L'emploi complémentaire en milieu rural péruvien : la richesse des pauvres ? - article ; n°1 ; vol.282, pg 40-58

Pascale Phelinas

Description

Économie rurale - Année 2004 - Volume 282 - Numéro 1 - Pages 40-58
Nonfarmand off farm employment in rural peru: the wealth of the poor ? - This article analyzes the structure of non-farm and off-farm employment in rural Peru and its impact on the level and structure of farm households' income. Data used come from a field survey encompassing 300 farm households distributed among three provinces of Peru located in varied natural and economic environment. It is shown that agriculture has a weak labour absorption capacity and that non- farm and off- farm employment represent a significant share of the workers' total productive time as well as the farm households' income. Non-farm and off- farm employment have an overall negative impact on the distribution of income because the lowest paid jobs are occupied by the workers belonging to the poorest groups. Non-farm and off-farm jobs tend to strengthen the regional income disparities because they are more widespread in accessible rural areas well endowed in basic public infrastructure. These jobs however contribute to improve the standard of living of the poorest, even modestly.
Cet article analyse la structure de l'emploi complémentaire en milieu rural péruvien et son impact sur le niveau et la composition du revenu des exploitations agropastorales. Les données utilisées proviennent d'une enquête de terrain menée auprès de 300 exploitations dans trois provinces du Pérou caractérisées par des environnements naturels et économiques variés. On montre que l'agriculture a une faible capacité d'absorption de la main-d'œuvre et que les emplois complémentaires représentent une part importante du temps productif des travailleurs et génèrent une fraction substantielle du revenu des unités agropastorales. Ces emplois ont un impact négatif sur la distribution des revenus car les postes les moins bien rétribués sont occupés par les actifs appartenant aux groupes les plus démunis. Les emplois complémentaires ont en outre tendance à renforcer les disparités régionales de revenu car ils sont occupés par les individus qui vivent dans les zones rurales accessibles et bien dotées en infrastructures de communication. Ces emplois contribuent toutefois à l'amélioration du niveau de vie des plus pauvres, même modestement.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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• Publié par: ECONOMIE_RURALE
• Publié le: 01 janvier 2004
• Nombre de lectures: 32
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 2 Mo

