Cycliste au long cours
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CYCLISTE AU LONG COURS Gilles Gaubert – Octobre 2007 Sommaire I. Prélude II. C’est parti ! III. Quel bolide ! IV. A chaque jour suffit sa peine V. Au fait tu es en voiture ou en vélo ? VI. La cérémonie du tampon VII. La marchande de sable et la fée Viviane VIII. Derrière un volant, le quotient intellectuel est soudainement divisé par trois IX. Les fourmis attaquent X. Voyage au bout de la nuit XI. Il va maintenant falloir redescendre sur terre I. Prélude Lundi 20 août 2007 Ce n’est pas sans émotion que je me réveille ce lundi 20 août 2007, jour du départ du Paris Brest Paris cru 2007. Seize années se sont écoulées depuis l’édition du centenaire, Page bouclé en 74h15, où je m’étais promis de me remettre en selle en 2007, pour mes 50 1 / 18 ans et avec pour objectif d’améliorer ce temps. Le PBP 1991 avait été marqué par un fort vent de face sur la route du retour, par une météo splendide et chaude, une superbe ambiance tout le long du parcours avec des spectateurs présents dans tous les villages traversés, même la nuit, et un nombre élevé d’abandons. Pour améliorer ma première performance je table sur le fait que je me suis bonifié avec l’âge (et ce n’est qu’un début), sur une alimentation diététique et sérieuse, sur un vélo plus performant et sans garde boue (obligatoire en 1991), sur une météo plus favorable (j’ai commandé un vent d’est léger à l’aller et un fort vent d’ouest au retour) et enfin sur mon coach favori – ...

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CYCLISTE AU LONG COURS Gilles Gaubert – Octobre 2007   Sommaire  I.  Prélude II.  C’est parti ! III.  Quel bolide ! IV.  A chaque jour s uffit sa peine V.  Au fait tu es en voiture ou en vélo ? VI.  La cérémonie du tampon VII.  La marchande de sable et la fée Viviane VIII.  Derrière un volant, le quotient intellectuel est soudainement divisé par trois IX.  Les fourmis attaquent X.  Voyage au bout de la nuit XI.  Il v a maintenant falloir redescendre sur terre   I.  Prélude Lundi 20 août 2007  Ce n’est pas sans émotion que je me réveille ce lundi 20 août 2007, jour du départ d u Paris Brest Paris cru 2007. Seize a nnées se sont écoulées depuis l’édition du centenaire, bouclé en 74h15, où je m’étais promis de me remettre en selle en 2007, po ur mes 50 ans et avec pour objectif d’améliorer ce temps. Le PBP 19 91 avait été marqué par un fort vent de face sur la route du retour, par une météo splendide et chaude, une superbe ambiance tout le long du parcours avec des spectateurs présents dans tous les villages traversés, même la nuit, et un nombre élevé d’abandons. Pour améliorer ma première performance je table sur le fait que je me su is bonifié avec l’âge (et ce n’est qu’un début), sur une alimentation diététique et sérieuse, sur un vélo plus performant et sans garde boue (obligatoire en 1991), sur une m étéo plus favorable (j’a i commandé un vent d’est léger à l’aller et un fort vent d’ouest au retour) et enfi n sur mon coach favori – Gervaise ma femme – qui assurera mon assistance pour moi tout seul. Avant de continuer, je pense qu’un petit rappel nécessaire pour tous les non spécialistes des épreuves d’ultra endurance. Le Paris Brest Paris est maintenant couru tous les quatre ans et n’est pas une course, même si l’idée de performance est présente chez beaucoup de participants. La première victoire (mais aussi grande performance) est de terminer, et pour beaucoup de cyclos peu importe le temps, pourvu q ue le temps limite d’homologation ne soit pas dépassé. Les routes sont ouvertes à la circulation et nous devons respecter le code de la route de jour comme de nuit. E n effet nous roulons la nuit
 
