Le Sens du mouvement
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Le Sens du mouvement , livre ebook

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Description

Ce livre veut montrer - ce que les philosophes comme Sartre ou Merleau-Ponty ont prétendu - comment nous pensons avec tout notre corps. Aux cinq sens traditionnels - l'odorat, l'ouïe, la vue, le toucher et le goût - Alain Berthoz en ajoute un sixième : la kinesthésie ou sens du mouvement. On l'a oublié parce qu'il n'est pas apparent, les capteurs kinesthésiques se trouvant répartis dans tout le corps et non pas concentrés dans un organe spécifique. Et pourtant, il y a un plaisir du mouvement, exécuté ou perçu, comme il y en a un de chacun des autres sens. Or, il n'y a pas de mouvement sans pensée. Nous prenons la décision de marcher, de courir, de sauter, de danser, avec l'intention d'aller d'un endroit à un autre. Nous sommes donc capables d'évaluer une distance, de programmer une trajectoire et parfois très vite comme lorsque nous dévalons une pente à skis. Le sens du mouvement nous oblige à revoir notre conception du cerveau. D'une part, ce n'est pas un ordinateur qui calcule à partir d'informations fournies par les sens, c'est un simulateur qui fait des hypothèses sur la possibilité de réaliser tel ou tel mouvement et qui charge les sens de les tester dans la réalité. D'où les chutes, les faux pas, les illusions lorsque ces hypothèses se révèlent fausses. D'autre part, le cerveau n'est pas une direction centrale qui prend les décisions et charge les organes périphériques de les exécuter : le moindre mouvement est trop complexe et souvent trop rapide. Les commandes du mouvement sont décentralisées, elles sont élaborées par les organes périphériques mêmes qui doivent les exécuter à partir de modèles génétiquement programmés. Alain Berthoz est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire de Claude Bernard, et directeur du laboratoire de neurophysiologie de l'action.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 1997
Nombre de lectures 2
EAN13 9782738184153
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, FÉVRIER 1997
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
ISBN 978-2-7381-8415-3
www.odilejacob.fr
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Remerciements

Je voudrais remercier Odile Jacob qui, sur la proposition de Jean-Pierre Changeux, a accepté de publier ce livre et en a suivi la réalisation avec cette alliance d’intuition sensible et de rigueur professionnelle qui font son rayonnement.
Les alpinistes ont besoin d’un guide. Un livre est un peu comme une ascension. C’est le guide qui connaît les voies, sait éviter les rochers branlants et les pistes dangereuses. Il sait les humeurs de la montagne et ses traditions. Il sait garder le cap, faire les détours, imposer un rythme, transformer l’ascension pas à pas en une aventure humaine chaleureuse. Mon guide éditorial pour ce livre fut Gérard Jorland, son immense culture de philosophe et d’historien, sa générosité, sa confiance, ses critiques m’ont aidé, encouragé, ému.
Maya, tu as accompagné ce livre. Sur le fond comme sur la forme tu m’as aidé à essayer non seulement d’être lu mais aussi d’être compris.
Les travaux de notre laboratoire rapportés dans ce livre n’ont été possibles que grâce au soutien du Centre national de la recherche scientifique, du Centre national d’études spatiales et du Collège de France qui ont su à la fois nous faire confiance, faire une évaluation rigoureuse de notre travail et accepter des paris sans lesquels les idées neuves ne déboucheraient pas.
Je voudrais aussi remercier ceux qui ont bien voulu lire des parties du manuscrit ; mes amis et collègues Pierre Buisseret, Valérie Cornilleau-Pérès, Jacques Droulez, Jean-René Duhamel, Werner Graf, Alexej Grantyn, Isabelle Israël, Joseph McIntyre, Edmund Rolls, Jean-Michel Roy, Jean-Jacques Slotine, Yves Trotter, Pierre-Paul Vidal, Sidney Wiener et toute l’équipe de notre laboratoire qui a réalisé les travaux rapportés ici.
Je remercie le journal La Recherche pour avoir accepté que je reproduise une partie des illustrations et du texte parus dans le numéro spécial de 1996 sur le cerveau.
Je remercie aussi Solange Fanjat de Saint Font pour son travail de correction de textes et d’organisation de la bibliographie. Sa compétence a été décisive pour que soit accompli ce délicat travail. Enfin « last but not least », je remercie Frédéric Lacloche dont j’admire le talent d’infographiste. Il a adapté et réalisé les illustrations de ce livre.
Introduction

