La révolution tertiaire : services, emploi et croissance - article ; n°1 ; vol.7, pg 139-166

Jean-François Lefèvre-Farcy

Description

Revue française d'économie - Année 1992 - Volume 7 - Numéro 1 - Pages 139-166
Jean-François Lefèvre-Farcy La révolution tertiaire : services, emploi et croissance. La confirmation dans la crise de l'orientation tertiaire de nos économies permet le renouvellement des analyses et du questionnement sur le rôle de l'emploi de service dans la dynamique économique et sociale actuelle. Fondées sur une vision classique des services, les analyses tradi- tionnalistes en soulignent le caractère d'improductivité. Elles sont confer- tées par les approches qui, d'une part mettent le tertiaire au centre d'un modèle de déséquilibre et, d'autre part, celles qui dénoncent le risque de dua- lisation de nos sociétés. Face à celles-ci, les conceptions en rupture dessinent une véritable révolution copernicienne. D'abord, en se dotant d'une vision rénovée du concept de service que génère une analyse reformulée des rapports entre industrie et tertiaire ; ensuite, en promouvant une conception élargie de la richesse dans les nations post-industrielles. Alors, les services, dans le cadre d'une recomposition post-fordiste de nos économies, se trouvent au creuset d'une nouvelle régulation économique et sociale. Voilà toute la dimension d'une révolution tertiaire.
The confirmation in the crisis of the tertiary trend of our economies allow a renewal of analysis on the rôle of the employment service in the present socio-economic dynamics. Based on a classical view of the service, the traditionnalist analyses underline its trait of unproductiveness. They are supported by the approaches which, on the one hand, set the tertiary activities in the middle of a pattern of unbalanced growth, and, on the other hand, expose the risk of dualism in our society. Facing this, some breakaway ideas draw the picture of a real co- pernician revolution. First by allowing themself a new vision of the concept of service generated by a reformulated study of the relations between industry and tertiary activities; and then, by expressing a widened conception of wealth in the post-industrial nations. That way, should there be a post-fordist restructuration of our economies, the services will find themselves in the heart of a new economic and social regulation. There is the whole dimension of a tertiary revolution.
28 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_D-ECONOMIE
• Publié le: 01 janvier 1992
• Nombre de lectures: 18
• Langue: Français
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Extrait