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(les nuits) et il convient de ne dormir qu’un minimum, voir pas du tout pour les champions. La route est balisée et des points de contrôle et de ravitaillement sont répartis sur tout le parcours. I l existe aussi des contrôles secrets. L’assistance individuelle n’est autorisée que dans un périmètre de plus ou moins deux ou trois kilomètres des points de contrôle officiels. Les véhicules d’assistance doivent être déclaré et se voient remettre des autocollants distinctifs. Ils n’ont pas le droit d’emprunter le même parcours que les cyclistes, un parcours bis est conseillé. Toute infraction peut faire l’objet d’une pénalité de deux heures (cumulables). Comme à chaque édition plusieurs départs sont organisés. Le pr emier ( en trois vagues) est celui de vingt heures, celui des cracks ; en effet pour ceux- ci le temps limite est de 80 heures. Pui s à vingt et une heures trente le même jour (en 6 vagues) a lie u celui des 90 heures maxi. Les tandems, triplettes, tricycles et vélos spéciaux sont de ce départ. Enfin le mardi, très tôt le matin, partent les « 84 heures ».  Cette année j’ai choisi le départ en fin de journée, pour partir en pleine forme et parfaitement reposé. J’ai comp lété ma pleine nuit de sommeil par une sieste en début d’après midi, en sachant que je ne retrouve rai mon lit que le jeudi... En 1991 je parti à 5 heures du matin et la nuit précédente fut très courte, et agitée. J e me réveillai toutes les 20 minutes de peur de louper la sonnerie du réveil et le départ - d’o ù le changement de tactique.  La météo n’est pas bonne, les conditions sont instables, le temps est difficile à prévoir avec certitude mais plus on se rapproche de l’heure H et plus les météorologues doivent abandonner leur optimisme forcé pour avouer que la météo d’octobre s’invite fin août.   Je n’ y crois pas car j’ai confiance en ma bonne étoile, mais prudent j e remplis un sac de mes habits cyclistes d’hiver. Puis après un dernier coup d‘œil à la météo sur l’ordinateur et par la f enêtre ( double windows) je rev êts avec l’attention d’un matador mon costume de cycliste, qui une fois la chasuble en place sera un véritable habit de lumière.  Nous arrivons à Saint- Quentin vers 19 heures et je ne suis pas le premier. Mais j e souhaite ne pas partir trop vite et le fait de me retrouver dans la troisième vague (des craks cependant !) me convient. Les plaques de cadre, le carnet de route, la carte magnétique et la médaille de super randonneur (série des brevets 2 00, 300, 40 0 et 600 km effectués la même année) nous ont été remis la veille. Il su ffit maintenant de pénétrer sur le stade des Droits de l’Homme, après s’être frayé un passage au milieu de la cohue des échassiers et des cyclistes déjà nombreux à attendre le départ de 21h, puis de prendre sa place dans une des files d’attentes pour l’enregistrement avant le départ. L’appréhension se fait sentir chez de nombreux concurrents, mais la bonne humeur, le plaisir d’y être enfin, et les plaisanteries, permettent d’évacuer le stress et d’apprécier pleinement les derniers instants avant le départ.  
 
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II.  C’est parti !  La première étape de 140 km nous emmène de Saint-Q uentin-en-Yvelines (78) à Mortagne-au-Perche (km 140). Le dénivelé positif est de 1 266 m.  Des amis, Pierr e Guillée et Cosimi Corleto, Cyrille mon fils et Gervaise m’apporte dans le sas du départ les derniers encouragements – mince plus moyen de faire demi-tour ! Il va vraiment falloir y aller. A 20 heures le premier coup de pistolet retenti et la première vague s’élance, la deuxième vague suit 15 minutes plus tard. Bi en que le temps soit couvert, il ne pleut pas et la température reste agréable. I l est temps d’allumer les lumières, de se concentrer, de bien garder à l’esprit d’être très prudent et de ne pas partir trop vite. Le tr oisième coup de pistolet est le bon, aaahr, la troisième vague s’élance : alea jacta est !  
