Les aides de l Etat  à la Corse sont-elles efficaces ? - article ; n°3 ; vol.18, pg 189-227
40 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les aides de l'Etat à la Corse sont-elles efficaces ? - article ; n°3 ; vol.18, pg 189-227

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
40 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue française d'économie - Année 2004 - Volume 18 - Numéro 3 - Pages 189-227
Is aid to Corsica efficient ? Why is the Corsican economy stagnating in spite of generous transfers from France ? We address this question using a standard model of international trade linking the essential stylised facts of the island's economy: emigration, abundant external aid, low output - but also improving living standards. This analysis suggests that the macroeconomics effects of emigration, and more recently of net transfers, may have led to a misalignment of labour costs with labour productivity, in turn leading to lower external competitiveness. The study evidences the need to allocate transfers toward investment that can positively influence competitiveness (for example: infrastructure and education), rather than consumption. But it is the latter that is currently the main beneficiary of transfers, which increases the risk of a full-fledged Dutch disease in Corsica.
Charles Vellutini Les aides de l'Etat à la Corse sont-elles efficaces ? Pourquoi l'économie corse reste-elle apathique malgré l'abondance des aides de l'Etat ? Un modèle standard de commerce international permet d'aborder cette question dans un cadre cohérent liant entre eux les faits essentiels de l'économie insulaire : émigration, abondance des aides extérieures, faiblesse de la production, mais aussi élévation du niveau de vie. Une telle lecture suggère que les effets macro-économiques induits de l'émigration et, plus récemment, des transferts nets, ont pu conduire à un renchérissement des coûts de main-d'œuvre vis- à-vis de la productivité du travail et, ainsi, à une perte de compétitivité extérieure. L'analyse met en exergue le besoin d'allouer les transferts vers les investissements (par ex. infrastructure, éducation), qui peuvent influer positivement sur la compétitivité, plutôt que vers la consommation. Or, c'est cette dernière qui reçoit aujourd'hui l'essentiel des transferts nets, accroissant les risques d'un « syndrome hollandais » en Corse.
39 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Chartes Vellutini
Les aides de l'Etat à la Corse sont-elles efficaces ?
In: Revue française d'économie. Volume 18 N°3, 2004. pp. 189-227.
Abstract
Is aid to Corsica efficient ? Why is the Corsican economy stagnating in spite of generous transfers from France ? We address this
question using a standard model of international trade linking the essential stylised facts of the island's economy: emigration,
abundant external aid, low output - but also improving living standards. This analysis suggests that the macroeconomics effects
of emigration, and more recently of net transfers, may have led to a misalignment of labour costs with labour productivity, in turn
leading to lower external competitiveness. The study evidences the need to allocate transfers toward investment that can
positively influence competitiveness (for example: infrastructure and education), rather than consumption. But it is the latter that is
currently the main beneficiary of transfers, which increases the risk of a full-fledged Dutch disease in Corsica.
Résumé
Charles Vellutini Les aides de l'Etat à la Corse sont-elles efficaces ? Pourquoi l'économie corse reste-elle apathique malgré
l'abondance des aides de l'Etat ? Un modèle standard de commerce international permet d'aborder cette question dans un cadre
cohérent liant entre eux les faits essentiels de l'économie insulaire : émigration, abondance des aides extérieures, faiblesse de la
production, mais aussi élévation du niveau de vie. Une telle lecture suggère que les effets macro-économiques induits de
l'émigration et, plus récemment, des transferts nets, ont pu conduire à un renchérissement des coûts de main-d'œuvre vis- à-vis
de la productivité du travail et, ainsi, à une perte de compétitivité extérieure. L'analyse met en exergue le besoin d'allouer les
transferts vers les investissements (par ex. infrastructure, éducation), qui peuvent influer positivement sur la compétitivité, plutôt
que vers la consommation. Or, c'est cette dernière qui reçoit aujourd'hui l'essentiel des transferts nets, accroissant les risques
d'un « syndrome hollandais » en Corse.
Citer ce document / Cite this document :
Vellutini Chartes. Les aides de l'Etat à la Corse sont-elles efficaces ?. In: Revue française d'économie. Volume 18 N°3, 2004.
pp. 189-227.
doi : 10.3406/rfeco.2004.1532
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_2004_num_18_3_1532Charles
VELLUTINI
Les aides de l'Etat à la
Corse sont-elles efficaces ?
ilors que la question institu
tionnelle corse continue de faire débat, la écono
mique se pose avec plus de force que jamais. Le paradoxe
d'une économie corse bénéficiant d'injections considérables de
ressources et ne parvenant pourtant pas à échapper à la stag
nation reste, hélas, d'actualité. Pourquoi les aides ne fonc
tionnent-elles pas en Corse ou pourquoi fonctionnent-elles si
mal ? Les réponses traditionnelles, celles qui ont façonné des
années de politique économique, sont connues : d'abord, la fata
lité des dits « handicaps objectifs » corses, au premier chef
desquels l'insularité. Egalement souvent invoquée est la petite
Revue française d'économie, n° 3/voI XVIII Charles Vellutini 190
taille du marché intérieur, qui rendrait impossibles des effets
d'échelle vertueux. Pourtant, ces raisonnements semblent négli
ger les traits essentiels du phénomène que l'on veut expliquer.