« Au commencement était l’action. »
F AUST

Les conteurs irlandais commencent toujours ainsi : « It was not in my time, not in your time, not in anybody’s time » (Ce n’était pas de mon temps, pas de votre temps, ni du temps de quiconque). L’histoire que je vais raconter appartient, elle aussi, à tous les temps puisqu’elle se rapporte au plus grand mystère de tous les temps : le cerveau.
Ce livre propose une réflexion sur le fonctionnement cérébral fondée sur l’idée que le cerveau sert à prédire le futur, à anticiper les conséquences de l’action (la sienne propre ou celle des autres), à gagner du temps. À cette fin, des mécanismes biologiques très variés ont été mis en place au cours de l’évolution : l’architecture du squelette, les propriétés subtiles des capteurs sensoriels ou la merveilleuse complexité du système nerveux central. Ces mécanismes ont doté le cerveau de modèles internes du monde et du corps : pas n’importe lesquels, des modèles qui reflètent les grandes lois de la nature, l’ Umwelt de chaque espèce comme le disait von Uexküll 1 et qui assurent la survie de chaque animal. Le cerveau n’est pas une machine réactive, c’est une machine proactive qui projette sur le monde ses interrogations.
Pour devenir champion de ski, il ne suffit pas de traiter en permanence les informations des sens et corriger la trajectoire ; il faut dérouler la course dans son esprit, en prédire les étapes et l’état des capteurs sensoriels, entrevoir les solutions possibles de chaque erreur, faire des paris et prendre des décisions avant que le geste soit fait.
Notre faculté de comprendre est certes limitée, mais nous pouvons essayer d’aller aussi loin que possible. Encore faut-il accepter le débat. Dans une réunion récente sur le thème « Cognition et géométrie » qui rassemblait mathématiciens, physiciens, physiologistes et philosophes, un participant, philosophe de son état, s’est soudain emporté, s’exclamant d’une voie courroucée : « Je ne veux pas entendre l’opinion du physiologiste, car la cervelle, c’est ce que je trouve chez mon boucher toute sanguinolente ! » Cette phrase est à inscrire en exergue d’une anthologie du dualisme militant. Elle montre le chemin à parcourir pour que nous puissions convaincre, même les plus éminents penseurs, de considérer la cognition comme une propriété émergente de la merveilleuse complexité du cerveau.
Je pense que nous sommes en partie responsables des préjugés que trahit, par exemple, le philosophe et mathématicien G. Châtelet lorsqu’il écrit : « Dans sa marche ordinaire, la science semble se limiter aux gestes qui assurent la maintenance du savoir et laisser en sommeil le patrimoine de ceux qui l’embrassent et le multiplient. Ce sont aussi ceux qui la sauvent de l’accumulation et de la stratification indéfinies, de la niaiserie des positivités établies, du confort des transits de l’opérationnel et, enfin, de la tentation de se laisser boucler par une grammaire. Ils montrent l’urgence d’une pensée authentique de l’information et de l’apprendre sur l’apprendre. Celle-ci, bien sûr, serait assez éloignée d’une certaine barbarie neuronale qui s’épuise à débusquer le récipient de la pensée et à confondre l’apprendre avec une razzia sur un butin informatif. Schelling voyait plus clair : il savait que la pensée n’était pas en tout cas encapsulée dans une cervelle, qu’elle pouvait être partout... dehors... dans la rosée du matin 2 . »
Nous n’arrivons pas à convaincre, car nous ne savons pas décrire la complexité du cerveau. Je sais que cette complexité peut servir d’alibi pour ne rien expliquer et je sais aussi que ce livre risque d’apparaître bien compliqué. Mais je reste convaincu que nous donnons une image trop simpliste et surtout trop statique du cerveau pour faire entrevoir ses mécanismes. Il ne suffit pas de dire qu’il y a des millions de neurones. Celui qui croit en l’âme pourrait en conclure à la nécessité d’un principe supérieur pour gérer cette complexité. Nous devons montrer le caractère dynamique, flexible, adaptable, des mécanismes biologiques. Et la physiologie apparaît comme la discipline pertinente, car elle assemble des découvertes en anatomie et en biologie cellulaire, des modèles mathématiques et physiques, des expériences de psychologie cognitive, pour proposer ses explications.
Les propriétés les plus raffinées de la pensée et de la sensibilité humaines sont des processus dynamiques, des relations sans cesse changeantes et adaptatives entre le cerveau, le corps et l’environnement. « Panta rei », disait Héraclite d’Éphèse : « Tout s’écoule. » Pensée et sensibilité ne sont rien d’autre que des états d’activation cérébrale induits par certaines relations entre le monde, le corps, le cerveau hormonal et neuronal et sa mémoire de millénaires d’acquis culturels.
La véritable rage, ou l’incrédulité, que peut susciter cette idée, trouve son origine dans notre vision souvent trop simpliste de ce qu’est réellement le cerveau. Nous le pensions, comme Léonard de Vinci, formé de cavités, puis comme Descartes plein d’esprits animaux. Aujourd’hui, nous le savons peuplé de petites créatures appelées « neurones ». Mais nous ne sommes pas convaincus que ces neurones peuvent être réellement la base de ces aptitudes délicates qui produisent la musique ou les mathématiques. Lorsque à l’aube de ce siècle il apparut que le cœur n’était qu’une pompe, il a bien fallu s’en accommoder. Le poète n’en a pas moins chanté l’amour !
Nous devons montrer la complexité, mais nous devons l’expliquer en termes simples ! Voilà le défi. Lecteur, il faut que nous fassions chacun une partie du chemin ! Je vais essayer d’être simple, mais il faut me lire en cherchant la complexité et, dans les raccourcis que je prendrai, admettre que chaque arbre cache une forêt. Le grand malentendu entre la physique et la biologie vient de ce que la première est habile à décrire la réalité avec des formules simples quand la seconde doit s’en méfier et chercher plutôt à bâtir une véritable théorie de la complexité dynamique.
Pourquoi, dans ces conditions, faire un livre sur le mouvement ? D’abord, parce que je pense que les aptitudes cognitives les plus raffinées du cerveau viennent d’une double nécessité. Les espèces qui ont remporté l’épreuve de la sélection naturelle sont celles qui ont su gagner quelques millisecondes dans la capture d’une proie et anticiper les actions d’un prédateur, celles dont le cerveau a pu manipuler les éléments de l’environnement et choisir le meilleur trajet de retour au gîte, mémoriser un grand nombre d’informations parmi l’expérience passée pour l’utiliser dans le feu de l’action. Les relations entre perception et action constituent un modèle privilégié d’étude des fonctions du système nerveux. Un de leurs grands atouts par rapport au langage est de se prêter en même temps à l’analyse du comportement humain ou animal et à l’exploration des mécanismes ne

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