 Grisé par l’événement et les encouragements de la foule, nous roulons très rapidement à 30/40 km/h. Le parco urs est piégeux. Nous avons droit à toute la panoplie s adique et imaginative des aménageurs de routes : vi rages serrés, rétrécissements de chaussées, gendarmes couchés, carrefours giratoires, pavés, terres pleins centraux… Heureusement des motocyclistes de l’organisation sécurisent le parcours et tiennent nos prédateurs à 4 roues éloignés ! Les cris des cyclistes soucieux de la bonne santé de l’espèce fusent. Attention ici, et là, et la la la. Oyez, braves cyclistes. Des panneaux danger nous
 
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signalent les plus beaux pièges, que nous apprécions en esthètes, et les spectateurs nous avertissent aussi. Mais quelle frustration, cela va de plus en plus vite et nous avons à peine le temps d’apprécier la maligne intelligence responsable de tous ces chausse-trappes. Km 10 : Devant des cris retentissent « Attention chute ! ». La bonne route implique de sortir de la belle avenue sur laquelle nous sommes lancé à fond pour tourner à droite ; mais de nombreux cyclistes ont tirés tout droit et malheureusement certains en négociant un virage sur l’aile – pas question de perdre 10 secondes – se sont fait percutés par d’autres tenants du tout droit ! Vous suivez ? Si vous ê tes déjà essoufflés, je ne vous vois pas m’accompagner jusqu’à Brest. Une bonne vingtaine – mais je n’ai pas compté - de cyclistes se retr ouvent sur l’asphalte. Certains remontent rapidement sur leurs montures mais je cra ins que pour d’autres – totalement hagards à coté de leurs machines - le PBP 2 007 ne s’arrête là. Casque bas aux intrépides. Je redouble de prudenc e, me fait doubler, me moque de prendre le vent – très peu pour moi les éventails qui vous emmènent au milieu de chaussée – m’auto ( oh le vilain mot) félicite lorsque je v ois encore, puis encore d’autres cyclistes à terre, évite les gourdes, éclairages et objets divers qui ne manquent pas de joncher le sol - g are aux objets mal arrimés ! Mais il n’y en a quand même pas trop : ils se sont bien prépa rés les copains. Une fois la banlieue dépassée, la nuit noire nous tombe dessus ; le sentiment d’entrer dans le vif du sujet no us étreint. Nous so mmes maintenant seuls sur les routes. Même la lune semble nous avoir abandonné. Le temps quasiment toujours couv ert et la lune dans son premier croissant se conjugueront pour nous offrir de belles obscurités pendant tout le PBP.  III.  Quel bolide !  Mardi 21 août 2007 Les jambes continuent de tourner toutes seules. Que cette sensation est agréable même si l’on sait que cela ne durera pas. De petits pelotons permettent de maintenir une belle moyenne. En rapport aux pépins physiques de ce ces derniers mois, je suis très attentif aux premiers signaux envoyés par mon corps ; mai s tout répond parfaitement, genoux, épaules, mollet gauche… tout est OK. Mais je m’arrête là, sinon vous allez croire que je ne suis pas bien portant !  L’étape 2 de 82 km va de Mortagne- au- Perche à Villaines-la- J uhel ( km 222) . Le dénivelé positif est de 789 m.  J’arrive à Mortagne-au-Perche en avance sur mon programme, pointe ra pidement, remplit mes gourdes de poudre de perlimpinpin (hydrixir + malto d’Overstim), enfi le ma veste GoreTex et repart…seul. Mon plan était de rouler en peloton, bien à l’abri du vent, jusqu’à Brest puis de profiter d’un fort zéphyr d’ouest (presque un pléonasme) sur le chemin du retour. En fa it à partir de Mortagne je ne rou lerai plus qu’épisodiquement avec
 
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d’autres coureurs ou de mini pelotons, car je n’en trouverai pas dont la cadence me convienne. Mais en vrai triathlète, adepte de l’effort solitaire, cela n’est finalement pas pour me déplaire. Des engins bizarres me doublent. Je reti ens particulièrement deux superbes tricycles néerlandais carénés et superbement profilés. Su r le plat et dans les descentes ils font merveilles, mais l’allure et plus laborieuse dans les cotes. Ils me dou blent dans les descentes mais je les repasse dans les bosses. Et puis il y les « pompeurs », deux cyclistes allemands assis dos à dos sur un « vélo » (il y a deux roues) et qui pompent pour avancer ; en fait le mouvement s’apparente à celui des rameurs mais la chose la plus surprenante est que l’engin avance (et pas un coup dans un sens, un coup dans l’autre) et vi te (puisqu’il me double) - « Rame, rame. Rameurs, ramez. » et bonne chance ! Mon premier rendez-vous avec Gervaise est prévu pour Villaines-l a-Juhel mais je m’aperçois que j’avance trop vite. J e lui envoie un SMS pour la prévenir de m’attendre à Fougères. Elle me répond « Quel bolide! Super suis partie a 5h serai a fougeres bisous ». Quel bolide ! Je s uis très fier et appuie de plus belle sur les pédales, en pensant que ce n’est pas une sinécure d’assister un bolide.  