L'intégration du commerce de biens à une grande éco
nomie développée (la France), l'émigration, la désaffection gra
duelle des activités industrielles et traditionnelles, et, concomi-
tamment, l'abondance des aides extérieures : tels sont les faits
marquants de l'histoire économique corse vue sur une assez
longue période. L'émigration, notamment, ne peut pas ne pas
avoir eu une incidence profonde sur la dynamique économique
corse ; les transferts, au-delà d'un impact direct naturellement posi
tif- augmentation du revenu par habitant, rattrapage de l'équ
ipement public -, ont eux aussi nécessairement influencé la struc
ture de l'économie insulaire.
Cet article montre qu'un modèle standard de commerce
international, convenablement adapté, permet une analyse cohé
rente de cet ensemble de faits. Dans ce cadre, il est loisible d'ap
préhender l'impact de l'émigration et de l'aide extérieure sur les
coûts de production : sous des hypothèses plausibles, en parti
culier celle d'une demande significative de biens non échang
eables, tant les aides extérieures que l'émigration conduisent à
une augmentation des coûts salariaux et rendent ainsi non comp
étitives certaines activités. Quand cet effet statique est placé dans
un cadre dynamique avec effets d'apprentissage, même la di
sparition de la cause initiale de la spécialisation, par exemple
l'aide, ne peut rendre leur compétitivité aux activités abandonn
ées. L'économie est désormais sur un chemin de croissance dif
férent. On le verra, cette interprétation non seulement « colle »
aux faits corses mais suggère, pour le futur, des implications sur
le type d'assistance à promouvoir.
L'intention principale de cet article est d'attirer l'atten
tion sur cette incidence macro-économique de l'aide extérieure
en Corse. Son impact micro-économique, sur les projets et les
agents économiques financés par l'aide, est sans doute lui conve
nablement apprécié. Ce que suggère cette analyse, c'est que les
effets globaux, via la demande et les coûts salariaux, pourraient
Revue française d'économie, n° 3/vol XVIII Charles Vellutini 191
avoir une importance cruciale pour la Corse et méritent à tout
le moins d'être surveillés de près.
Soulignons qu'un tel constat n'a d'original que d'être
appliqué à la Corse. Les effets induits de l'aide ou d'une manne
soudaine d'exportation de biens primaires, appelés aussi syn
drome hollandais, en référence à la manne pétrolière reçue par
les Pays-Bas dans les années 1960 et 1970 et qui a contribué à
évincer les activités industrielles de ce pays1, sont bien connus,
particulièrement pour les petites économies dépendantes2.
Il reste à dire pourquoi une analyse de l'économie corse
intéresse la communauté des économistes français. Si la question
institutionnelle corse, qui a si souvent été sur le devant de la scène
politique nationale, est complexe, elle n'est pas sans lien avec la
stagnation économique insulaire. A ce titre, la situation écono
mique corse est, aussi, un problème d'envergure nationale.
L'expérience économique corse
Quel est le malaise corse ? Le taux de chômage sur
l'île est proche de la moyenne nationale, et même exactement égal
à cette moyenne en 2000, à 9,6 %3. Le PIB par emploi - plus
pertinent que le PIB par habitant compte tenu du nombre de
retraités sur l'île — est certes inférieur d'environ 15 % à la moyenne
de la métropole4. Mais là encore, on peut difficilement parler de
crise économique quand le PIB de référence est celui d'un des
pays les plus riches du monde. Le malaise, car il est bien réel, est
ailleurs. Il est d'abord la conséquence d'une lourde dépendance
de l'économie vis-à-vis des transferts extérieurs. 45 % du PIB corse
sont financés par l'aide extérieure, un taux considérable. Deuxiè
mement, la faible diversité des activités économiques et l'ab
sence des entreprises corses sur les marchés extérieurs inquiètent,
à juste titre. Dans une économie dominée par le secteur public,
on compte sur les doigts d'une main les entreprises modernes et
Revue française d'économie, n° 3/vol XVIII 192 Charles Vellutini
innovantes, que ce soit dans l'industrie ou dans l'agriculture.
« Apathique », « atonique » : telle est donc la perception larg
ement partagée sur l'île de l'état actuel de l'économie. Cette per
ception, qui reste sévère si l'on se borne à une lecture statistique
des conditions économiques actuelles, devient compréhensible
dans une perspective de moyen et long terme. L'histoire écono
mique corse sur une période d'un siècle est en effet celle d'un

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents