement humain et de son devenir. L’examen de chacune de ces facettes a son unité en soi qu’on peut saisir sans qu’il soit besoin de recourir à l’examen d’aucune autre. En dépit de cette apparente discontinuité, une réelle continuité thématique traverse l’ensemble de l’ouvrage et lui donne toute sa cohérence. Car deux constatations majeures se renouvellent constamment de façon conjointe et se trouvent confortées de chapitre en chapitre : la relation à l’autre joue un rôle essentiel dans la construction de la personnalité de l’être humain et, singulièrement, dans l’épanouissement de son esprit et de sa sensibilité ; c’est dans – et par – des interactions complexes entre le biologique, le psychologique et le social que notre espèce a progressivement émergé de l’histoire évolutive et c’est dans – et par – ces mêmes interactions qu’aujourd’hui, tout membre de l’espèce réalise (a la possibilité de réaliser) sa pleine humanisation. D’où deux impératifs qui s’imposent à nous et aux générations futures : il faut redonner à la relation à l’autre, à l’échange humain et aux relations sociales dans leur ensemble, toute la place qui doit être la leur, si nous voulons que la coévolution biologique et culturelle se poursuive dans le sens d’un supplément d’humanité (plus d’amour, de justice et de paix) et non pas dans celui du retour à la barbarie ; il faut que, tant dans la réflexion théorique du chercheur que dans les démarches concrètes du praticien sur le terrain, l’être humain soit abordé – et éventuellement pris en charge – dans la globalité de sa personne, en écartant toute vision réductrice qui l’amputerait d’une dimension majeure de sa personne, si nous voulons préserver et promouvoir l’humain en l’Homme.
INTRODUCTION

Dès lors qu’on aborde une réalité aussi complexe que celle de la « condition humaine », il n’est pas inutile, bien au contraire, d’éclaircir quelques notions de base, de rectifier des idées fausses, et d’écarter quelques préjugés.

Quelques notions de base
On commence tout naturellement par envisager deux notions qui, à première vue, paraissent être synonymes et recouvrir une même réalité, alors qu’il convient de les disting

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