IV.  A chaque jour suffit sa peine  L’étape 3 de 88.5 km va de Villa ines-la-Juhel à Fougères (km 310). Le dénivelé positif est de 804 m.  L’arrêt à Villaines est un peu plus long que le précédent. Tout va bien mais la fa tigue se fait un peu sentir. A ussi je prends le te mps de manger tranquillement deux de mes sandwichs (plus pour le b ien être moral que physique car ma poudre magique seule suffirait comme alimentation), un photographe immortalise la scène ( je ret rouverai le cliché sur le site du contrôle de Villaines- La- J uhel) et je repars dan s la nuit. Le vent est orienté nord avec une petite composante ouest, juste ce qu’il faut pour le rendre défavorable, voire très défavorable. Lui aussi est en pleine forme, et il aura à cœur de nous montrer pendant tout le voyage qu’il a du souffle. Mais la ballade continue. L’objectif est maintenant d’atteindre Fougères et de sortir de la nuit. Pour progresser en gardant le moral il c onvient de se donner des objectifs réalistes. C’est un peu « A chaque jour s uffit sa peine » (Nouveau Testament - Matthieu, 6:34 ). Loin de moi bien sûr l’idée d’assimiler le PBP à un chemin de croix, et puis je n e suis que dans ma première nuit et il est un peu tôt pour sombrer – surtout qu’il ne p leut pas encore - dans le mysticisme. Un problème majeur du cycliste des longues distances est l’assise (que ces choses sont dites élégamment) ; mai s là aussi tout va bien et c’est sans aucune appréhension particulière que j’arrive à Fougères où Gervaise m’attend.   L’étape 4 de 54 km va de Fougères – Tinténiac (km 364 .5). Le dé nivelé positif est de 367 m.
 
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 Après avoir pointé, je suis Gerva ise ju squ’à la voiture. J e trouve qu’elle est garée un peu loin, lui fait remarquer de façon pe u agréable – 307 km ne rendrait donc pas aimable ? – et… me fait engueuler ! Finalement les choses n’ont pas changé depuis la dernière fois ; en 1991 j’appelais régulièrement des cabines téléphoniques que je trouvais sur mon passage (eh oui les portables n’existaient pas encore) et invariablement je me f aisais enguirlander sur le thème « Pendant que toi tu t’amuses, moi je fai s tout ! Je m’occupe des enfants, je travaille , etc etc », alors que j’aurais tant voulu me faire plaindre « Alors Chéri, ce n’est pas trop dur ? T’ai-je laissé suffisamment t’entraîner ? T’inquiète pas quand tu rentreras tu n’aura rien à faire pendant 6 mois… ». Il m’a fallu 16 ans pour décider Gervaise à m’accompagner, ce n’est donc pas pour la perdre au premier contrôle. Je va is donc faire un effort « Pardon Coach », mai s rien n’y fera et elle se baptisera « Esclave ». Ah, la propension des femmes à exagérer. Et pourtant je fais le Nicolas et lui promet beaucoup, d’être son coach - pardon son esclave - l ors du prochain PBP, un nouveau vélo, un voyage à Hawaï un de ces prochains jours…, mais non rien n’y fait. Malgré tout rasséréné, et après avoir passé la commande pour les repas des prochaines étapes (rôti de porc, po ulet, chips, yop, chocolat froid, chocolat au lait avec des noisettes – rien que du diététique) je repars dans le vent. Une petite pluie fait son apparition. Jusq u’à maintenant j’ai eu la chance de rouler au sec contrairement à ceux partis après moi, mais cela va changer. La pluie est maintenant là pour de longues heures. La pluie s’intensifie et bientôt c’est le déluge ; la température fraîchie. J ’aime la pluie, mais pourtant ce temps me contrarie car il ne facilite pas la
 
