Mort de Maurice Duverger - Livre : Les institutions de la Ve République - article ; n°1 ; vol.9, pg 101-134
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Mort de Maurice Duverger - Livre : Les institutions de la Ve République - article ; n°1 ; vol.9, pg 101-134

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Publié le 23 décembre 2014
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Langue Français
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Monsieur Maurice Duverger
Les institutions de la Ve République
In: Revue française de science politique, 9e année, n°1, 1959. pp. 101-134.
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Duverger Maurice. Les institutions de la Ve République. In: Revue française de science politique, 9e année, n°1, 1959. pp.
101134.
doi : 10.3406/rfsp.1959.402986
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1959_num_9_1_402986Les Institutions
de la Cinquième République
MAURICE DUVERGER
C9 est une étrange entreprise que de tenter l'analyse d'une
Constitution tout juste née, dont quelques semaines d'ap
plication à peine ne permettent pas encore de discerner la
signification véritable. Il y a un texte : mais les juristes les plus
juridisants savent eux-mêmes que les textes constitutionnels sont
moins importants que l'interprétation fixée par l'usage. En l'occur
rence d'ailleurs, le texte n'est pas clair : d'abord, parce qu'il mélange
deux ou trois régimes politiques, dans une combinaison qui se veut
harmonieuse, qui le sera peut-être, qui pour l'instant repose sur un
faisceau d'ambiguïtés. Ensuite, parce que cette dix-neuvième Const
itution de notre histoire est plus mal rédigée qu'aucune autre de
ses devancières : elle n'est pas digne de figurer dans les œuvres
complètes de ce grand écrivain qu'est l'auteur des Mémoires du
général de Gaulle. L'admirable concision, la remarquable précision
que le Conseil d'Etat met d'ordinaire en ses arrêts, ses membres
préposés aux fonctions de légistes de la Couronne ne les ont point
retrouvées dans leur style constitutionnel.
Pour dépasser une exégèse purement verbale, rendue plus incer
taine par l'absence de rigueur du verbe, il faut d'abord replacer
le document du 4 octobre 1958 dans le contexte où il est né. Toute
Constitution est une arme politique, par laquelle un parti vainqueur
cherche à consolider sa victoire. Si un véritable homme d'Etat
l'élabore, il modère les ardeurs de ses partisans, afin que son régime
devienne à la longue acceptable par les vaincus, condition fonda
mentale pour en garantir la durée. Les traces de cette volonté sont
perceptibles dans le texte nouveau : elles n'effacent point les mar
ques d'un désir de revanche. Rechercher les unes et les autres, en
les confrontant aux problèmes institutionnels posés à la France de
1958, aux solutions envisagées pour les résoudre, est une première
voie d'approche. S'y engager implique quelques difficultés, si l'on
veut en même temps se dégager de toute préférence politique, et
101 Duverger Maurice
maintenir l'analyse sur le terrain de l'objectivité scientifique. Elles
sont, à tout prendre, moins grandes qu'on pourrait le penser, en
considérant la vigueur des passions qui s'affrontent à propos du
13 mai. Car les contradictions mêmes de la crise, qui écartèlent
l'observateur, le mettent en situation de juger froidement. Il est
naturel de considérer la Constitution de 1958 sans hostilité ni indul
gence préconçues : la qualité exceptionnelle de l'homme qui l'a
engendrée ne justifierait point la première ; les circonstances de son
avènement ne mériteraient point la seconde.