Extrait

Pascale Phélinas
L'emploi complémentaire en milieu rural péruvien : la richesse
des pauvres ?
In: Économie rurale. N°282, 2004. pp. 40-58.
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Phélinas Pascale. L'emploi complémentaire en milieu rural péruvien : la richesse des pauvres ?. In: Économie rurale. N°282,
2004. pp. 40-58.
doi : 10.3406/ecoru.2004.5493
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecoru_0013-0559_2004_num_282_1_5493Abstract
Nonfarmand off farm employment in rural peru: the wealth of the poor ? - This article analyzes the
structure of non-farm and off-farm employment in rural Peru and its impact on the level and structure of
farm households' income. Data used come from a field survey encompassing 300 farm households
distributed among three provinces of Peru located in varied natural and economic environment. It is
shown that agriculture has a weak labour absorption capacity and that non- farm and off- farm
employment represent a significant share of the workers' total productive time as well as the farm
households' income. Non-farm and off- farm employment have an overall negative impact on the
distribution of income because the lowest paid jobs are occupied by the workers belonging to the
poorest groups. Non-farm and off-farm jobs tend to strengthen the regional income disparities because
they are more widespread in accessible rural areas well endowed in basic public infrastructure. These
jobs however contribute to improve the standard of living of the poorest, even modestly.
Résumé
Cet article analyse la structure de l'emploi complémentaire en milieu rural péruvien et son impact sur le
niveau et la composition du revenu des exploitations agropastorales. Les données utilisées proviennent
d'une enquête de terrain menée auprès de 300 exploitations dans trois provinces du Pérou
caractérisées par des environnements naturels et économiques variés. On montre que l'agriculture a
une faible capacité d'absorption de la main-d'œuvre et que les emplois complémentaires représentent
une part importante du temps productif des travailleurs et génèrent une fraction substantielle du revenu
des unités agropastorales. Ces emplois ont un impact négatif sur la distribution des revenus car les
postes les moins bien rétribués sont occupés par les actifs appartenant aux groupes les plus démunis.
Les emplois complémentaires ont en outre tendance à renforcer les disparités régionales de revenu car
ils sont occupés par les individus qui vivent dans les zones rurales accessibles et bien dotées en
infrastructures de communication. Ces emplois contribuent toutefois à l'amélioration du niveau de vie
des plus pauvres, même modestement.'emploi complémentaire
en milieu rural péruvien : la richesse
des pauvres ?
Pascale PHEUNAS • Institut de recherche pour le développement (IRD)
Les questions de l'emploi et de la pauvreté en De ces deux conceptions de l'agriculture
milieu rural ont longtemps été associées, dans découlent logiquement deux solutions destinées
la littérature, aux difficultés du secteur agri à soulager la pauvreté rurale : les transferts
cole. Les premiers modèles de développe intersectoriels de main-d'œuvre et/où le progrès
ment (Lewis, 1954) considéraient que la main- des techniques agricoles. Or, mises en œuvre
d'œuvre ne peut être employée de manière dans des situations concrètes, ces solutions
efficace à la production agricole car l'agri n'ont généralement pas abouti à des résultats
culture manque de facteurs complémentaires satisfaisants. D'abord, comme l'ont montré
au facteur travail, comme la terre et le capital, Harris et Todaro (1970), le taux de migration
vers les villes a souvent excédé les capacités en raison d'une forte pression démographique
sur les terres cultivables. L'excédent « struc d'absorption du travail des secteurs non agri
turel » de main-d'œuvre, qui en découle, coles, ce qui s'est traduit par la généralisation
entraîne une productivité marginale du travail du chômage et du sous-emploi urbain, un
nulle qui est en grande partie responsable des nombre croissant de pauvres vivant dans des
faibles revenus tirés de l'activité agricole. bidonvilles, une grande pression sur les infra
Dans ce cadre, les agriculteurs sont condamn structures des villes, une pollution excessive,
és à la pauvreté et les transferts de main- un taux de criminalité important et, d'une
d'œuvre de l'agriculture vers l'industrie ou les manière générale, par la dégradation de l'e
services sont la clé de la croissance des reve nvironnement. Ensuite, même dans les pays
nus et de la production. (asiatiques pour la plupart) qui ont très large
ment adopté les techniques issues de la « RévolContre cette conception de l'économie
rurale, qui considère que les campagnes sont ution verte », la situation de nombreux agri
inefficaces et surpeuplées, une autre partie culteurs pauvres ne s'est guère améliorée et les
de la littérature sur le développement a sou migrations vers les villes restent massives.
tenu l'idée selon laquelle l'agriculture dite La persistance et la sévérité de la pauvreté
traditionnelle est pauvre mais efficace en milieu rural reste un phénomène préoccu
(Schultz, 1953). La pauvreté rurale s'explique pant dans de nombreux PVD. Le Pérou est
non seulement par les maigres ressources aujourd'hui un des pays où 54,8 % des indi
autres que le travail dont disposent les exploi vidus vivent en dessous du seuil de pauvreté
et où les inégalités de revenus sont parmi les tations mais aussi par la faible productivité de
la technologie traditionnelle. L'implication plus fortes de l'Amérique latine. Les chiffres
logique de cette vision est que l'adoption de récents indiquent que 78,4% de la population
techniques productives est le meilleur moyen rurale vit au dessous du seuil de pauvreté,
de réduire la pauvreté prévalant dans les zones dont 51,3% dans une situation d'extrême
rurales de la plupart des pays en voie de déve pauvreté (Herrera, 2002). Les raisons géné
ralement avancées pour expliquer la concen- loppement (PVD).
40 Économie Rurale 282/Juillet-août 2004 tration des pauvres en milieu rural sont nomb ductifs, le ralentissement de l'exode rural,
reuses et centrées autour de la capacité limi l'amélioration de la distribution des revenus,
tée de l'agriculture à générer des emplois suet la réduction du nombre de pauvres (Lan-
ffisamment nombreux et convenablement jouw, 1999 ; Elbers et Lanjouw, 2001 ; Fer-
rémunérés. reira et Lanjouw, 2001 ; Ruben et Van den
Face à l'impuissance de l'agriculture pour Berg, 2001 ; Reardon etalli, 2001). Au Pérou,
assurer un niveau de vie décent aux populat des travaux déjà anciens avaient souligné la
ions rurales, l'attention s'est récemment tour diversité de emplois occupés par les tra
née vers les activités que développent les vailleurs des exploitations agricoles péru
exploitations agricoles afin de diversifier leurs viennes de la Sierra (Caballero, 198 1 ; Figue-
sources de revenu, que l'on nommera activités roa, 1980 ; Gonzales de Olarte, 1994).
complémentaires1. Nombre d'études récentes Toutefois, ces travaux, centrés sur les zones
portant sur l'Amérique latine soulignent les les plus pauvres du pays, ne permettaient pas
répercussions de ces activités sur l'absorption l'analyse de l'impact des variables environ
de la main-d'œuvre dans des emplois pro- nementales (au sens défini plus bas) sur l'ac
cès à l'emploi et aux revenus extérieurs à
l'exploitation.
1. Il est difficile de trouver un terme satisfaisant et La présente étude a pour objectif l'ana
concis pour décrire l'ensemble des activités que déve lyse de la structure des emplois occupés par loppent les exploitations rurales afin de diversifier
les actifs ruraux péruviens dans des environleurs sources de revenus. Le terme d'activité secon
nement naturels et économiques variés, avec daire est déjà utilisé dans la plupart des enquêtes sta
tistiques pour définir l'activité qui occupe le plus de une attention particulière à la contribution
temps productif après principale. En outre, des différentes occupations à l'emploi du
ce terme présente l'inconvénient de conforter une temps productif des travailleurs et à la fovision répandue mais fausse, qui veut que ces activi