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progression, et l a moyenne ne peut que souffrir. Nous sommes tous logés à la même enseigne mais mon véritable concurrent est le Gilles de 91, et il avait eu, lui, un temps magnifique pendant toute l’épreuve. C’est imbibé d’eau que je retr ouve Gervaise à Tinténiac.  V.  Au fait tu es en voiture ou en vélo ?  L’étape 5 de 85 km va de Tinténiac – Loudéac (km 449.5 ). Le dénivelé positif est de 806 m.  Gervaise me plaint mais moi je fais le brave. Je me dispute (gentiment) avec un cycliste méridional qui me soutient préférer le vent à la pluie, que cela est moins gênant ; je suis d’un avis opposé. Du coup Dame Nature, ne voulant fâcher ni l’un ni l’autre, nous gratifiera généreusement de vent et de pluie. Etape aquatique que celle-là : il pleut sans discontinuer. Le parcours est difficile, la route monte et descend sans cesse, le revêtement est de mauvaise qualité et ne « rend » pas. Il faut vraiment appuyer sur les pédales, même dans les descentes, pour avancer. Le vent est défavorable et il ne fait plus très chaud. Je finis par enle ver mes lunettes, l’eau et la buée conjuguées me donnent un univers Hamiltonien, malheureusement sans les naïades. A I llifaut (km 412) nous p assons à moins de 20 km de la forêt de Brocéliande et des terres de la légende arthurienne. Chevaliers des temps modernes nous sommes également lancés à la quête du Graal, de notre Graal. Cependant la fée Viviane ne me rendra visite que plus tard… Mi cycliste, mi poisson je ral lie enfin la ville étape. Les supporters peuvent envoyer via le site « .tv » du PBP des messages qui sont affichés sur des tableaux lors des contrôles. A Loudéac, Sy lvie et Patrice me font le plaisir de ce premier message : « COURAGE AU 607 Au fait tu es en voiture ou en vé lo ? Allez Brest est en vue plus que quelques coups de pédales et tu retrouveras la tour Eiffel ! Bisous ». Il est vrai que mon dossard est le 607, comme ma voiture d’accompagnement, mais cela n’est que le fruit du hasard. Je me cha nge entièrement, m’enduis de pommade, me restaure, remplit mes bidons d’eau et de poudre de Merlinpinpin, n’oublie pas le coup de Téflon sur la chaîne et m’élance pour Carhaix, dernier contrôle avant Brest.   L’étape 6 de 76 km va de Loudéac à Carhaix (km 525 .5). Le déni velé positif est de 767m. Le profil du parcours du PBP semble avoir été tracé par un sismographe lors de secousses terrestres. Sur un tel parcours on est toujou rs à la tache et les moments de r epos sont très rares. Les 10 000 m de dénivelé pos itifs le rendent terriblement exigeant. Chaque étape prise séparément est difficile, alors bonjour l’addition ! Et puis après Loudéac il faut de nouveau s’arrêter : contr ôle secret ! Encore des poignées de minutes qui s’évaporent, un exploit par le temps qu’il fait et la pluie qui n’arrête pas.
 
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Un peu avant Carhaix je crois e le peloton de tête déjà sur l e chemin du retour. Ils sont une vingtaine dans une file indienne impeccable. Une bonne entente semble régnée dans ce groupe qu’aucune caravane publicitaire, ou escorte de motos n’accompagne. Les règles sont les mêmes du premier au dernier. Les cyclistes qui composent ce groupe sont de véritables champions, qui ont dû s’imposer des entraînements draconiens. Et pourtant leur récompense sera la même que ceux qui boucleront l’épreuve en 90 heures : l e plaisir de finir, de s’être surpasser et de recevoir une belle médaille. Ce groupe a fait le trou, et derrière il n’y a que quelques très rares cyclistes, isolés, qui ne sont pas parvenu à suivre la cadence et qui me paraissent un peu démoralisés. Je rejoi ns Carhaix-Pl ouguer avant la nuit. Ouf Gervaise est là ! Et même de plus en plus près du point de contrôle. Je me prépare pour la seconde nuit. Je prends soin d’emmener mes petits sachets déjà dosés d’Overstim, des barres énergiques, des tubes sous forme de gel « endurance » et « coup de fouet » pour les coups de barre éventuels. Je me couvre encore un peu plus avec des sur-chaussures et un tour de cou. Pour le haut je p orte une veste thermique et un Gore Tex fer à cheval, celui offert par Michel pour mes 40 ans ! J’ai prévu de me reposer à Carhai x, mais su r la route du retour simplement. Gervaise va dormir à Rostrenen, situé à 20 km de Carhaix, où nous avons réservé une chambre pour la nuit. Sa prochaine mission est aussi de me trouver un coin calme demain pour planter le lit de camp. Nous nous souhaitons bonne nuit : « Dors bien », « T’e ndors pas » ; e t c’est reparti.  