On ne peut s'en tenir à cette seule perspective, qui situe les
institutions nouvelles par rapport au passé. En politique plus
qu'ailleurs, les intentions comptent moins que les résultats. Ce
qu'ont voulu faire les constituants est important, en défini
tive, que ce qu'ils ont fait. Il faut donc essayer, avec les précau
tions nécessaires, avec les risques inévitables, de sonder l'avenir,
de discerner les lignes d'évolution possibles, de prévoir les diffé
rentes éventualités et leurs degrés de probabilité respective. La
Constitution du 4 octobre 1958 est faite, en principe, pour survivre
au général de Gaulle. Toute analyse qui n'essaierait pas d'envi
sager ce que deviendra le régime, une fois Washington retourné
à Mount Vernon, une fois la République remise de nouveau aux
mains des hommes ordinaires, resterait incomplète et dérisoire. Car
le problème des constituants n'était pas d'entourer un consulat pro
visoire d'institutions également provisoires : travail inutile, à tout
prendre, car le caractère sociologique des consulats est précisément
que la personnalité du consul perce les voiles légaux dont on la
recouvre. Leur vrai problème était d'utiliser le prestige de cette
personnalité pour reconstruire durablement l'Etat. Dans la phase
gaulliste de la Ve République, peu importe la Constitution : toutes
auraient pu convenir. C'est en fonction de la phase post-gaulliste
— si elle existe — que doit être étudié surtout le texte de 1958 :
inutile de souligner les difficultés extrêmes de cette entreprise, la
seule valable pourtant, à moins de jouer aux perles de verre ; la correspondant d'ailleurs à l'optique même des constituants,
qui ont affronté les mêmes difficultés. Les contradictions qu'on
relève dans leur ceuvre sont, dans une certaine mesure, les consé
quences et le reflet de la contradiction fondamentale où ils étaient
enfermés. Il leur fallait tenir compte de la présence du général,
afin que les institutions puissent s'appliquer aussitôt. Il leur fallait
tenir compte de l'absence future du général, afin qu'elles puissent
durer une fois que la République devrait affronter seule les pro-
102 Institutions de la Cinquième République Les
blêmes, sans l'abri de cette grande ombre. Il leur fallait tenir compte
aussi de l'empreinte que le général donnerait aux institutions, qui
modèlera leur visage définitif autant que le texte constitutionnel.
Ainsi, trois ordres de considérations s'entremêlent dans le nou
veau « système » : les préférences politiques de vainqueurs dési
reux de pérenniser leurs victoires ; le souci d'hommes d'Etat de
résoudre les problèmes institutionnels pendants depuis vingt-cinq
ans ; la nécessité pour eux de régler la question particulière posée
par le « cas De Gaulle » et la transformation inévitable du régime
lors de la retraite du général. Il est tentant d'établir une corréla
tion entre eux et les traits fondamentaux de la Constitution de
1958 : les pouvoirs du président de la République et le retour à
1' « orléanisme » correspondent plutôt au troisième souci ; le « par
lementarisme rationalisé » et la séparation des pouvoirs, au second ;
les scrutins présidentiel et sénatorial, la restauration du bicamé
risme et l'établissement d'un régime de notables, au premier. Mais
ces corrélations ne sont qu'approximatives. En réalité, les trois
facteurs sont présents dans chaque institution nouvelle : seules
leurs proportions respectives varient. Ils jouent d'ailleurs dans un
cadre assez étroit, que les constituants de 1958 se sont imposés
à eux-mêmes : celui du régime parlementaire. Pas plus qu'en 1945,
on n'a voulu faire en 1958 une véritable révolution. On a rénové
l'édifice : ravalé la façade, agrandi une aile, rapetissé l'autre, changé
la disposition intérieure des pièces, refait les peintures, transformé
les communs. On n'a pas voulu le jeter à bas, pour le reconstruire
suivant une architecture différente. A beaucoup d'égards, la Ve
République pourrait se définir : une Seconde Restauration. Plus
fidèle peut-être à l'idée de Restauration que la première, celle de
1946. Charles X voulait renouer avec la monarchie de Henri IV,
plutôt qu'avec celle de Louis XVI : les constituants de 1958 ont
souhaité reprendre le fil de la République orléaniste de 1875, plutôt
que celui de la République radicale.
I. UNE REPUBLIQUE ORLEANISTE
En technique constitutionnelle, le terme « orléaniste » a un sens
précis, emprunté à l'expérience de Louis-Philippe : il désigne cette
variété de régime parlementaire où le chef de l'Etat conserve un
grand pouvoir réel, où le Cabinet doit avoir sa confiance en même
temps que celle des Chambres, où les ministres assurent la liaison
entre lui et le législatif. Ty

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