Jean-François Lefèvre-Farcy
La révolution tertiaire : services, emploi et croissance
In: Revue française d'économie. Volume 7 N°1, 1992. pp. 139-166.
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Lefèvre-Farcy Jean-François. La révolution tertiaire : services, emploi et croissance. In: Revue française d'économie. Volume 7
N°1, 1992. pp. 139-166.
doi : 10.3406/rfeco.1992.1303
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1992_num_7_1_1303Résumé
Jean-François Lefèvre-Farcy La révolution tertiaire : services, emploi et croissance. La confirmation
dans la crise de l'orientation tertiaire de nos économies permet le renouvellement des analyses et du
questionnement sur le rôle de l'emploi de service dans la dynamique économique et sociale actuelle.
Fondées sur une vision classique des services, les analyses tradi- tionnalistes en soulignent le
caractère d'improductivité. Elles sont confer- tées par les approches qui, d'une part mettent le tertiaire
au centre d'un modèle de déséquilibre et, d'autre part, celles qui dénoncent le risque de dua- lisation de
nos sociétés. Face à celles-ci, les conceptions en rupture dessinent une véritable révolution
copernicienne. D'abord, en se dotant d'une vision rénovée du concept de service que génère une
analyse reformulée des rapports entre industrie et tertiaire ; ensuite, en promouvant une conception
élargie de la richesse dans les nations post-industrielles. Alors, les services, dans le cadre d'une
recomposition post-fordiste de nos économies, se trouvent au creuset d'une nouvelle régulation
économique et sociale. Voilà toute la dimension d'une révolution tertiaire.
Abstract
The confirmation in the crisis of the tertiary trend of our economies allow a renewal of analysis on the
rôle of the employment service in the present socio-economic dynamics. Based on a classical view of
the service, the traditionnalist analyses underline its trait of unproductiveness. They are supported by
the approaches which, on the one hand, set the tertiary activities in the middle of a pattern of
unbalanced growth, and, on the other hand, expose the risk of dualism in our society. Facing this, some
breakaway ideas draw the picture of a real co- pernician revolution. First by allowing themself a new
vision of the concept of service generated by a reformulated study of the relations between industry and
tertiary activities; and then, by expressing a widened conception of wealth in the post-industrial nations.
That way, should there be a post-fordist restructuration of our economies, the services will find
themselves in the heart of a new economic and social regulation. There is the whole dimension of a
tertiary revolution.Jean-François
LEFEVRE-FARCY
La révolution tertiaire
services, emploi et
croissance
nourri économies parachève Les Trente la croissance l'acheminement Glorieuses industrialisées des et e l'élévation activités processus n'est vers une pas tertiaires. des société un de niveaux constat tertiarisation tertiaire Mais de nouveau. la vie et crise prédes ont
cipite la recomposition des économies sur le mode post
industriel. A tel point que, pour certains, l'âge d'or du 140 Jean-François Lefèvre-Farcy
développement industriel se trouve maintenant derrière
nous : la dynamique de croissance des économies dévelop
pées est dans l'accroissement de la production et des
échanges de services. Pour preuve, face à la menace de
désindustrialisation et à la destruction massive d'emplois
industriels, est avancée la remarquable vitalité de l'emploi
tertiaire: les activités de services sont créatrices nettes
d'emploi.
Miracle ou mirage? Les services comme remède
au chômage et comme fer de lance d'une croissance post
industrielle sont symboliquement mis en avant, ne serait-
ce que sous la forme de reconversion de sites industriels
en parcs de loisirs. Mais l'essor des emplois tertiaires c'est
tout autant le développement des petits boulots que les
services nés de la diffusion des nouvelles technologies. Or,
on ne peut nier que ces derniers sont générés par les
mutations en œuvre dans l'industrie. Aussi, si société post
industrielle il y a, celle-ci ne pourra exister que dans l'éven
tualité d'une croissance industrielle retrouvée. La question
du développement de l'emploi tertiaire impose donc de
lever l'ambiguïté d'un double discours sur les services, et,
d'amorcer une réflexion sur la capacité de nos économies
à retrouver une dynamique équilibrée de croissance.
La trajectoire post-industrielle
L'onde longue de la tertiarisation
Dès 1949 dans Le grand espoir du XXe siècle J. Fourastié,
à la suite de Fisher et Clark, révélait l'onde longue des
civilisations du XXe siècle, celle de leur métamorphose en
sociétés tertiaires (graphique n° 1). Celle-ci trouve d'abord
son origine dans la révolution des techniques dans l'agri- Jean-François Lefèvre-Farcy 141
Graphique n° 1
L'avènement d'économies tertiaires
Evolution de la population active (d'après Le Grand
Espoir du XXe siècle)
Pourcentage Nombre de personnes employées
100 J dans l'agriculture (primaire)
pour 100 actives
Civilisation Période transitoire Civilisation
primaire tertiaire
Années 1800 1900 2000
Pourcentage
100 _
Illustration non autorisée à la diffusion
80 _ .
60 _
/
40 _
20 _
__--—
Civilisation Démarrage Expansion Achèvement Civilisation
agricole ou tertiaire
primaire
Nombre de personnes employées dans l'industrie (secondaire) de dans les activités
à faible progrès technique (tertiaire).
Source: Fourastié [1989] 142 Jean-François Lefèvre-Farcy
L'avènement d'économies tertiaires
Evolution de la population active (d'après Le Grand
Espoir Actifs non du Fn millions XXe siècle)
agricoles (1) 20 _
dans
l'industrie (1> 18-
A
Serves/
Illustration non autorisée à la diffusion
(1) Actifs non agricoles Jusqu'en 1896, emploi non agricole
en 1896 et après. (2) Y compris bâtiment.
Les traits verticaux correspondent aux changement de territoire et aux guerres.
Source: O. Marchand, С Thélot [1991]
culture. Depuis la première révolution industrielle, l'intr
oduction du progrès technique a inéluctablement pour
conséquence « qu'un nombre plus restreint de travailleurs
suffît à nourrir la nation... Ainsi la population agricole dé
croît d'année en année en valeur relative. Par conséquent
le dégonflement du secteur primaire est l'un des phéno
mènes sociaux les plus bouleversants de notre époque...1»
Elle trouve ensuite une explication dans l'évolution de la
structure de la consommation mise en évidence dès le
milieu du XIXe par Engel . Dès lors que le niveau de vie
d'une population augmente, sa consommation se modifie :
dans le total des dépenses, la part des achats de première
nécessité telle que l'alimentation, diminue au profit de
dépenses de deuxième niveau voire superflues.
Reprenant les enseignements de la loi d'Engel ,
les analyses sociologiques2 menées à partir des années Jean-François Lefèvre-Farcy 143
soixante corroborent cette vision. Les «sociétés d'abon
dance», industrielles et techniciennes, libèrent l'individu
des contingences matérielles, et engendrent des besoins
nouveaux en termes de loisirs, éducation, santé, culture,
communication, etc. Ce sont ces besoins qui génèrent des
activités de services.
En conséquence, compte tenu de ces lois d'évo
lution de la production et de la consommation, la méta
morphose de l'emploi suit les migrations de la population
active, d'abord de l'agriculture vers l'industrie, puis de
l'industrie vers les services. Voici donc esquissée la dimens
ion d'une économie post-industrielle dont la représentatla plus avancée aujourd'hui est l'économie américaine
avec plus de 70 % des actifs dans le secteur des services.
L'onde courte : l'emploi tertiaire dans la crise,
un secteur créateur d'emplois
Le moins que l'on puisse affirmer est que la crise des années
soixante-dix n'a pas infléchi cette tendance lourde. L'ana
lyse de l'évolution de l'emploi dans les pays industrialisés3 <