Chapitre 4: Avons-nous une politique agricole aujourd'hui ? - article ; n°1 ; vol.79, pg 59-79

J. Chombartdelauwe

Description

Économie rurale - Année 1969 - Volume 79 - Numéro 1 - Pages 59-79
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: ECONOMIE_RURALE
• Publié le: 01 janvier 1969
• Nombre de lectures: 15
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

J.-B. Chombart de Lauwe
Chapitre 4: Avons-nous une politique agricole aujourd'hui ?
In: Économie rurale. N°79-80, 1969. pp. 59-79.
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Chombart de Lauwe J.-B. Chapitre 4: Avons-nous une politique agricole aujourd'hui ?. In: Économie rurale. N°79-80, 1969. pp.
59-79.
doi : 10.3406/ecoru.1969.2036
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecoru_0013-0559_1969_num_79_1_2036Chapitre 4
AVONS-NOUS UNE POLITIQUE AGRICOLE
AUJOURD'HUI ?
par J. CHOMBART de LAUWE *
SOMMAIRE
Introduction : Politique agricole et industrialisation de l'agriculture.
I. — Contradictions entre les valeurs sociales de la politique agricole el l'industrialisation de l'agriculture.
II. — entre les objectifs de politique agricole et de
1 . — Les étonnantes transformations de la notion de parité.
2. — La parité fait oublier la productivité.
3. — Adaptation de l'offre à la demande de produits agricoles (Planification extra-souple et apparition du vrai visage
de la C.E.E.).
4. — Contradictions entre les objectifs de politique agricole.
III. — Contradictions entre la politique agricole et les institutions économiques chargées de son application.
IV. — Un coût trop élevé de la politique agricole ?
Conclusion : Pour une politique d'industrialisation de l'agriculture.
POLITIQUE AGRICOLE ET INDUSTRIALISATION DE L'AGRICULTURE
« Avons-nous une politique agricole aujour industrie de transformation utilisant de plus en plus
d'hui ?» A cette question insidieuse, nous sommes de biens et services provenant des secteurs secon
tentés de répondre : « Oui malheureusement. Car daire et tertiaire (Tableau B en annexe), et de
moins en moins de main-d'œuvre parce que le coût elle n'est pas satisfaisante ! » Puis d'ajouter d'abord
de ceux-là est plus avantageux que le coût de celle- avec indulgence qu'il est malaisé d'avoir une bonne
politique agricole dans une société industrielle, mais ci. Ainsi de 1960 à 1967 l'indice des prix des pro
de souligner ensuite avec aigreur que la nôtre est duits industriels indispensables à l'agriculture
probablement pire que celle de nos voisins. n'augmente doucement qu'à 113 tandis que l'indice
des salaires agricoles grimpe spectaculairement à Quel fil directeur saisir pour ne point se perdre
189. Certes, l'agriculture, nouvelle industrie de dans le dédale de la politique agricole d'aujour transformation, conserve des caractères spécifiques d'hui ? Proposons au lecteur de s'accrocher à la
comme le recours à l'agent biologique et la dépennotion d'industrialisation de l'agriculture dans la
dance du milieu. Toutefois, même ce dernier trait croissance économique. s'atténue par les efforts d'artificialisation du milieu
En effet, par suite de l' inélasticité de la demande (par exemple l'irrigation ou la culture en serre).
au revenu, l'agriculture de nos sociétés industrielles Aussi bien l'industrialisation de l'agriculture,
est, suivant l'expression de l'O.C.D.E., en déclin c'est-à-dire la tendance de cette activité à adopter
relatif dans la croissance économique, c'est-à-dire, les méthodes de production et de commercialisation
que sa contribution au produit national diminue de l'industrie, apparaît-elle comme la caractéristi
irréversiblement quels que soient les efforts pour que de l'évolution d'une activité qui, jusqu'à l'épo
augmenter la consommation intérieure et pour décontenporaine, paraissait quasiment dispensée
velopper les exportations (Tableau A en annexe) . des mutations imposées par la croissance économiq
De plus, dans ce déclin relatif, l'agriculture, sous ue. (1)
l'influence du progrès technique, tend à devenir une
(1) Sur la notion d'industrialisation de l'agriculture, voir Les
* Professeur d'économie rurale à l'E.N.S.A. de Grignon. Paysans soviétiques. Ed. du Seuil, Collection Esprit, 1961. L'industrialisation de l'agriculture n'est pas uni nécessite qu'elle produise, à l'instar de l'industrie,
quement, comme on l'affirme souvent à tort, la né en fonction de la demande nationale et internatio
cessité immédiate d'établir une structure caractéri nale et qu'elle s'efforce de mettre à la disposition
d'un consommateur de moins en moins gourmet, sée par de gigantesques usines agricoles. Certes elle
implique une augmentation de l'échelle de gran une production de masse, standardisée, de bonne
deur économique des parcelles culturales, des ex qualité et à coût décroissant. Et l'expansion de
l'agriculture dépend désormais de sa coordination ploitations agricoles, des centres de stockage, des
plus étroite avec le commerce et les industries de usines de transformation des produits agricoles, des
circonscriptions administratives. . . transformation, étant entendu malheureusement que
les intermédiaires entre l'agriculteur et le consomEn U.R.S.S., la surface moyenne des sovkhozes mateur bénéficient davantage que les agriculteurs était de 40 000 hectares dès 1960. Sans aller dans de la croissance économique (cf. tableau en anles pays de l'Est, notons qu'aux Etats-Unis les cent
nexe) . plus grosses entreprises agricoles avaient, à la mê
Ainsi le paysan doit se transformer en un entreme époque, nn chiffre d'affaires moyen de 500 000 F
preneur faisant preuve d'esprit d'initiative, toujours et qu'en 1967 la firme anglaise Eastwood, avec des
soucieux du marché et préoccupé de rentabilité. ventes annuelles de 220 millions de francs, aliment
ait presque 3 % du marché intérieur en œufs et Enfin, l'industrialisation de l'agriculture est aussi
surtout 18 % en poulets de chair. Ces entreprises une dépersonnalisation progressive de cette activité,
industrielles composées de nombreux ateliers obéis qui tend à devenir une industrie comme les autres.
sant à un même centre de décision forcent à réflé Alors les paysans perdent les avantages de leur gen
chir les esprits les plus sclérosés. re de vie traditionnelle ; la compensation est la
participation aux délices (plus ou moins frelatés) Mais voici une constatation encore plus grave. de la société industrielle. Dans la croissance économique, la rémunération
Une politique agricole basée sur l'industrialisades travailleurs s'élève de 3 % par an environ sur
tion de l'agriculture recherche donc essentiellement la longue période grâce à l'augmentation de product
une conversion de l'agriculture qui passe du stade ivité. Alors, si une entreprise, par suite de ses trop
artisanal au stade industriel et une conversion des petites dimensions, est incapable d'introduire eff
agriculteurs qui deviennent des membres à part enicacement le progrès technique, la rémunération de
tière de la société industrielle. ses travailleurs augmente moins vite que la moyen
ne des rémunérations ; elle est donc condamnée à A court terme, une telle politique est-elle réaliste
disparaître à plus ou moins longue échéance. Dans compte tenu des caractères spécifiques de notre
l'agriculture des pays occidentaux caractérisée par agriculture ? La population rurale représente encor
la prédominance de la petite exploitation familiale, e 36 % de la totale, ce qui prouve la
la concentration des entreprises est donc une nécess lenteur du phénomène d'urbanisation, marque de
ité inéluctable. nos sociétés industrielles. La population active agri
Toutefois le concept d'industrialisation de l'agr cole constitue environ 18 % de notre population
iculture comprend d'autres aspects que la concent active totale, ce qui indique un retard considérable
ration des exploitations. C'est essentiellement com dans notre croissance économique (Royaume-Uni
me le souhaitait Mathieu de Dombasle dès 1860, 4 %, Etats-Unis 8 %, Allemagne 12 %). La struc
« une approche scientifique de l'agriculture basée ture agricole montre la prédominance de minuscul
sur l'observation des faits et par conséquent déga es exploitations : 81 % ont moins de 20 hectares.
gée de préjugés traditionnels ». L'agriculture française est composée de régions
Aussi bien l'agriculture, comme l'industrie, doit, hétérogènes dont le développement économique va
suivant les recommandations de Le Châtelier, r du meilleur au pire. Les paysans dont le degré
ésoudre ses problèmes avec le concours de la recher d'instruction est très faible, restent attachés, comme
che scientifique et appli