VI.  La cérémonie du tampon  L’étape 7 de 89 km va de Carhaix à Brest (km 614.5). Le dénivelé positif est de 982 m.  Une vision amusante dans un pressing de Carhaix, un cycliste qui n’a conservé que son cuissard, bretelles baissées, attend assis que ses vêtements sèchent – pas bête quand on n’a pas d’assistance.  La nuit noire est vite tombée, je traverse Huelgoat, terre de mystères et de fées, et après une quinzaine de kilomètres, entame l’ascension qui nous mène au sommet du PBP, le Roc'h Trevezel avec ses 384 m dans le s Monts d'Arrée. La route est toute droite et c’est avec un petit braquet que j’arrive au sommet. C’est difficile pour tout le monde et nous ne sommes pas encore à la moitié de l’épreuve. Mais je m’accroche, pas question de faiblir ou de faire des pauses. Mon objectif est d’arriver à Brest en moins de 30 heures et plus je r egarde ma nouvelle montre Iron man (ma montre fétiche) , plus je m’aperçois qu’il ne faut pas flâner. Parfois je su is un peu inquiet au sujet de la route. Comme je roul e seul il m’arrive de ne plus voir du tout d’autres cyclistes. Et au bout de 5 ou 10 minutes, même si j e suis est sûr et certain d’être sur le bon par cours, l’angoisse grandie. Le PBP est bien balisé ; des panneaux réflectorisés avec des corps de flèches roses sur fond jaune pou r l’aller et des corps de flèches bleues sur fond orange au retour, sont placés à tous les endroits
 
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importants. De jour cela ne pose pas de prob lèmes, mais de nuit, sous la pluie, avec pour seule lumière celle de notre éclairage, cela est beaucoup plus sportif. D’ailleurs beaucoup se tromperont et s’ajouteront des kilomètres supplémentaires. Je souhait e éviter cela à tout prix et j’aborde toutes les intersections avec la plus grande vigilance, préférant même parfois m’arrêter pour attendre un autre cycliste. Des motocyclistes de l’organisation arpentent aussi la route et il est très réconfortant d’en voir passer. Un peu avant Brest j’intègre un petit groupe et cela me permet de rejoindre le contrôle sans autre souci, en un peu moins de 30 heures. Mais Brest se mérite et jusqu’au contrôle, la route monte, descend, remonte, descend, tourne, virevolte… de quoi attraper le mal de mer « mille millions de mill e sabords de tonnerre de Brest ». Comme beaucoup d’autres contrôles c’est dans un gymnase que le demi-tour et la cérémonie du tampon ont lieu. En 1991 nous tournions autour d’un cône plastique de signalisation de chantier, cela m’avait déçu. Une belle statue, avec des formes généreuses, le bras droit tendu avec l’index pointant vers Paris et le bras gauche tenant le livre de l’épopée du Paris Brest Paris, m’aurait semblé avoir une autre allure. Mais revenons en 2007, dans le gymnase surchauffé, c’est le vacarme, le son de milliers de bombardes et de binious retentit, des danseurs traditionnels bretons et celtes occupent plusieurs estrades, des « Gwenn Ha Du » (le drapeau adopté en 1929 par les Bretons) tapissent les murs avec des maillots géants de PBP 2007, et le cidr e coule à flot Bon je rêve, pour tout cela il va falloir attendre 2011. Mais même si les fastes sont absents, tous les bénévoles vous accueillent toujours avec un grand sourire et un petit mot gentil qui vous réchauffe le cœur – pour le reste du corps c’est plus difficile. Les prévisions météo ne sont pas bonnes et des chiffres alarmant sur le nombre d’abandons nous sont communiqués. Beaucoup de cyclistes renoncent avant Brest dégoûtés et découragés par ce temps exécrable. Les averses à répétition, le vent, le froid sont de redoutables adversaires qui s’attaquent au physique et au mental. Rouler de nuit par beau temps est déjà un exercice difficile ; par ce temps là c’est un défi.  Séance poésie : Il pleut sans cesse s ur Brest Comme il pleuvait avant Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé C'est une pluie de deuil terrible et désolée Ce n'est même plus l'orage De fer d'acier de sang Tout simplement des nuages Qui crèvent comme des chiens Des chiens qui disparaissent Au fil de l'eau sur Brest Et vont pourrir au loin
 
