Des insectes à 3 paires d ailes
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Des insectes à 3 paires d'ailes

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Description

Des insectes à 3 paires d'ailes Des transformations, oui. Des pertes, oui. Mais pas d'ajout. Une équipe de l'Institut de biologie du développement de Marseille-Luminy vient de briser ce dogme en apportant les preuves que le casque exubérant des membracides, un groupe d'insectes cousin des cigales, est en fait une troisième paire d'ailes profondément modifiée.

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Publié le 26 juillet 2011
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Langue Français

Extrait

Des insectes à 3 paires d'ailes

Des transformations, oui. Des pertes, oui. Mais pas d'ajout. Une équipe de l'Institut de biologie du développement de Marseille-Luminy vient de briser ce dogme en apportant les preuves que le casque exubérant des membracides, un groupe d'insectes cousin des cigales, est en fait une troisième paire d'ailes profondément modifiée.

Les membracides rivalisent d'originalité dans leurs formes, leurs textures et leurs couleurs. Cette diversité est largement conférée par une structure surprenante, recouvrant en grande partie leurs corps : un casque. Celui-ci ressemble parfois à une fourmi en posture d'attaque, d'autres fois à une déjection d'oiseau, à une feuille morte, à une épine... Avant que l'équipe de Nicolas Gompel et Benjamin Prud'homme, tous deux chercheurs CNRS, ne les observe au microscope électronique, l'origine évolutive de cette structure était encore controversée.

Contrairement à la corne du scarabée rhinocéros, le casque des membracides n'est pas une simple excroissance de la cuticule (leur squelette externe), mais un appendice dorsal attaché de chaque côté du thorax par une articulation, avec des muscles et de la membrane flexible qui lui permettent d'être mobile. Ces observations anatomiques ont été confirmées par les chercheurs au niveau génétique : les mêmes gènes interviennent pour le développement du casque et des ailes. Les membracides seraient donc des insectes à trois paires d'ailes, dont l'une est profondément modifiée, méconnaissable.

Cette découverte est le premier exemple d'un changement du plan d'organisation des insectes par l'ajout d'une nouveauté évolutive. Ce plan se définit par un corps divisé en trois parties (tête, thorax et abdomen), une paire d'antennes, trois paires de pattes et, le plus souvent, deux paires d'ailes, toujours présentes sur le deuxième et le troisième segment du thorax. Mais il existe des variations autour de ce plan général. Chez les mouches et les moustiques, par exemple, les ailes postérieures sont réduites à de petits ballons appelés balanciers. Chez les coléoptères (coccinelles, scarabées, hannetons...), la première paire est transformée en élytres, ces ''ailes'' dures et souvent colorées qui protègent les ailes postérieures. Chez certains insectes, les ailes ont même totalement disparu. C'est le cas pour les puces ou les poux au mode de vie parasite, ou pour les punaises rouges, communément appelées Gendarmes.

Comment une nouvelle paire d'ailes a-t-elle pu apparaître chez les membracides ? « Chez les insectes, la formation des ailes est normalement réprimée sur tous les segments par les gènes Hox, sauf sur le deuxième et le troisième segment thoracique. » explique Nicolas Gompel. Le gène Hox qui intervient dans le premier segment du thorax, ne serait-il pas exprimé chez les membracides ? Non, la protéine Hox, le produit du gène, est bien détectée dans le casque en formation. Ce gène serait-il inactif ? Là encore la réponse est non : son injection chez la drosophile inhibe bien la formation des ailes. « Nous sommes confrontés à un paradoxe : un gène Hox qui est capable de réprimer la formation des ailes mais qui ne la réprime pas. Nous pensons que les changements évolutifs touchent plutôt le programme génétique de formation des ailes ; ces gènes seraient devenus insensibles à la répression par le gène Hox », précise Nicolas Gompel. Ces résultats vont également à l'encontre de l'idée selon laquelle le plan du corps est uniquement régi par les gènes Hox. En effet, le gène Hox n'a pas changé alors que le plan du corps, lui, a évolué.

Depuis son apparition, il y a environ 40 millions d'années, le casque des membracides s'est totalement dédouané des contraintes structurelles liées au vol. « C'est une aile qui n'en n'est plus une, en somme. Libéré de sa fonction pour le vol, cette aile a pu diversifier sa forme et sa texture sans modération dans ce groupe d'insectes », conclut Benjamin Prud'homme.

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