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Au loin très loin de Brest Dont il ne reste rien.  Mercredi 22 août 2007 L’étape 8 de 82.5 km va de Brest à Carhaix (km 697). Le dénivelé positif est de 1054 m.  Après la séance pommade, des rougeurs inquiétantes sont apparues au niveau de l’aine,  la mise à niveau des réservoirs, c’est reparti pour « The Brest Tour » : Ainsi font, font, font, Les petits cyclistes, Ainsi font, font, font Trois p'tits tours Et puis s'en vont  Avec 42 nationalités différentes et presque 60 % d’étranger s, je parle plus anglais que français lorsque de temps en temps je rou le de concert avec d’autres cyclistes. Aussi je décide d’entamer les discussions directement en anglais. Au travers de ces entretiens je mesure également l’engouement que suscite cette belle épreuve centenaire au quatre coins du monde (v oilà pourquoi il ne tourne pas rond). L’ascension des Mont d'Arrée est aussi difficile qu’à l’aller et dure longtemps – un e heure peut-être. J’ai quelques violents coups de barre et je m’arrête deux ou trois fois pour absorber un gel « coup de fouet » et boire tranquillement. C’est dur mais je t iens le coup et les heures défilent avec les kilomètres. La pl uie a maintenant cessé et j’espère que cela va durer car la perspective de dormir dans la voiture ne m’enthousiasme guère.  VII.  La marchande de sable et la fée Viviane  L’étape 9 de 76 km va de Carhaix à Loudéac (km 773). Le dénivelé positif est de 795 m.  J e pointe à 7h02 à Carhaix puis je me dirige vers le petit chemin tranquille que Gervaise a déniché. I l ne pleut plus mais il y a beauco up de vent et la température est fraîche. Je me change de nouveau complètement. Mes pieds m’effraient : ils sont tout blanc, cadavériques, la peau est complètement plissée… Brrr, je les remets vite fait dans de nouvelles chaussettes et choisi de les oublier bien vite. Je me barbouille de pommade, me restaure (l’intendance s’améliore, Gervaise a acheté une bouteille thermos), n’oublie pas la chaîne du vélo (bombe Téflon), en file une cagoule thermique, place plusieurs épaisseurs de plaids sur le lit de camp et m’allonge dans le duvet que Gervaise recouvre de plusieurs couvertures. Il fait vraiment froid mais ainsi couvert, avec juste le bout du museau dehors, je su is super bien : heure usement que nous avions prévu large en vêtements et couvertures.  
 
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 J’ai décidé de dormir deux heures et je demande à Gervaise de me donner le top départ. J e suis inquiet, comment fais- je être au réveil ? J ’ai insisté pour que Gervaise me réveille après deux heures, montre en mai n, et ne m’accorde aucun sursis, aucune remise de peine. Vais- je être si désagréable pour pouvoir grignoter quelques minutes de rab, que Gervaise va me planter là sur le bord de la route avec mon lit de camp et peut- être même en embarquant mon vélo : « Ah, puisque tu veux dormir, fainéant, e h bien dors, mais moi je n’accompagne que les champions et ceux-ci ne flémardent pas au lit à 10 heures du matin ! ». Pan le départ a été donné, je ferm e les yeux – que je suis bien – et le monde disparaît. Gervaise est une vraie marchande de sable. Quelques minutes plus tard, une voie douce me chuchote : «Voi là les deux heures se sont écoulées. ». J’o uvre les yeux et chose incroyable je suis en pleine forme, je me sens bien, non super bien ! Aucune douleur physique n’est là pour me contrarier, j’ai chaud et le moral est au plus haut. Je me l ève sans difficultés, boit une petite tasse de café, enfile mes chaussures, ma veste Gore Tex et c’est reparti. Gervaise est la fée Viviane et me voici certainement ensorcelé. On ne traverse pas donc pas impudemment ces territoires féeriques. En ce début de journée le soleil fait même une apparition, que cela est agréable de sentir ses rayons pénétrés dans vos muscles. Vraiment j’ai la pêche. Je crois que je viens de vivre la plus belle sieste de ma vie. J e croise de nombreux concurrents et nous nous encourageons mutuellement. Beaucoup ont la mine défaite et avancent péniblement, le vent effectuant son travail de sape sans relâche. Eh oui le vent est légèrement favorable – pour la première fois ? I l est toujours orienté Nord, mais parfois Nord/Oue st, parfois
 
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